mercredi 11 mars 2020

El Niño ou le foehn ?

Quand un climatosceptique a une idée derrière la tête il ne va pas la lâcher de sitôt, même si les événements viennent contredire ce que cette idée lui susurre à l'oreille.

Par exemple comment nier la hausse avérée des températures causée par nos émissions de gaz à effet de serre ?

C'est simple, il suffit d'accuser « quelque chose d'autre » et si possible, en même temps comme dirait notre cher Lider Maximo, nier également que les températures augmentent, comme cela c'est du win-win, on gagne sur les deux tableaux, tant pis si cela n'a pas de sens, personne ne le remarquera, du moins personne dans son entourage immédiat composé de gens ayant le même système de pensée.

Ainsi on a pu récemment s'apercevoir que le record de température enregistré sur une base de la péninsule antarctique serait dû non pas au réchauffement climatique mais tout bonnement...à l'effet de foehn !

De la même manière le record de l'année 2016 au niveau planétaire a pu être mis au crédit...du phénomène El Niño !

Sans le foehn et sans El Niño les températures n'auraient pas été aussi élevées, il y a donc un peu de vrai dans ces affirmations, mais il y a surtout beaucoup de mauvaise foi pour ne pas dire de bêtise quand ceux qui les profèrent s'arrêtent là sans se poser plus de question.

L'effet de foehn


Contrairement à ce que certains avancent (voir ce commentaire édifiant de monsieur Antoine) les météorologues connaissent parfaitement l'effet de foehn, qui est expliqué ainsi par Wikipédia :
L'air situé sur le versant ascendant subit un refroidissement adiabatique sec, ce qui augmente son humidité relative jusqu'à possiblement saturation. S'il y a condensation, il y aura production de nuages et précipitations de ce côté puis le taux de changement devient celui plus lent du gradient adiabatique humide. En aval de l'obstacle, l'air redescend et se réchauffe selon l'adiabatique sèche ce qui dégage le ciel de ce côté. Selon la quantité de vapeur d'eau perdue et la différence d'altitude avant et après l'obstacle, la température en aval pourra être plus chaude qu'en amont.
Comme le graphique présenté par Wikipédia ne me plait pas, je vous montre d'abord celui-ci issu du site studylibfr que je trouve beaucoup plus parlant :

Principe de l'effet de foehn (source studylibfr)

Nous voyons qu'à la même altitude nous avons une température de 10°C au pied du versant au vent et 18°C au pied du versant sous le vent, soit une différence de 8°C avec des taux d'humidité variant de 100% à 30%.

Le graphique Wikipédia est plus concis mais un peu moins explicite :

Variation de la température en amont et en aval de l'obstacle (source wikipedia)

Dans cet exemple la température au vent est de 16°C au pied de la montagne alors qu'elle est de 20°C du côté sous le vent, soit une différence de 4°C.

Le principe est donc bien connu, quand l'air rencontre un relief comme une montagne il se refroidit en s'élevant puis se réchauffe en passant de l'autre côté, mais comme il passe d'une adiabatique humide à une adiabatique sèche le gradient de température est différent ; dans l'exemple Wikipédia en adiabatique sèche il est de 10°C pour chaque kilomètre (ou 1°C pour chaque centaine de mètres) gagné en altitude, puis de seulement 6°C par kilomètre quand l'humidité vient jouer les trouble-fêtes ; du côté sous le vent l'adiabatique est sèche du haut jusqu'en bas, ce qui explique qu'en descendant l'air se réchauffe de 10°C par kilomètre tout du long ; ainsi du côté au vent la perte de température n'est que de 6°C alors que du côté sous le vent le gain de température est de 10°C, expliquant ainsi l'écart de 4°C enregistré au pied de la montagne.

Maintenant il faut s'interroger pour comprendre comment on en arrive à affirmer qu'un record de température serait dû non pas au réchauffement climatique mais à l'effet de foehn.

Pour démonter l'arnaque intellectuelle nous allons partir d'un exemple très simple à comprendre (même si je ne suis pas persuadé que monsieur Antoine, s'il lit ces lignes, y parvienne)

Imaginons une station météo située au pied d'une montagne. Imaginons que cette station est située du côté sous le vent, et que par conséquent, quand le vent souffle de la montagne dans sa direction cela fasse monter la température qu'elle enregistre à cause de l'effet de foehn.

Nous allons partir de l'année n, située quelque part dans les années 1970 ou 1980, peu importe ; cette année, à un instant donné, disons le 15 mars à 14 heures précises (pourquoi pas ?), la température « sans effet de foehn » est de 10°C exactement (j'aime la facilité) ; puis soudainement le vent se lève et disons à 14h01 la température passe à 11°C, l'augmentation de 1°C étant bien entendu due (oui j'ai osé) à l'effet de foehn qui est à cet endroit de +1°C exactement (je n'aime pas les complications) la montagne étant relativement peu élevée.

Récapitulons :
  • en n sans effet de foehn nous avons une température de 10°C ;
  • avec effet de foehn cette température est de 11°C ;
  • l'effet de foehn ajoute exactement 1°C à la température « de base ».
J'espère que vous suivez, si ce n'est pas le cas n'hésitez pas à relire calmement ce qui précède.

Maintenant passons à l'année n+x située quelque part aux alentours des années 2000 ou 2010, là aussi peu importe ; cette année n+x, le 15 mars à 14 heures précises la température enregistrée est de 10,5°C exactement, soit 0,5°C de plus que l'année n au même moment, et puis soudainement (vous vous en seriez douté hein !) le vent se lève et à 14h01 pétante la température passe à 11,5°C, l'effet de foehn étant toujours de +1°C (c'est un conservateur, il n'aime pas changer, du moins dans mon exemple simpliste), et c'est un nouveau record pour cette station ce jour-là à cette heure-ci !

