samedi 6 mai 2023

La véritable raison de l'invasion de l'Ukraine par la Russie

Alors que nous attendons l'offensive ukrainienne qui semble imminente, il est toujours utile de se demander pourquoi Poutine a décidé un jour d'envahir l'Ukraine, de renverser son président, voire de le liquider (tout dépendant de l'humeur du militaire qui se serait retrouvé le premier devant Zelensky), donc de se poser la double question suivante :

Quels sont les motifs et les objectifs de Vladimir Poutine ?

Commençons par les objectifs.


La BBC News Afrique, par exemple, nous les indiquait en deux mots dès février 2022 :

L'objectif initial du dirigeant russe était d'envahir l'Ukraine et de déposer son gouvernement, mettant ainsi un terme définitif à son désir de rejoindre l'alliance défensive occidentale, l'OTAN.

Je ne suis pas certain que ce soit exactement cela mais ne chipotons pas ; l'OTAN est un bouc émissaire facile, comme nous allons le voir plus loin, un prétexte un peu plus plausible serait d'après d'autres sources que Poutine ne voulait aucune « contagion démocratique » dans son pays, la Russie, en provenance de l'Ukraine qui tentait un peu trop à son gout de se rapprocher des Européens de l'ouest. Mais il s'agit là d'une raison de l'invasion, pas des objectifs poursuivis par Poutine, lequel ne les a en fait jamais clairement définis. Quoiqu'il en soit, si l'on tente de les deviner on s'aperçoit qu'ils ont changé au fil du temps par la force (sic) des choses. Au début, donc, c'était l'annexion pure et simple de la totalité du pays avec la mise à sa tête d'une marionnette dans le style de Loukachenko pour la Biélorussie. Mais quand le navire amiral Moskva a été coulé et qu'il est devenu évident que la flotte russe ne pouvait pas avoir la maitrise de la partie nord-ouest de la mer Noire, l'objectif' a été revu fortement à la baisse. Actuellement il semblerait que Poutine se satisferait, du moins provisoirement, des quatre oblasts annexés récemment, en plus de la Crimée qu'il avait mis dans sa poche dès 2014. L'offensive ukrainienne nous dira si cet objectif-là est réaliste, pour le moment personne ne sait comment vont se dérouler les opérations.

En ce qui concerne maintenant les raisons invoquées par Poutine et ses affidés elles sont un certain nombre que je vais détailler ci-après (j'en oublie sûrement, mais il me semble que ce sont les principales) :

  • L'OTAN encerclerait la Russie et donc la menacerait ;
  • Il faudrait dénazifier et démilitariser l'Ukraine ;
  • Il y aurait un génocide en cours au Donbass depuis 2014 ;
  • Il s'agirait d'un acte de légitime défense et l'article 51 chapitre 7 de la charte ONU s'appliquerait ;
  • la Russie aurait créé l'Ukraine qui n'aurait donc aucune existence légale (ni réelle d'ailleurs)
  • Il y aurait sur le sol ukrainien des biolabs américains destinés à fabriquer des bombes sales pouvant être utilisées contre la Russie...

Pour expliquer en quoi tous ces arguments sont du grand n'importe quoi, surtout destiné en interne afin de faire avaler la pilule plus facilement à une population quasi-lobotomisée par des années de propagande, mais aussi en externe à l'adresse (ou la maladresse) de tous les idiots utiles de la planète avec pour objectif de leur faire fléchir leurs gouvernements respectifs (ça marche assez bien en Hongrie ou en Serbie il parait, beaucoup moins en France, et ça pourrait être efficace aux Etats-Unis...), je me suis inspiré du site de Fact-checking DW. Bien d'autres sources existent mais je ne vais me servir essentiellement que de celle-ci en ajoutant ma touche personnelle.


L'OTAN


C'est peut-être la raison la plus souvent mise en avant, surtout par les anti-américains « primaires », qui sont également, cela va de soi, anti-UE étant donné que pour eux l'Europe serait le vassal des Etats-Unis et l'OTAN serait l'outil par lequel tout ce beau monde tenterait de dominer le monde. On passera sur l'aspect complotiste stupide pour se focaliser sur l'OTAN elle-même et sa supposée dangerosité pour la Russie.

