Il y a vingt-cinq ans, déjà...

C'est en 1992 que fut émis cet avertissement des scientifiques du monde entier à l'attention de l'humanité.

C'était il y a 25 ans.

Outre des signataires aussi prestigieux que Carl Sagan, Stephen Jay Gould, ou James Van Allen, celui-là même qui donna son nom à de fameuses ceintures, on peut noter les signatures de Georges Charpak, Louis Néel et Pierre-Gilles de Gennes, trois prix Nobel français dont le dernier fut enrôlé à l'insu de son plein gré par l'ineffable Jacques Duran, le désinformateur en chef qui n'hésite pas à lui consacrer un article entier dans lequel on peut lire :

• Pierre-Gilles de Gennes, en tant que théoricien proche de l'expérience, était surtout un homme "papier-crayon" bien qu'il fut attiré par l'expérimentation. Il n'était certes pas un spécialiste des simulations numériques sur ordinateur. Ils les avait pourtant fréquemment pratiquées en tant qu'utilisateur des résultats obtenus par des numériciens spécialistes dans son (ses) domaine(s) de recherche qui étaient aussi nombreux que variés.
  De manière générale, il n'était, sauf en de rares exceptions, guère impressionné par les performances des simulations numériques et, connaissant leur fragilité, il s'inquiétait surtout de leur application aux questions environnementales.

Donc PGG « n'était [...] guère impressionné par les performances des simulations numériques », ce qui, en langage climatosceptique, signifie que les modèles climatiques qui projettent des niveaux de températures à l'horizon 2100 en fonction de certains scénarios d'émissions de CO2 sont tout bonnement à jeter à la poubelle.

Evidemment, maintenant que ledit PGG est mort on peut lui faire dire tout ce que l'on veut et le mettre sur le même pied d'égalité que Marcel Leroux (ne riez pas svp) ou Claude allègre (restez calme je vous prie) sur ce qui touche au climat...

Et la cerise sur le gateau, c'est quand Duran mentionne :

• C'est ainsi qu'il signa avec 71 autres prix Nobel et de nombreux autres scientifiques l'"Appel de Heidelberg" qui fut publié lors du Sommet, au grand dam de beaucoup des participants. Vous trouverez, par exemple, ici le texte original de l'appel d'Heidelberg et la liste des signataires.

On sait ce qu'il faut penser de cette fumisterie d'Appel de Heidelberg, une invention d'un cabinet de conseil travaillant pour le compte des industriels de l'amiante et du tabac, mais on notera surtout que Duran se garde bien de mentionner que son idole a surtout signé l'avertissement de 1992, comme si Pierre-Gilles de Gennes avait voulu dire tout et son contraire la même année !

A noter, et c'est à la limite comique, que Claude Allègre était lui aussi signataire, non pas de l'Appel de Heidelberg, mais de l'avertissement à l'humanité...

Et Jacques Duran de s'enfoncer davantage :

• [...] cet appel d'Heidelberg reflétait assez précisément ses positions sur le sujet comme en témoigne Laurence Plévert qui a consacré un grand nombre d'heures à interviewer et à enregistrer PGG, peu de temps avant son décès. Elle en a tiré un livre édité chez Belin (2) dans lequel elle déclare à la page 262 que "l'Appel d'Heidelberg est parfaitement conforme à son point de vue" .

Et que dit l'avertissement à l'humanité, en substance ?

 

Extrait de la première page de l'avertissement des scientifiques à l'humanité publié en 1992.

Oui vous lisez bien, cela commence par « Les êtres humains et le monde naturel vont entrer en collision », et l'avertissement (warning) nous dit que « les soussignés (dont Pierre-Gilles de Gennes) [...] avertissent, par le présent document, toute l'humanité de ce qui l'attend. »

Et que disait l'Appel de Heidelberg ? Je reprends les citations de Jacques Duran lui-même :

• [...] à l'aube du vingt et unième siècle, nous nous inquiétons de l'émergence d'une idéologie irrationnelle qui est opposée au progrès industriel et scientifique et qui entrave le développement économique et social."
• Nous affirmons qu'un Etat Naturel, parfois idéalisé par des organisations qui ont tendance à regarder vers le passé, n'existe pas et n'a probablement jamais existé depuis la première apparition de l'homme dans la biosphère, dans la mesure où l'humanité a toujours progressé par une exploitation croissante de la Nature selon ses besoins et non pas l'inverse. Nous souscrivons totalement aux objectifs de l'écologie scientifique pour un univers dont les ressources doivent être conservées, surveillées et préservées.
• Cependant, nous mettons en garde les autorités en charge de la destiné de notre planète contre des décisions qui reposent sur des arguments pseudoscientifiques ou sur des données fausses et inappropriées.
• Les plus grands maux qui accablent notre Terre sont l’ignorance et l’oppression, et non la Science, la Technologie et l’Industrie dont les instruments, lorsqu’ils sont adéquatement gérés, sont les outils indispensables à un futur façonné par l’Humanité, par elle-même et pour elle-même, lui permettant ainsi de surmonter les problèmes majeurs tels que la surpopulation, la famine et les maladies répandues dans le monde entier.

Comment peut-on raisonnablement croire que Pierre-Gilles de Gennes ait à la fois signé le torchon d'Heidelberg et l'avertissement à l'humanité, et cela la même année, les deux textes étant manifestement sur des lignes totalement opposées ?

Maintenant, 25 ans après, nous en sommes encore à lancer des appels plus ou moins réussis, comme ce dernier en date.

Je parie mes quelques billets (de banque et de blog) que dans 25 ans nous aurons droit à un nouvel appel des scientifiques qui sera lui aussi pris de haut par le petit monde climatosceptique ; dans l'intervalle les températures auront probablement augmenté d'un degré à moins qu'un hiver nucléaire provoqué par la folie des hommes ou par un astéroïde de passage nous fasse revenir au petit âge glaciaire, comblant d'aise tous ces "sceptiques" qui pourront dire qu'ils l'avaient bien prévu !

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Voir également mon billet Enrôlés à l'insu de leur plein gré du 7 avril 2016.