Le professeur Raoult trouve que les mesures de confinement prises non seulement par la France mais aussi par bien d'autres pays ne sont pas efficaces ; celui qui en janvier nous disait sans rire « qu'il y a plus de chances de mourir de virus qui sont là depuis longtemps que de mourir du coronavirus chinois » préconise, toujours sans rire, qu'il faut « [d]iagnostiquer largement, isoler et soigner les personnes positives plutôt que confiner des pays entiers ». Soit.
Par contre il ne nous dit pas comment on fait avec notre système de santé actuel et il compare notre situation avec celle de la Corée du Sud, pays qui, comme chacun le sait très bien, est parfaitement comparable à un quelconque pays européen ou américain (voir Covid-19 : comparaisons et déraison si vous voulez en savoir un peu plus...)
Le professeur Raoult est un grand (par la taille ?) infectiologue, de renommée mondiale parait-il, c'est aussi quelqu'un qui apparemment se préoccupe assez peu du bien-être des gens qui travaillent autour de lui (voir Marseille : les sanctions tombent à l’unité de recherche médicale sur les maladies infectieuses pour être un peu plus informé sur ses méthodes de management) ; en fait je ne suis pas étonné personnellement, mon épouse est infirmière et elle a pu me raconter certaines choses sur certains pontes réputés et également très compétents, mais de parfaits connards sur le plan humain vis-à-vis du « petit personnel », avec quand même quelques exceptions remarquables (certains grands médecins passent leurs congés à aller faire du bénévolat dans des pays exotiques, mais ils ne sont pas la majorité)
Peut-être que Raoult a raison sur de nombreux points, la chloroquine par exemple, peut-être que sur le fond il a également raison sur le fait que l'on devrait isoler les malades qui auraient été « reconnus » et les traiter ; je me souviens qu'en matière de vaccination il avait aussi une approche pragmatique en préconisant de ne vacciner que de manière ciblée et non pas généralisée, mais c'est un autre sujet qu'on va laisser de côté pour ne pas davantage embrouiller les lecteurs (si vous êtes vraiment intéressés vous pouvez toujours lire ceci)
Cependant Raoult ne donne aucune solution pratique pour nous dire comment on fait pour ressembler à la Corée du Sud, comment on fait pour ne repérer que les porteurs du coronavirus afin de pouvoir eux-seuls les isoler et les traiter, en foutant la paix à l'ensemble de la population non touchée.
J'ose à peine imaginer que Raoult aurait, si on lui avait laissé le choix et donné la possibilité de prendre des décisions pour le pays à la place des politiques, préféré « laisser pisser » en ne recherchant (comment ?) que les possibles contaminés pour ne confiner que les porteurs du virus !
Cette solution ressemble d'assez près à ce qui avait été envisagé au Royaume-Uni ainsi qu'aux Etats-Unis mais qui a apparemment été abandonné récemment au regard...des conséquences possiblement catastrophiques que cela aurait entrainé ! A ce jour seuls les Pays-Bas, semble-t-il, persistent dans leur approche d'« immunité collective », laissant ainsi une grande liberté de déplacements à ses ressortissants afin de ne pas « gêner » l'activité économique...
Cette solution de l'« immunité collective » a une justification que l'on peut comprendre, c'est qu'en laissant une majorité de la population attraper le virus on l'immunise et on la prémunit contre de possibles infections ultérieures, alors que le confinement ne fait que repousser le problème à plus tard, car lorsqu'il prendra fin, forcément un jour, alors la population non immunisée sera susceptible d'être infectée si aucun vaccin n'est disponible et on repartira pour un tour.
Le côté économique est également invoqué par les partisans de l'« immunité collective », car on n'arrête pas de travailler, de circuler, de vaquer à ses occupations habituelles, sauf pour les quelques personnes à risques ou celles qui auraient été testées positives et qui devraient être isolées.
Tout cela est bien beau, sauf que dans la réalité le tableau est un peu plus sombre et inquiétant.
Une étude de l'Imperial College de Londres vient de paraitre le 16 mars dernier, intitulée Impact of non-pharmaceutical interventions (NPIs) to reduce COVID19 mortality and healthcare demand (Impact des interventions non pharmaceutiques (NPI) pour réduire la mortalité COVID19 et la demande de soins) ; et cela fait froid dans le dos.
En effet, en l'absence de toute mesure de contrôle ou de changement dans les habitudes de la population (In the (unlikely) absence of any control measures or spontaneous changes in individual behaviour) alors voici à quoi ressembleraient les courbes de mortalité pour le Royaume-Uni et les Etats-Unis :
Morts dues au coronavirus sans prendre aucune action (source motherjones) |
Nous aurions donc une épidémie qui s'étalerait sur une période courte de seulement quelques mois, de mars à août de cette année, qui immuniserait donc les populations concernées mais provoquerait la mort de 2,7 millions de personnes uniquement sur ces deux pays !