On notera tout d'abord qu'aucun pays membre de l'OTAN n'a été jusqu'à présent agressé par la Russie ; on remarquera aussi qu'aucun des trois pays qui ont vu depuis la création de la Russie « moderne » une partie de leur territoire purement annexée par leur gentil voisin, à savoir la Moldavie (avec la Transnistrie dès 1992), la Georgie en 2008 (avec l'Abkhazie et l'Ossétie du sud) et enfin l'Ukraine en 2014 puis en 2022, aucun de ces pays donc n'est membre de l'OTAN. La conclusion qu'on peut tirer de ces préliminaires est que l'OTAN agit comme une assurance-vie contre d'éventuels comportements criminels d'un état ayant des vues sur ses anciennes possessions...

Cela-dit ce prétexte de l'OTAN qui soi-disant « encerclerait » la Russie et menacerait de l'envahir est tout bonnement stupide. Il suffit de regarder une carte et l'on s'aperçoit assez facilement que pour encercler un pays tel que la Russie il faut beaucoup plus que les quelques pays membres de l'OTAN qui le bordent sur ses frontières ouest :

Les pays membres de l'OTAN face à la Russie (source reseauinternational)


Vous remarquerez, au passage, que je me sers d'une carte issue d'un site conspirationniste, comme quoi je ne suis pas sectaire !

Sur cette carte ne figure évidemment pas la Finlande, qui vient juste d'être admise comme membre, ni la Suède qui attend son tour, puisque avant le 24 février 2022 ces deux pays étaient réputés neutres sans aucune volonté de joindre l'organisation atlantique. S'ils ont décidé de devenir membres, comme avant eux les pays baltes en 2004 ou la Pologne en 1999, ce n'est certes pas pour balancer le moindre missile sur la tête de Vladimir Poutine ; ils avaient apparemment d'excellentes raisons qui, pourrait-on dire, tenaient à leur désir de survivre dans un monde de brutes. On constatera par la même occasion que la grande majorité des pays ayant récemment intégré l'OTAN sont d'anciennes possessions de l'antique URSS ; quand celle-ci s'est disloquée la première chose qui leur est venue à l'esprit a été de se protéger de la nouvelle entité créée sour le nom de fédération de Russie. C'est quand même un signe comme on dit si bien.

Tout cela pour dire que l'OTAN est bien évidemment une organisation purement défensive sans aucune velléité de mettre un pied sur le sol russe. C'est si vrai que quand un missile est tombé en Pologne pas loin de la frontière avec l'Ukraine en faisant deux morts la toute première réaction de l'OTAN a été de calmer les esprits ; voir à ce sujet Missile tombé en Pologne : dans le village de Przewodow, les habitants ont cru "que la guerre avait commencé" dans leur pays :
Si Kiev a réaffirmé mercredi 16 novembre, par la voix de son président Volodymyr Zelensky, que le missile tombé en Pologne était bien Russe, l'Otan, les Occidentaux et la Pologne elle-même, estiment plus probable que ce soit une erreur de tir d'un missile de la défense sol-air ukrainienne.
A mon humble avis si l'OTAN avait voulu se servir de cet incident comme prétexte pour répliquer contre la Russie on aurait immédiatement donné raison à Zelensky...



Dénazification et démilitarisation


Là nous serions dans le grand comique si la situation n'était pas ce qu'elle est.

En ce qui concerne la démilitarisation on comprend qu'une Ukraine armée puisse gêner quelque peu Vladimir Poutine...

Mais pour la dénazification on a envie de lui dire qu'avant de s'occuper des nazis ukrainiens il ferait mieux de dénazifier la Russie !

