Si l'on en croit certains les scientifiques dont les études sont résumées dans les rapports du GIEC seraient catastrophistes, en fait quand on regarde un peu l'évolution des informations sur le sujet du changement climatique on s'aperçoit que c'est la prudence qui prédomine chez la plupart des chercheurs, et au fur et à mesure que le temps passe les nouvelles études viennent généralement non seulement confirmer ce que l'on savait déjà, mais elles nous disent aussi bien souvent que la situation est un peu plus délicate (pour ne pas dire pire) que ce que l'on pensait.
Ainsi en ce qui concerne les glaces de nos hautes latitudes (aujourd'hui il ne sera pas question des glaciers alpins), tant au nord qu'au sud, les dernières nouvelles ne sont pas franchement rassurantes.
Une climatologue américaine, Julienne Stroeve, au palmarès édifiant qui force le respect et incline à écouter ce qu'elle a à dire, se pose la question suivante : When Will All the Ice in the Arctic Be Gone? (Quand toute la glace de l'Arctique aura-t-elle disparu ?)
Cette scientifique a déjà publié en 2016 un papier intitulé Observed Arctic sea-ice loss directly follows anthropogenic CO2 emission (La perte de glace de mer observée dans l'Arctique suit directement les émissions anthropiques de CO2) dans lequel elle explique qu'il existe une corrélation étroite entre la hausse du taux de CO₂ (forcément anthropique puisque la nature équilibre les puits et les sources sur le long terme) et la baisse de l'étendue de la surface de la banquise en Arctique, ce que l'on peut observer avec ce double graphique :
Dans le cadre A la ligne bleue épaisse représente la moyenne sur 30 ans de la banquise observée en septembre (au moment où elle est à son minimum), quant aux fines lignes rouges elles correspondent aux moyennes sur 30 ans des modèles CMIP5 ; les ronds bleus sont les valeurs annuelles observées en septembre de chaque année de 1953 à 1978, et les losanges bleus les valeurs annuelles observées en septembre de chaque année de 1979 à 2015.
Plusieurs constations me viennent à l'esprit à la vue de ce graphique du cadre A (je ne pige pas trop le cadre B qui ne concerne que les simulations, donc je ne vais pas en parler) :
Alors que nous apprend Julienne Stroeve dans son récent article publié le 14 août dernier dans Scientific American ?
Tout d'abord elle nous confirme bien que la perte de glace de la banquise est non seulement en accélération mais qu'elle est aussi plus importante que ce que les modèles avaient prédit :
Cependant la climatologue nous avertit qu'en fait il ne s'agit pas simplement d'une question de temps, mais plutôt de variabilité naturelle du climat et de réchauffement causé par nos émissions anthropiques de CO₂ ; son hypothèse personnelle est que nous pourrions expérimenter un Arctique libre de glaces en septembre dans les 20-25 prochaines années, soit entre 2040 et 2045 grosso modo, quand nous aurons ajouté environ 800 milliards de tonnes métriques de CO₂ dans l'atmosphère.
Et ce n'est pas tout, car avec 1 800 milliards de tonnes supplémentaires l'Arctique sera probablement libre de glaces de juillet à octobre, soit pendant 3-4 mois de l'année (elle cite son étude de 2017)
Mais elle rêve quand elle écrit :
Pour terminer disons que ce qui est important concernant l'Arctique ce n'est pas tellement la surface perdue, mais surtout le volume de glace qui est lui beaucoup plus parlant et significatif :
Si le volume à fin septembre a légèrement augmenté entre 2010 et 2018, par contre celui d'avril est en constante diminution ; devinez ce que les climato-irréalistes retiendront d'un tel graphique.
Pour rappel (juste au cas où) j'avais prédit un Arctique libre de glaces en septembre...2035 ! Nous verrons bien si ma boule de cristal fait mieux que l'approche scientifique de Julienne Stroeve.