Et cela sans tenir compte des effets indirects sur les systèmes de santé (not accounting for the potential negative effects of health systems being overwhelmed on mortality) de ces pays, qui seraient profondément désorganisés pour dire le moins...
L'étude nous dit également que les capacités en lits disponibles pour les malades qui afflueraient dans les cliniques et hôpitaux seraient saturées dès le mois d'avril (For an uncontrolled epidemic, we predict critical care bed capacity would be exceeded as early as the second week in April)
Cette capacité en lits est clairement exposée dans le graphique suivant :
Oui, la capacité en lits se lit (oui, je sais…) sur le graphique avec la ligne horizontale rouge tout en bas...bref, quel que soit le scénario pendant plus de deux mois ça va être tendu, mais si l'on ne faisait absolument rien (ce qui ne va pas être le cas) alors il est sûr que ce serait la pire des solutions, les services de santé ne pourraient tout simplement pas assurer leur rôle et de nombreux malades seraient laissés sur le carreau, tout bonnement.
L'étude envisage deux stratégies :
- L'atténuation (mitigation), qui vise à ralentir mais pas nécessairement à arrêter la propagation de l'épidémie - en réduisant les pics de demande de soins de santé tout en protégeant les personnes les plus exposées aux maladies graves contre l'infection
- La prévention (suppression), qui vise à inverser la croissance de l'épidémie, en réduisant le nombre de cas à un faible niveau et en maintenant cette situation indéfiniment.
Chaque stratégie a ses avantages et ses inconvénients et l'étude mentionne :
We find that that optimal mitigation policies (combining home isolation of suspect cases, home quarantine of those living in the same household as suspect cases, and social distancing of the elderly and others at most risk of severe disease) might reduce peak healthcare demand by 2/3 and deaths by half. However, the resulting mitigated epidemic would still likely result in hundreds of thousands of deaths and health systems (most notably intensive care units) being overwhelmed many times over. For countries able to achieve it, this leaves suppression as the preferred policy option.
Nous constatons que des politiques d'atténuation optimales (combinant l'isolement à domicile des cas suspects, la mise en quarantaine des personnes vivant dans le même foyer que les cas suspects et l'éloignement social des personnes âgées et des autres personnes les plus exposées aux maladies graves) pourraient réduire la demande de soins de santé de pointe de 2/3 et les décès de moitié. Toutefois, l'épidémie atténuée qui en résulterait entraînerait probablement encore des centaines de milliers de décès et les systèmes de santé (notamment les unités de soins intensifs) seraient maintes fois débordés. Pour les pays capables d'y parvenir, la prévention reste l'option politique privilégiée.
Or voici ce que signifie exactement une politique de prévention selon cette étude :
We show that in the UK and US context, suppression will minimally require a combination of social distancing of the entire population, home isolation of cases and household quarantine of their family members. This may need to be supplemented by school and university closures, though it should be recognised that such closures may have negative impacts on health systems due to increased absenteeism. The major challenge of suppression is that this type of intensive intervention package – or something equivalently effective at reducing transmission – will need to be maintained until a vaccine becomes available (potentially 18 months or more) – given that we predict that transmission will quickly rebound if interventions are relaxed.
Nous montrons que dans le contexte britannique et américain, la prévention nécessitera au minimum une combinaison de distanciation sociale de l'ensemble de la population, d'isolement des cas à domicile et de mise en quarantaine des membres de leur famille. Il faudra peut-être compléter ces mesures par des fermetures d'écoles et d'universités, bien qu'il faille reconnaître que ces fermetures peuvent avoir des effets négatifs sur les systèmes de santé en raison de l'augmentation de l'absentéisme. Le principal défi de la prévention est que ce type d'intervention intensive - ou quelque chose d'équivalent pour réduire la transmission - devra être maintenu jusqu'à ce qu'un vaccin soit disponible (potentiellement 18 mois ou plus) - étant donné que nous prévoyons que la transmission reprendra rapidement si les interventions sont assouplies.