Rappelons que le groupe paramilitaire Wagner doit son nom à Dmitri Outkine qui avait choisi ce nom de guerre en « hommage » au compositeur préféré d'Adof Hitler dont il est un fan assumé :

Dmitri Outkine, qui arbore fièrement ses insignes nazis, est également estimé par Vladimir Poutine (source)

Mais il n'est pas le seul nazi russe qui s'exhibe sans complexe, nous avons aussi Aleksei Milchakov qui s'exprime dans une vidéo :

« Je suis un nazi. Je peux lever la main. » Des dizaines de combattants de groupes néonazis russes combattent aux côtés de la Fédération de Russie en Ukraine (source currenttime.tv)

Ce qui figure en légende est la traduction du texte en russe que voici :
"Я нацист. Могу руку вскинуть". В Украине на стороне РФ воюют десятки бойцов российских неонацистских группировок
Et du côté ukrainien qu'en est-il ?

Il y a très probablement quelques néo-nazis qui trainent ici ou là, mais bien malin qui arrivera à les trouver. Aux dernières élections législatives de 2019 le parti Svoboda (qui regroupe en fait trois partis d'extrême droite) a réussi à placer...un candidat à la chambre ! Pour environ 3% des voix, à comparer par exemple aux scores de nos frontistes et autres zémouriens pour juger du caractère « extrémiste » de la chambre ukrainienne. Et que dire du président Zelensky, un juif qui a des aïeux « morts à la suite de l’invasion nazie du territoire ukrainien. »...

Est-ce vraiment la peine de continuer ?



Génocide au Donbass


Ce narratif d'un soi-disant génocide qui serait commis par le « régime de Kiev » envers les populations du Donbass est notamment alimenté par Anne-Laure Bonnel, bien qu'elle se contente de parler de « crimes de guerre dans le Donbass » ; dans Anne-Laure Bonnel : crimes de guerre de l’Ukraine dans le Donbass sur le site de réinformation Solidarite et progres elle nous dit :
Le gouvernement de Kiev a bombardé sa population. Ici, depuis 2014, c’est l’Ukraine qui bombarde et tue des milliers de civils de la population. Il y a eu 13 000 victimes, en huit ans, parmi lesquelles des Ukrainiens russophones, qui se sentent tous ukrainiens. (…) J’ai toutes les preuves, j’ai les images, j’ai le film. C’est incontestable. Il y a des blessés, il y a des morts, que je filme, que je photographie pour garder ça en témoignage.
Cette fable des 13 000 victimes a pourtant une origine tout à fait réelle, mais totalement détournée de la vérité à des fins de propagande. C'est Vladimir Poutine qui a parlé de génocide à l'attention des idiots utiles comme Anne-Laure Bonnel, et pour connaitre le fin mot de l'histoire il suffit de consulter un simple site de fact-checking tel que AFP Factuel :
il s'agit d'un raccourci trompeur d'un bilan de l'Onu qui comprend en réalité à la fois les morts civils et les décès des combattants ukrainiens et pro-russes.
Et pour en avoir confirmation il suffit là-aussi de consulter le Rapport sur la situation des droits de l'homme en Ukraine Du 16 novembre 2019 au 15 février 2020 qui nous dit en substance :
OHCHR estimates the total number of conflict-related casualties in Ukraine (from 14 April 2014 to 15 February 2020) to be 41,000–44,000: 13,000-13,200 killed (at least 3,350 civilians, an estimated 4,100 Ukrainian forces and an estimated 5,650 members of armed groups17); and 29,000-31,000 injured (approximately 7,000–9,000 civilians, 9,500–10,500 Ukrainian forces and 12,500-13,500 members of armed groups).
Le HCDH estime le nombre total de victimes du conflit en Ukraine (du 14 avril 2014 au 15 février 2020) à 41 000-44 000 : 13 000-13 200 tués (au moins 3 350 civils, environ 4 100 membres des forces ukrainiennes et environ 5 650 membres de groupes armés17) ; et 29 000-31 000 blessés (environ 7 000-9 000 civils, 9 500-10 500 membres des forces ukrainiennes et 12 500-13 500 membres de groupes armés).
Il n'y a donc eu « que » 3 350 civils tués, qui étaient des victimes collatérales du conflit déclenché par Moscou, et parmi ces 3 350 on ne sait trop combien il y en avait qui faisaient partie des « pro-russes » et combien étaient dans le camp ukrainien. Nous sommes donc très loin d'un génocide, et si génocide il y a il faut plutôt le chercher du côté des Russes qui déportent en masse des populations, y compris de très nombreux enfant, afin de les « russifier », ce qui est constitutif du crime de génocide comme vient de le confirmer l'assemblée parlementaire des 46 États de l'UE :
Le jeudi 27 avril, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté une résolution reconnaissant le transfert forcé d’enfants ukrainiens vers la Russie comme un génocide.
Avec le site de United Nations Office on Genocide Prevention and the Responsibility to Protect nous en avons confirmation dans l'Article II