Après Julienne Stroeve, au tour d'Eric Steig, un glaciologue lui-aussi bien placé au box office des scientifiques bossant sur le climat, qui se fend d'un article dans Real Climate intitulé The Antarctic ice sheet is melting and, yeah, it’s probably our fault. (La calotte glaciaire de l'Antarctique fond et, oui, c'est probablement notre faute)
Attention ! Alors que Julienne Stroeve nous parlait de la banquise arctique, c'est-à-dire de la glace d'eau de mer, Eric Steig, lui, nous entretient de la calotte de glace qui couvre le continent antarctique, ce n'est donc pas du tout la même chose, non seulement nous changeons de pôle en passant du Nord au Sud, mais nous changeons aussi de sujet, même si les deux sont liés par un réchauffement climatique commun.
Pour résumer succinctement à l'attention des retardataires qui seraient comme une poule qui découvre soudainement un couteau, il faut préciser que la fonte d'une banquise (qu'elle soit au nord ou au sud) n'entraine pas de hausse du niveau des mers (ou alors de manière indirecte et négligeable par le biais d'un réchauffement accru de l'eau ainsi libérée des glaces ce qui entraine sa dilatation et donc une certaine élévation) tandis que la fonte d'une calotte glaciaire, que ce soit au Groenland ou en Antarctique, va de facto rajouter de l'eau et donc faire monter le niveau des océans dans des proportions significatives.
Revenons à Eric Steig, qui vient de publier avec quatre autres chercheurs un papier intitulé West Antarctic ice loss influenced by internal climate variability and anthropogenic forcing (Perte de glace dans l'Antarctique occidental influencée par la variabilité du climat interne et le forçage anthropique) ; le papier est également disponible ici mais en payant pour lire plus que le résumé, et je me demande si Steig a ainsi le droit de diffuser gratuitement son article alors que cet article est payant chez l'éditeur PNAS...
Quoi qu'il en soit Steig tient à donner quelques informations de première main en complément de son étude afin de désamorcer d'éventuelles erreurs de transmissions dans les médias généraux (ou dans certains blogs qui ne manqueront pas de le dénigrer en déformant ce qui est écrit, ce à quoi nous commençons maintenant à être habitués)
Il nous dit notamment que
Alors pourquoi avoir attendu autant de temps pour avoir finalement aujourd'hui la confirmation d'une corrélation entre activités humaines et pertes de glaces ?
En fait les scientifiques se doutent depuis fort longtemps qu'il y a un lien entre les deux, et Eric Steig cite Richard Alley qui aurait dit récemment à un journaliste de National Geographic :
Eric Steig nous précise même que les « opinions » des scientifiques sur la responsabilité humaine dans les pertes de glaces en Antarctique étaient de 50/50, alors que pour le Groenland il y a depuis longtemps un large consensus sur la question (dans le sens bien évidemment d'une responsabilité humaine)
Pour résumer (c'est Steig lui-même qui résume)
Les hauts et les bas représentent la variabilité naturelle due à ENSO, mais la ligne noire ascendante en pointillés montre la tendance longue, allant d'une majorité de vents d'est au début de la période considérée, vers une majorité de vents d'ouest à partir des années 1980, quelque chose que la variabilité naturelle du climat peut très difficilement expliquer.
On pourrait penser que le trou dans la couche d'ozone a quelque chose à voir là-dedans, mais non, ou si peu :
Alors se pose la question qui tue : est-ce que tout l'Antarctique est touché par la fonte des glaces ? Et la réponse courte est : OUI !
C'est Eric Rignot (et al. le 22 janvier 2019) qui nous l'explique dans Four decades of Antarctic Ice Sheet mass balance from 1979–2017 (Quatre décennies de bilan massique de l'inlandsis antarctique de 1979 à 2017) où quelques cartes nous donnent l'information dont nous avons besoin :
Pas besoin d'être bac+30 pour comprendre, d'après ces quatre cartes qui montrent chacune une décennie, que la fonte va en s'amplifiant : quand c'est rouge ça fond, quand c'est bleu c'est le contraire.