Mother Jones introduit ainsi le graphique illustrant la situation complexe que les politiques ont à étudier en « mode panique » :
The Imperial College team concludes that suppression is the only “viable strategy,” but the “social and economic effects of the measures which are needed to achieve this policy goal will be profound.” Mitigation, conversely, is feasible only if our critical care bed capacity is increased by at least eight fold. And even at that, about 1.1 million people would die in the US. Here’s the inevitable chart:
L'équipe de l'Imperial College conclut que la prévention est la seule "stratégie viable", mais que "les effets sociaux et économiques des mesures nécessaires pour atteindre cet objectif politique seront profonds". En revanche, l'atténuation n'est possible que si notre capacité en lits de soins intensifs est au moins multipliée par huit. Et même dans ce cas, environ 1,1 million de personnes mourraient aux États-Unis. Voici l'inévitable tableau :
Bien que ce tableau ne concerne que le Royaume-Uni il est également en très grande partie applicable aux Etats-Unis, ce qui, si vous êtes suffisamment attentifs, n'aura pas manqué de vous faire poser la question essentielle du moment : quid des élections américaines de novembre 2020 ?
Mon pronostic ?
Le clown orange va sauter sur l'occasion pour décréter l'état d'urgence, la loi martiale et le report sine die des élections ; il aura avec lui l'ensemble du parti Républicain ainsi que tous les demeurés qui se sont rués sur les armes à l'annonce du confinement.
Dommages collatéraux du Covid-19 aux Etats-Unis : QI en baisse et ventes d'armes qui explosent (sic) |
Nous savons (de Marseille) que si les Etats-Unis vont très certainement manquer de lits ils pourront se consoler avec un surplus pléthoriques d'armes en tous genres. Rassurant, non ?
Donc en gros , je retiens que cela ne sert á rien.
RépondreSupprimerQuelque soit le scénario le nombre de malades graves emplafonne le nombre de lits disponibles ... et cela pour sauver majoritairement des gens des plus de 70 ans .
Donc c'est un choix de société : détruire l'economie (et donc le systéme de santé , le systeme d'éducation , la recherche, la redistribution sociale ....) et sauver au mieux la moitié de ceux qui seraient mort sans rien faire pour etirer de quelques années leurs esperance de vie ou bien accepter la fatalité et avoir 50000 á 100000 morts ( choix fait dans les années 50 et 60 avec d'autres virus) ... C'est un vrai choix de société.
« je retiens que cela ne sert á rien »
SupprimerLa réalité des chiffres (le titre de mon billet) : nous sommes 7 milliards sur la planète ; imaginons que nous ne faisions absolument rien, pour acquérir l'immunité collective il faut que 60-70% de la population soit infectée, prenons l'hypothèse basse de 60%, cela fait 4,2 milliards de personnes infectées ; prenons une hypothèse basse de létalité de 1%, cela fait 42 millions de morts sur la planète.
C'est effectivement un choix de société;)
Sauf que votre raisonnement se base sur des chiffres inconnues :
RépondreSupprimer> Le 1% de mortalité est extremement conservatif. Ce n'est absolument pas une hypothèse basse mais une hypothèse très haute car en fait on ne connait pas le nombre de personnes réellement infectés. Le Princess Diamond a montré sur une population agée que 50% des cas étaient asymptomatiques (ou quasi) et n'auraient pas été detecté dans un environnement normal. D'autre part la létalité, sur ce sous groupe très agé, était de 1% . Nombreux experts l 'évaluent donc à 0.1% voir moins.
Ensuite le nombre de 70% est également maximisé car d'après les études que j'ai lu, l'immunité de groupe fait effet à partir de 30% .
Ensuite dans votre raisonnement vous ne dites pas combien de personnes vous sauver (court terme) avec le confinement , ni pour combien temps . ET vous ne dites pas combien de morts seront due à la récession qui va arriver (le cas de la Grèce est parfaitement documenté sur les conséquences sanitaires d'une récession ...)
Un vrai choix de société .. qui a été fait et qu'il va falloir assumer
Je ne sais pas où vous avez pris vos chiffres, lesquels seront effectivement connus, par définition, uniquement à la fin de l'épidémie quand tous les comptes auront été faits.
SupprimerCependant je vois que pour l'immunité de groupe on parle bien davantage de 60% (voir par exemple https://www.irishtimes.com/news/world/uk/herd-immunity-policy-ditched-as-uk-adapts-covid-19-response-1.4204562) que le 30% qui me semble être très sous-estimé ; par ailleurs pour le taux de létalité votre 0,1% est ridiculement bas, il suffit de regarder ce que dit Wikipédia (oui je sais, à ne pas prendre à la lettre) ici https://fr.wikipedia.org/wiki/Maladie_à_coronavirus_2019 : ça va de 3% (le plus haut) à 2% (le plus bas) donc avec mes 1% je suis très probablement en-dehors de la fourchette communément admise. 0,1% c'est le taux de létalité de la grippe saisonnière si je ne me trompe pas, or le Covid-19 non seulement est plus contagieux (environ deux fois plus) mais il est également plus mortel ; j'ajouterai que la grippe est mortelle elle aussi pour les personnes « à risque », comme le Covid-19, à la différence qu'elle a un vaccin (même s'il est loin d'être efficace à 100%) ainsi que des traitements connus (voir https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/grippe/traitement-grippe)
C'est bien compliqué tout ça analysé à froid ....