In the present Convention, genocide means any of the following acts committed with intent to destroy, in whole or in part, a national, ethnical, racial or religious group, as such:

  1. Killing members of the group;
  2. Causing serious bodily or mental harm to members of the group;
  3. Deliberately inflicting on the group conditions of life calculated to bring about its physical destruction in whole or in part;
  4. Imposing measures intended to prevent births within the group;
  5. Forcibly transferring children of the group to another group
Article II

Dans la présente Convention, le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :

Tuer des membres du groupe ;
Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
Soumettre délibérément le groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
Imposer des mesures visant à empêcher les naissances au sein du groupe ;
Transférer de force des enfants du groupe à un autre groupe.
« L'un quelconque des actes ci-après », le dernier de ces actes étant donc « Transférer de force des enfants du groupe à un autre groupe. »

C'est clair et net. Le génocide est le fait des Russes, certainement pas des Ukrainiens.



Légitime défense


Ici nous touchons au sublime. En invoquant l'article 51 du chapitre 7 de la charte des Nations Unies Poutine appelle à la rescousse ni plus ni moins que la légitime défense pour justifier son agression ! Cet article stipule très précisément ceci :
Article 51
Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l'objet d'une agression armée, jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Les mesures prises par des Membres dans l'exercice de ce droit de légitime défense sont immédiatement portées à la connaissance du Conseil de sécurité et n'affectent en rien le pouvoir et le devoir qu'a le Conseil, en vertu de la présente Charte, d'agir à tout moment de la manière qu'il juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales.
Evidemment il s'agit là d'un grossier détournement de ce que dit cet article. A aucun moment la Russie n'a fait « l'objet d'une agression armée » et c'est bien le Donbass ukrainien qui a été envahi par les troupes russes qui y ont fomenté des troubles en instrumentalisant les quelques pro-russes qui s'y trouvaient. On rappellera utilement les résultats du référendum de 1991 sur l'indépendance de l'Ukraine qui sont sans appel : 

Résultat du OUI lors du référendum de 1991 (source Wikipédia)

Ces résultats n'ont jamais donné lieu à aucune contestation, même de la part des Russes qui, par la voix de Boris Eltsine, ont reconnu l'indépendance de l'Ukraine en décembre 1991 :
Rapid recognition of that independence was assured when the evening news on Russian television reported that Boris N. Yeltsin, the Russian republic's President, was recognizing the new state. [...] "The Russian President declared his recognition of Ukraine's independence in connection with the democratic expression of the will of its people," the late-evening news program Vesti announced. "Boris Yeltsin expressed his conviction on the possibility and the need to quickly establish new inter-state relations between Russia and Ukraine, to include diplomatic relations."
La reconnaissance rapide de cette indépendance a été assurée lorsque le journal télévisé du soir de la télévision russe a annoncé que Boris N. Eltsine, le président de la république russe, reconnaissait le nouvel Etat. [...] "Le président russe a déclaré qu'il reconnaissait l'indépendance de l'Ukraine dans le cadre de l'expression démocratique de la volonté de son peuple", a annoncé le journal télévisé de fin de soirée Vesti. "Boris Eltsine a exprimé sa conviction sur la possibilité et la nécessité d'établir rapidement de nouvelles relations interétatiques entre la Russie et l'Ukraine, y compris des relations diplomatiques.
Les oblasts de Donetsk et de Louhansk, comme on peut le constater sur la carte, ont voté à plus de 80% pour l'indépendance de l'Ukraine (pas loin des 90% pour Louhansk !)