Durant la dernière décennie étudiée seules quelques rares portions avaient encore le courage de résister à nos émissions, mais on s'aperçoit que même l'est, que l'on croyait épargné, est lui-aussi touché par le retrait des glaces ; l'an dernier, en août 2018, nous le savions déjà avec une article publié dans National Geographic qui nous avertissait :
Il va falloir s'habituer à utiliser des phrases selon le modèle « Pendant des années les scientifiques ont cru que [insérer ici ce que les scientifiques ont cru pendant des années] mais ce n'est peut-être plus le cas », avant de changer la dernière partie de la phrase par « mais ce n'est plus du tout le cas ».
Ainsi va la science et la connaissance, progressant en même temps que les dénégateurs disparaissent pour cause de dernier grand voyage...vers l'oubli...
Ainsi en ce qui concerne les glaces de nos hautes latitudes (aujourd'hui il ne sera pas question des glaciers alpins), tant au nord qu'au sud, les dernières nouvelles ne sont pas franchement rassurantes.
L'Arctique libre de glaces en septembre, mais en quelle année ?
Une climatologue américaine, Julienne Stroeve, au palmarès édifiant qui force le respect et incline à écouter ce qu'elle a à dire, se pose la question suivante : When Will All the Ice in the Arctic Be Gone? (Quand toute la glace de l'Arctique aura-t-elle disparu ?)
Cette scientifique a déjà publié en 2016 un papier intitulé Observed Arctic sea-ice loss directly follows anthropogenic CO2 emission (La perte de glace de mer observée dans l'Arctique suit directement les émissions anthropiques de CO2) dans lequel elle explique qu'il existe une corrélation étroite entre la hausse du taux de CO₂ (forcément anthropique puisque la nature équilibre les puits et les sources sur le long terme) et la baisse de l'étendue de la surface de la banquise en Arctique, ce que l'on peut observer avec ce double graphique :
Fig. 1 |
Dans le cadre A la ligne bleue épaisse représente la moyenne sur 30 ans de la banquise observée en septembre (au moment où elle est à son minimum), quant aux fines lignes rouges elles correspondent aux moyennes sur 30 ans des modèles CMIP5 ; les ronds bleus sont les valeurs annuelles observées en septembre de chaque année de 1953 à 1978, et les losanges bleus les valeurs annuelles observées en septembre de chaque année de 1979 à 2015.
Plusieurs constations me viennent à l'esprit à la vue de ce graphique du cadre A (je ne pige pas trop le cadre B qui ne concerne que les simulations, donc je ne vais pas en parler) :
- les modèles sont très variables, certains sont nettement trop « optimistes », quelques uns sont plus « pessimistes », mais le gros de la troupe représente assez bien ce qui a été observé ;
- les valeurs correspondant à la période 1953-1978 sont situées dans le haut, celles de la période 1979-2015 dans le bas, ce qui montre bien dans quel sens va l'évolution ;
- tant les modèles que les observations arrivent à la conclusion qu'émissions de CO₂ et extension de la banquise sont intimement liées : plus le CO₂ s'accumule dans l'atmosphère suite aux émissions, et plus la banquise se rétrécit.
L'étude restait cependant très vague quant à la date à laquelle l'Arctique deviendrait libre de glaces en septembre :
Arctic sea ice is disappearing rapidly, leading to predictions of an ice-free summer in the near future.
Un « avenir rapproché », on n'en saura pas plus, cependant on apprend que les modèles ont plutôt tendance à sous-estimer la fonte des glaces :La glace de mer de l'Arctique disparaît rapidement, ce qui laisse présager un été sans glace dans un avenir rapproché.