Récapitulons :
  • en n+x sans effet de foehn nous avons une température de 10,5°C ;
  • avec effet de foehn cette température est de 11,5°C ;
  • l'effet de foehn ajoute exactement 1°C à la température « de base ».
Que pouvons-nous en conclure ?

La station a donc battu son record de température pour un 15 mars à 14 heures et une minute, la question à deux balles est celle-ci : ce record est-il dû à l'effet de foehn ou à « autre chose » ?

Monsieur Antoine répondra immédiatement sans réfléchir (pourquoi se fatiguer pour si peu ?) que c'est à cause de l'effet de foehn et que si les climatologues disent que la station a battu son record c'est parce qu'ils ne savent pas ce qu'est l'effet de foehn !

Pourtant l'effet de foehn, dans cet exemple, n'a pas changé d'un iota, il est toujours de 1°C, c'est donc bien parce que la température « de base » a augmenté de 0,5°C que le record a été battu, l'effet de foehn est seulement venu apporter un petit coup de pouce ce jour-là ; si le vent n'avait pas soufflé la température n'aurait été « que » de 10,5°C, soit 0,5°C de moins que le 15 mars de l'année n, mais si ce même vent n'avait pas non plus soufflé à ce moment-là la température aurait alors été de 10°C, soit 0,5°C de moins et le record aurait été battu de 0,5°C !

Pour le record de la station de la péninsule antarctique on ne sait pas, à ma connaissance, s'il sera homologué ou non, quoi qu'il en soit comme la température de l'Antarctique est amenée à augmenter sur le long terme il ne fait aucun doute que ce record sera de toute façon battu un jour, il est même possible qu'il l'ait déjà été quelque part où il n'existe pas de station météo, mais comme on ne le saura jamais autant ne pas fantasmer dessus, laissons le temps passer et cela arrivera tôt ou tard là où un enregistreur fiable est (ou sera) implanté.



El Niño


Nous voyons à peu près le même processus de déni à l'oeuvre avec le phénomène El Niño qui serait le principal responsable du record de température enregistré durant l'année 2016.

Evidemment sans l'exceptionnel Niño de cette année 2016 celle-ci ne détiendrait pas le record actuel de l'année la plus chaude depuis que des instruments de mesure existent, mais on pourrait procéder au même raisonnement ci-dessus qui concernait l'effet de foehn ; ne vous inquiétez pas, je ne vais pas vous le resservir, cela n'aurait aucun intérêt, l'essentiel étant de comprendre que « sans effet de foehn » ou « sans Niño » les températures augmentent quand même, ces deux phénomènes ponctuels venant de manière opportune amplifier le mouvement avant de le faire retomber dans la foulée : quand le vent cesse de souffler l'effet de foehn n'opère plus et quand El Niño est remplacé par une situation neutre ou, pire, par une Niña, la température a tendance à retomber, ce qu'elle a fait au niveau planétaire puisque 2016 détient toujours le record, suivie de près par 2019 qui était une année sans Niño !

Pour mémoire, voici l'historique ENSO des dix dernières années :

Index ENSO de 2011 à 2020 (source weather.plus)

Pour savoir quel est l'impact d'ENSO, en plus ou en moins, sur la température de l'atmosphère, le site Carbon Brief, dans Interactive: How much does El Niño affect global temperature?, nous montrait en 2017 ce graphique :

Evolution de la température de surface mondiale.

La courbe bleue représente les données de la NASA incluant les variations ENSO ; on voit nettement les forts impacts des Niños de 1998 et de 2016 ; maintenant regardons les températures en enlevant l'impact du phénomène ENSO, nous obtenons ceci :

Evolution de la température mondiale sans effet ENSO.

Tout de suite on remarque que les pics de 1998 et 2016 ont disparu, et on imagine sans mal qu'en continuant la courbe jusqu'à fin 2019 cette année deviendrait la number one des années les plus chaudes (rappelons que 2017 fut qualifiée d'année la plus chaude sans El Niño…)

Mais il n'y a pas qu'ENSO, il y a aussi le soleil et les volcans qui peuvent avoir un impact sur les températures (pour le soleil très minime, beaucoup plus marqué quand des volcans majeurs entrent en éruption) ; voici ce que cela donne :


Evolution de la température mondiale sans les effets dus à ENSO, au soleil et aux volcans.

Bref, à fin 2016 nous avons les valeurs suivantes :
  • « tout compris » : +0,99°C
  • « hors ENSO » : +0,83°C
  • « hors ENSO, soleil et volcans » : +0,82°C
Et si la dernière courbe fait encore un peu les montagnes russes c'est j'imagine dû aux autres effets causés par les diverses oscillations océaniques et par des facteurs divers liés probablement à l'activité humaine (impact de la pollution par exemple) ainsi que par l'incertitude inhérente aux mesures qui ne peuvent pas être précises à 100% (si elles l'étaient ce serait à mon avis douteux…)


Conclusion


Laissons la parole au commissaire-friseur qui, dans son immense sagesse, nous disait :
Un effet de foehn sur la pointe extreme de la peninsule antarctique est mis en exergue… Du grand n’importe quoi.

Ce qui est effrayant c’est que l’OMM participe a cette fraude. Enfin, qu’on ne me dise pas qu’a l’OMM il n’y a pas de meteorologiste qui ne sache pas ce qu’est un effet de foehn ponctuel et comprenne que l’attribuer au changement climatique releve de la pure fumisterie.
Et en matière de fumisterie il faut avouer que nous avons affaire là à un grand spécialiste de la question.


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