Difficile donc d'imaginer qu'entre 1991 et 2014, soit en seulement une vingtaine d'années, les choses aient changé au point de faire basculer l'opinion des populations et leur faire préférer la Russie à l'Ukraine !

Il n'y avait de plus aucune population ukrainienne pro-russe véritablement opprimée, peut-être simplement négligée par le régime de Kiev qui, faut-il le souligner, a longtemps été...pro-russe ! En effet, de 1992 à 2005 c'est Leonid Koutchma, d'abord premier ministre puis président, qui officiait à Kiev ; Koutchma, nous dit Wikipédia, 
est un homme d'État ukrainien. Ingénieur, membre du Parti communiste de l'Union soviétique de 1960 à 1991.
Cerise sur la gateau, Koutchma a été élu, devinez grâce à qui, grâce
aux votes de la région industrielle (l'est de l'Ukraine) alors que son concurrent reçoit la majorité des voix dans l'ouest du pays
Et on ajoute
Il veut stimuler l'économie par le rétablissement des relations économiques avec la Russie
Et un peu plus loin
Certains journaux d'opposition au cours de sa présidence sont interdits et des journalistes sont morts dans des conditions mystérieuses.
Si cela ne vous rappelle pas un certain Vladimir Poutine c'est que vous y mettez vraiment de la mauvaise volonté.

Et ce n'est pas tout, le premier ministre de Koutchma était un certain...Viktor Ianoukovytch ! Lequel deviendra à son tour président de 2010 à 2014, menant une politique très orientée en faveur de Moscou, ce qui conduira finalement à la révolte de son peuple (voir Euromaïdan) et à sa piteuse fuite en Russie.

Pour résumer :
  • Les Ukrainiens ont voté massivement (à l'exception de la Crimée) pour l'indépendance du pays ;
  • Les dirigeants du pays ont plutôt eu durant la période 1991-2014 une approche pro-Kremlin ;
  • Il n'y avait évidemment personne d'agressé par le « régime de Kiev » au Donbass ;
Conclusion :
  • Les Russes n'étant aucunement agressés de quelque façon que ce soit la légitime défense ne pouvait en aucun cas être invoquée.



Création de l'Ukraine par la Russie


Pour rigoler un peu, et comme mes notions d'histoire laissent beaucoup à désirer, j'ai posé la question suivante à ChatGPT :
Peut-on dire comme le fait Vladimir Poutine que l'Ukraine a été créée par la Russie ?
Et voici ce que l'IA m'a répondu en quelques secondes de temps :

Il est vrai que l'histoire de l'Ukraine et de la Russie est étroitement liée, car les deux pays partagent une histoire, une culture et une langue communes. Cependant, l'affirmation selon laquelle l'Ukraine a été créée par la Russie est contestée par de nombreux historiens et experts.

L'Ukraine a une histoire millénaire et une identité nationale distincte de celle de la Russie. Les premiers États ukrainiens ont émergé au IXe siècle, bien avant la formation de l'État russe. Au fil des siècles, l'Ukraine a été influencée par différents pouvoirs, notamment la Lituanie, la Pologne et l'Empire ottoman, avant de devenir une partie de l'Empire russe au XVIIIe siècle.

L'histoire de l'Ukraine et de la Russie est complexe et marquée par des conflits, mais il est important de reconnaître que l'Ukraine est un État souverain et indépendant, avec une histoire et une culture distinctes. Les affirmations selon lesquelles l'Ukraine aurait été créée par la Russie sont souvent utilisées à des fins politiques et sont rejetées par la plupart des historiens et des experts.


Comme j'ai une confiance limitée (doux euphémisme) en ce que peut me dire monsieur (ou madame ?) ChatGPT je préfère rajouter la version du fact-checkeur DW sur ce point précis :
Mais l'Ukraine moderne n'a bien sûr pas été "créée" par la Russie, dans la mesure où un Etat national ukrainien indépendant, la République populaire d'Ukraine, a existé pendant environ deux ans avant la prise de l'Ukraine par l'Armée rouge en 1920. Selon l’historien Joachim Puttkamer de l’Université de Jena en Allemagne sur la DW, Lénine a réagi à un mouvement national ukrainien et à la formation d'un Etat-nation - il ne les a pas créés en premier lieu.