The observed linear relationship implies a sustained loss of 3 ± 0.3 square meters of September sea-ice area per metric ton of CO₂ emission. On the basis of this sensitivity, Arctic sea ice will be lost throughout September for an additional 1000 gigatons of CO₂ emissions. Most models show a lower sensitivity, which is possibly linked to an underestimation of the modeled increase in incoming longwave radiation and of the modeled transient climate response.
Les modèles sont ce qu'ils sont, ils sont tous dans l'erreur, ce qui est normal car aucun modèle ne peut prévoir exactement ce qui va se passer, cependant ils s'avèrent quand même utiles bien que certains, de toute évidence, sous-estiment les conséquences de nos émissions (d'autres les surestiment, mais ils sont moins nombreux)La relation linéaire observée implique une perte soutenue de 3 ± 0,3 mètre carré de surface de glace de mer en septembre par tonne métrique d'émission de CO₂. Sur la base de cette sensibilité, la glace de mer arctique sera perdue tout au long du mois de septembre pour 1000 gigatonnes supplémentaires d'émissions de CO₂. La plupart des modèles montrent une sensibilité plus faible, qui est peut-être liée à une sous-estimation de l'augmentation modélisée du rayonnement à ondes longues entrant et de la réponse modélisée du climat transitoire.
Alors que nous apprend Julienne Stroeve dans son récent article publié le 14 août dernier dans Scientific American ?
Tout d'abord elle nous confirme bien que la perte de glace de la banquise est non seulement en accélération mais qu'elle est aussi plus importante que ce que les modèles avaient prédit :
Several recent reports have detailed the accelerated loss of summer sea-ice cover in the Arctic. In addition, the observed ice loss is generally happening faster than climate models have forecasted.
Mais ce qui est plus étonnant c'est la fourchette donnée par ces différents modèles :Plusieurs rapports récents ont décrit en détail la perte accélérée de la couverture de glace de mer en été dans l'Arctique. De plus, la perte de glace observée se produit généralement plus rapidement que ne l'avaient prévu les modèles climatiques.
we see a large spread in climate model simulations, with ice-free September conditions already happening in 2020 in some simulations but not until well beyond 2100 in others.
Soit un écart de 80 et quelques années entre modèles !nous constatons une grande dispersion dans les simulations des modèles climatiques, avec des conditions de septembre exemptes de glace déjà en 2020 dans certaines simulations, mais pas bien au-delà de 2100 dans d'autres.
Cependant la climatologue nous avertit qu'en fait il ne s'agit pas simplement d'une question de temps, mais plutôt de variabilité naturelle du climat et de réchauffement causé par nos émissions anthropiques de CO₂ ; son hypothèse personnelle est que nous pourrions expérimenter un Arctique libre de glaces en septembre dans les 20-25 prochaines années, soit entre 2040 et 2045 grosso modo, quand nous aurons ajouté environ 800 milliards de tonnes métriques de CO₂ dans l'atmosphère.
Et ce n'est pas tout, car avec 1 800 milliards de tonnes supplémentaires l'Arctique sera probablement libre de glaces de juillet à octobre, soit pendant 3-4 mois de l'année (elle cite son étude de 2017)
Mais elle rêve quand elle écrit :
Sea-ice loss is not irreversible. So it is time to reframe our question and discuss ways in which we can limit the amount of additional CO₂ in the atmosphere in order to preserve summer ice cover in the Arctic. And perhaps more importantly, we must ask how much more sea ice we are willing to lose.
Evidemment cela ne se passera pas comme cela, personne ne se demandera « combien suis-je prêt à perdre de banquise arctique ? », les mêmes usual suspects n'ont que faire de la banquise qui fond, elle leur offre d'immenses opportunités (forages divers et nouvelles routes commerciales et touristiques, entre autres) et comme ils ont de l'argent et peuvent contrôler les politiques (en finançant leurs campagnes et en mettant leurs pions aux endroits clés comme le font si bien les Américains avec l'administration Trump) ils auront toujours une longueur d'avance sur les Greta Thunberg de la planète.La perte de glace de mer n'est pas irréversible. Il est donc temps de recadrer notre question et de discuter des moyens de limiter la quantité de CO₂ supplémentaire dans l'atmosphère afin de préserver la couverture de glace estivale dans l'Arctique. Et peut-être plus important encore, nous devons nous demander combien de glace de mer de plus nous sommes prêts à perdre.