RépondreSupprimerMoi je vous donnerais mon avis dans une dizaine d'années ;)
:P
Pour l'heure, j'aimerais bien rester confiné comme l'a demandé le gouvernement .... Mais en même temps, je dois sortir bosser comme l'a aussi demandé notre chef gouvernement (!)
???????
Il suffit de respecter quelques consignes simples (surtout distance et lavage des mains + si possible masque mais là ça risque d'être plus dur…) et tout ira bien !
SupprimerEuh.... Non.... Sur les chantiers du BTP, c'est impossible de respecter ces consignes de confinement !
SupprimerD'où la colère d'ailleurs de nombreux professionnels sur le sujet :(
Tiens, exemple :
Supprimerhttps://www.mesopinions.com/petition/politique/protection-nos-salaries-nos-entreprises-btp/82993
Pour le bâtiment c'est effectivement un problème.
SupprimerSais-tu comment ont fait les Chinois ? Arrêt total de l'activité ? Ou autre ?
Ah ben ça je ne sais pas .... Il me semble que c'était le blocage total non ?
Supprimer??????
@Daneel
RépondreSupprimerJe suis bien d'accord , c'est compliqué ...
Le choix a été fait ...
Je ne pense pas que le choix soit maintenant si compliqué que ça…
SupprimerNous ne sommes ni préparés ni suffisamment équipés, c'est un fait, donc le confinement est la seule solution envisageable.
Et avec des si ma tante serait mon oncle (https://dicocitations.lemonde.fr/citations/citation-5019.php)
vous ne connaissez ni la létalité , ni le nombre de de malades rééllement infectés , ni l'efficacité du confinement ( ne marche pas en Italie , n'a pas réussi à endiguer l'épidémie en Chine ) .. Effectivement vec des si ma tante serait mon oncle ....
RépondreSupprimerMais imaginons (je ne le crois pas) que le confinement fonctionne à l'echelle de la France ( apres disons deux mois) Je pense que vous savez que le virus est désormais mondial ... on fait quoi ? On interdit aux francais de sortir du pays et aux etrangers de rentrer jusqu'à qu'il n y ait plus un foyer dans le monde ? Certains sceintifiques avancent que ce virus va devenir saisonnier ... cela va etre amusant ...
La stratégie du confinement me semble irrationnel ... Cela me rappelle un épisode de la guerre du Vietnam : " We had to destroy the village in order to save it"
Mais le choix est fait ...on assumera ...
On ne connait pas la létalité exacte à l'instant présent, cependant on peut l'estimer en fonction de ce que l'on sait du passé (le SRAS ou le Mers par exemple), et votre chiffre de 0,1% est de toute façon bien trop faible, il correspond à ce que l'on connait au sujet de la grippe, mais pas des coronavirus que je sache.
SupprimerIl y a effectivement un problème, qui est parfaitement bien connu, qui consiste dans le fait que la population n'étant pas immunisée elle sera à la merci d'une « nouvelle vague » de Covid-19, cela n'est pas un scoop.
La question est de gérer le moment présent, l'urgence, donc éviter de saturer les services sanitaires qui exploseraient si on laissait le virus divaguer à son aise, ce que les britanniques et certains états américains ont enfin compris.
Il sera temps après de demander des comptes aux responsables qui ont permis que nous en arrivions à cette situation déplorable, mais se lamenter actuellement sur les carences des politiques de tous bords ne va pas nous faire avancer d'un centimètre.
"Le clown orange va sauter sur l'occasion pour décréter l'état d'urgence, la loi martiale et le report sine die des élections ; il aura avec lui l'ensemble du parti Républicain ainsi que tous les demeurés qui se sont rués sur les armes à l'annonce du confinement."
RépondreSupprimerSi le traitement de Raoult est bien le bon ( et je pense qu'on l'espère tous) , alors Trump sera malheureusement reélu les doigts dans le nez, car, par pur instinct , il a poussé pour vérifier par la FDA ce traitement et a communiqué dessus à outrance. Si en plus il est assez malin pour fournir gratuitement le traitement à tous les américains (ce que l'industrie pharmaceutique US peut facilement faire) alors bingo pour lui ....
Pas faux...
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