Par ailleurs, l’histoire de l’Ukraine a longtemps échappé à celle de la Russie puisqu’une grande partie de son territoire, au XVIIe et XVIIIe siècles, appartenait à la République des deux nations, une union entre le royaume de Pologne et le grand-duché de Lituanie.
Enfin, après l'effondrement de l'Union soviétique, l'Ukraine est devenue un Etat à part entière il y a maintenant trois décennies. En 1991, le soutien de la population à la sortie de l'Union soviétique et à l'indépendance a été écrasant : plus de 90% ont voté pour lors d'un référendum.
Comme on peut le voir les deux réponses se complètent et ne se contredisent en rien. Afin d'avoir un troisième avis autorisé Alexandra Goujon « politologue française spécialiste des pays d'Europe de l'Est et en particulier de la Biélorussie et de l'Ukraine » peut faire l'affaire ; dans une vidéo voici ce qu'elle nous explique :

[En 1050] Kiev est particulièrement développée et Moscou n'est qu'un village.


Bref ce serait plutôt la Russie (qui s'appellait alors la Moscovie) qui a été créée par l'Ukraine, mais l'enfant a voulu par la suite manger son enfant ainsi que tous ceux qui l'entouraient afin de finir comme un ogre avec le pays le plus étendu de la planète. Mais à part cela c'est la Russie qui est agressée.



Biolabs


Je terminerai avec ce mythe des laboratoires biologiques qui parsèmeraient le territoire ukrainien selon certains esprits fragiles commotionnés par l'épisode du Covid-19. Apparemment, à moins que quelque chose m'ait échappé, ce n'est pas Vladimir Poutine qui les a évoqués, mais plutôt des sites conspirationnistes tels que Le Courrier des Stratèges qui vomissait le 16 mars 2022 :
Le gouvernement russe a déclaré, la semaine dernière, avoir trouvé des preuves d’un “programme militaro-biologique” financé par le département américain de la Défense et qui était en cours de nettoyage au cours de l’invasion.
Vous avez aussi qactus ce même mois de mars 2022 :
Les faits concernant le nettoyage d'urgence [blabla] programme biologique militaire [blabla] Ministère de la Défense de la Fédération de Russie.
Ou encore, en juillet 2022, avec l'inénarrable Profession Gendarme :

L’avancée de l’armée russe permet de découvrir, ce qui se passait sur les territoires ukrainiens contrôlés par les forces américaines et de l’OTAN. 

Encore deux laboratoires militaires biologiques ont été découverts sur le territoire libéré de Lougansk, à Rubejnoe et Severodonetsk. 

Qu'en est-il de tous ces délires ? C'est l'Agence Science-Presse qui nous explique le fin mot de l'histoire :
Selon le site de vérification des faits Snopes, l’un des premiers internautes à avoir relayé cette fausse nouvelle —peut-être même celui qui l’a créée— est l’auteur d’un compte Twitter appelé « WarClandestine » (aujourd’hui suspendu). Il  a publié une carte, prétendument celle des laboratoires (les points rouge sur la carte ci-dessous), sur laquelle il a superposé les lieux des bombardements russes dans la matinée du 24 février (les cercles verts ci-dessous). Cela « prouverait » à ses yeux que les bombardements russes visaient en fait les laboratoires.
Et plus loin ce qui ressemble au pot aux roses :
Certains des désinformateurs sont allés jusqu’à associer ces laboratoires à la COVID — selon eux, il s’agirait de laboratoires servant à fabriquer le coronavirus, et la Russie, en ciblant ceux-ci, serait donc intervenue pour protéger la planète de la pandémie.
Pas trop besoin d'investiguer plus loin. Les mêmes débiles qui déliraient lors de la récente pandémie se sont rués comme des mouches sur un étron tout frais sorti du cul de l'un de leurs congénères. Pas étonnant que ce soient les habituels sites de (ré/dés)information qui relaient ce genre de nouvelle avariée ayant largement dépassé la date de consommation mais tout de même présentée à leur audience décérébrée depuis longtemps. Quand vous vous adressez à un cerveau dont les neurones ont beaucoup de place pour se mouvoir vous pouvez être sûr que vous n'allez pas être contredit.