Pour terminer disons que ce qui est important concernant l'Arctique ce n'est pas tellement la surface perdue, mais surtout le volume de glace qui est lui beaucoup plus parlant et significatif :
Credit: Amanda Montañez; Source: Piomas Monthly Ice Volume Data, 1979–Present, Polar Science Center, University of Washington |
Si le volume à fin septembre a légèrement augmenté entre 2010 et 2018, par contre celui d'avril est en constante diminution ; devinez ce que les climato-irréalistes retiendront d'un tel graphique.
Pour rappel (juste au cas où) j'avais prédit un Arctique libre de glaces en septembre...2035 ! Nous verrons bien si ma boule de cristal fait mieux que l'approche scientifique de Julienne Stroeve.
L'Antarctique fond de plus en plus vite lui aussi
Après Julienne Stroeve, au tour d'Eric Steig, un glaciologue lui-aussi bien placé au box office des scientifiques bossant sur le climat, qui se fend d'un article dans Real Climate intitulé The Antarctic ice sheet is melting and, yeah, it’s probably our fault. (La calotte glaciaire de l'Antarctique fond et, oui, c'est probablement notre faute)
Attention ! Alors que Julienne Stroeve nous parlait de la banquise arctique, c'est-à-dire de la glace d'eau de mer, Eric Steig, lui, nous entretient de la calotte de glace qui couvre le continent antarctique, ce n'est donc pas du tout la même chose, non seulement nous changeons de pôle en passant du Nord au Sud, mais nous changeons aussi de sujet, même si les deux sont liés par un réchauffement climatique commun.
Pour résumer succinctement à l'attention des retardataires qui seraient comme une poule qui découvre soudainement un couteau, il faut préciser que la fonte d'une banquise (qu'elle soit au nord ou au sud) n'entraine pas de hausse du niveau des mers (ou alors de manière indirecte et négligeable par le biais d'un réchauffement accru de l'eau ainsi libérée des glaces ce qui entraine sa dilatation et donc une certaine élévation) tandis que la fonte d'une calotte glaciaire, que ce soit au Groenland ou en Antarctique, va de facto rajouter de l'eau et donc faire monter le niveau des océans dans des proportions significatives.
Revenons à Eric Steig, qui vient de publier avec quatre autres chercheurs un papier intitulé West Antarctic ice loss influenced by internal climate variability and anthropogenic forcing (Perte de glace dans l'Antarctique occidental influencée par la variabilité du climat interne et le forçage anthropique) ; le papier est également disponible ici mais en payant pour lire plus que le résumé, et je me demande si Steig a ainsi le droit de diffuser gratuitement son article alors que cet article est payant chez l'éditeur PNAS...
Quoi qu'il en soit Steig tient à donner quelques informations de première main en complément de son étude afin de désamorcer d'éventuelles erreurs de transmissions dans les médias généraux (ou dans certains blogs qui ne manqueront pas de le dénigrer en déformant ce qui est écrit, ce à quoi nous commençons maintenant à être habitués)
Il nous dit notamment que
The key finding is that we now have evidence that the increasing loss of ice from the West Antarctic Ice Sheet is a result of human activities — rising greenhouse gas concentrations in particular.
Et cela nous rappelle étrangement les conclusions...de Julienne Stroeve !La principale conclusion est que nous avons maintenant la preuve (ou de sérieux indices) que la perte croissante de glace de l'inlandsis de l'Antarctique occidental est le résultat des activités humaines, en particulier l'augmentation des concentrations de gaz à effet de serre.