Tout cela est bien beau, cela fait beaucoup de prétextes à invasion savamment préparés (ou pour les biolabs fabriqués de toutes pièces juste après l'agression) afin de bien préparer sa population et la faire adhérer au maximum à l'entreprise hasardeuse qui va être conduite sous l'appellation d'opération militaire spéciale. Si vos gens (comme les appellerait Mélenchon...) croient dur comme fer que
  • L'OTAN encerclerait la Russie et donc la menacerait ;
  • Il faudrait dénazifier et démilitariser l'Ukraine ;
  • Il y aurait un génocide en cours au Donbass depuis 2014 ;
  • Il s'agirait d'un acte de légitime défense et l'article 51 chapitre 7 de la charte ONU s'appliquerait ;
  • la Russie aurait créé l'Ukraine qui n'aurait donc aucune existence légale (ni réelle d'ailleurs).
Alors ces mêmes gens sont prêts à vous soutenir sans barguigner ! Et cela donne ce genre de choses :

Mamie est heureuse dans les bras de son idole (source la-croix)

Un soutien massif et spontané sous un soleil radieux (source Le Télégramme)


Mais en vérité tous ces prétextes sont récents et ne servent que de justificatifs à l'agression en cours, LA véritable raison qui a fait que Poutine a pris une décision funeste en février 2022, préparée de longue date avec l'annexion de la Crimée et les troubles au Donbass en 2014, mais aussi avec l'agression en Georgie en 2008 il ne faut pas l'oublier, LA véritable raison, donc, on la connait depuis 1994 !


La véritable raison initiale


C'est Timothy Garton Ash, historien spécialiste de « l'histoire contemporaine de l'Europe centrale et de l'Europe de l'Est », qui nous donne cette unique raison dans sa rencontre avec Poutine en 1994 :

[Vladimir Poutine] était alors totalement inconnu. Un simple acolyte du maire de Saint-Pétersbourg. C’était durant une conférence. Pendant deux jours, Poutine n’a rien dit, avant tout d’un coup d’intervenir pour faire savoir qu’il faut se souvenir qu’il y a des territoires cédés par la Russie, mais qui "historiquement ont toujours appartenu à la Russie". Il a explicitement mentionné la Crimée. Selon lui, la Russie devait protéger ces "25 millions de Russes" qui soudain se sont retrouvés hors de leur patrie. C’était en 1994, soit vingt ans avant l’annexion de la Crimée. Non seulement, je note tout dans des carnets, mais, de surcroît, les organisateurs ont fait un compte rendu sténographique des débats. Il était absolument clair que Poutine voulait récupérer une partie de l’empire russe.

A cette époque il n'était pas question de l'OTAN, ni d'une quelconque dénazification des Ukrainiens, encore moins d'un supposé génocide qui se déroulerait quelque part dans le Donbass, et la légitime défense n'était même pas imaginée, la Russie n'étant bien évidemment, à cette époque tout comme aujourd'hui, menacée par personne hormis un certain Vladimir Poutine. 

Non, la seule et unique motivation de Vladimir Poutine est de reconstituer un empire qui a été démembré une trentaine d'années auparavant avec la chute de l'Union soviétique.

Tout le reste est comme on dit littérature pour petits enfants aimant bien les contes de fées.


*****


Complément : Allocution de Vladimir Poutine du 24 février 2022



1 commentaire:

  1. En complément : https://verstka.media/kak-putin-pridumal-voynu

    « Les motifs de Poutine pour déclencher une guerre avec l’Ukraine étaient le ressentiment personnel et un désir de vengeance. »

    Pas totalement incompatible avec la thèse de Timothy Garton Ash.

    On apprend notamment que la décision d'envahir l'Ukraine a été prise par Poutine en février-mars 2021, soit un an avant le 24 février 2022. On apprend également qu'il n'y avait pas beaucoup de gens autour de Poutine qui étaient en faveur d'une intervention militaire...Choïgu, lui, croyait que Poutine possédait des informations qu'il n'avait pas !

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