Alors pourquoi avoir attendu autant de temps pour avoir finalement aujourd'hui la confirmation d'une corrélation entre activités humaines et pertes de glaces ?
En fait les scientifiques se doutent depuis fort longtemps qu'il y a un lien entre les deux, et Eric Steig cite Richard Alley qui aurait dit récemment à un journaliste de National Geographic :
It has been hard to imagine that the ice sat around happily for millennia and then decided to retreat naturally just as humans started perturbing the system, but the evidence for forcing by natural variability was strong.
Eh oui, comme déjà dit dès le début de ce billet, les scientifiques sont prudents par nature (sic) et jusqu'à il y a peu « les preuves du forçage par la variabilité naturelle étaient solides », même si le mot anglais « evidence » peut très bien se traduire par autre chose que par « preuve », par exemple on peut aussi dire « indice », « signe » ou « témoignage », ce qui relativise tout de suite la phrase de Richard Alley !Il est difficile d'imaginer que la glace soit restée assise joyeusement pendant des millénaires, puis qu'elle ait décidé de se retirer naturellement au moment où les humains ont commencé à perturber le système, mais les preuves du forçage par la variabilité naturelle étaient solides.
Eric Steig nous précise même que les « opinions » des scientifiques sur la responsabilité humaine dans les pertes de glaces en Antarctique étaient de 50/50, alors que pour le Groenland il y a depuis longtemps un large consensus sur la question (dans le sens bien évidemment d'une responsabilité humaine)
Pour résumer (c'est Steig lui-même qui résume)
In short, glacier melt in West Antarctica has increased because more Circumpolar Deep Water (which is relatively warm) is getting from the ocean surrounding Antarctica onto the Antarctic continental shelf and reaching the floating ice shelves of the large outlet glaciers that drain the West Antarctic ice sheet into the ocean.
Il ajoute plus loin que si le phénomène ENSO a son importance sur le processus de fonte, il ne fait que se superposer à une influence à plus long terme :En bref, la fonte des glaciers dans l'Antarctique occidental a augmenté parce que davantage d'eaux profondes circumpolaires (qui sont relativement chaudes) s'écoulent de l'océan entourant l'Antarctique vers le plateau continental antarctique et atteignent les plateformes de glace flottantes des grands glaciers qui drainent l'inlandsis ouest antarctique dans l'océan.
What we argue, in brief, is that although ENSO does indeed dominate the wind variability in the Amundsen Sea on timescales from interannual to multi-decadal, there is also a longer-term trend in the winds, on which the ENSO-related variability is superimposed.
Pour bien comprendre que la variabilité naturelle due à ENSO (i.e. El Niño/La Niña) existe bien sur une échelle de quelques années mais qu'à plus long terme il y a bien une tendance lourde qui se superpose et prend le dessus, Steig nous montre ce graphique tiré de son étude (figure 3a) :En résumé, nous soutenons que, bien que l'ENSO domine effectivement la variabilité des vents dans la mer d'Amundsen sur des échelles de temps allant de l'interannuel à plusieurs décennies, il existe également une tendance à plus long terme dans les vents, à laquelle se superpose la variabilité liée à ENSO.
Les hauts et les bas représentent la variabilité naturelle due à ENSO, mais la ligne noire ascendante en pointillés montre la tendance longue, allant d'une majorité de vents d'est au début de la période considérée, vers une majorité de vents d'ouest à partir des années 1980, quelque chose que la variabilité naturelle du climat peut très difficilement expliquer.
On pourrait penser que le trou dans la couche d'ozone a quelque chose à voir là-dedans, mais non, ou si peu :
The trend in the winds is small, and easily lost within the variability of individual model ensemble members, but it is robust (it occurs in all the ensemble members) and statistically significant. Moreover, we know its cause (at least in the model experiments): radiative forcing. Although these experiments also include radiative forcing changes resulting from the ozone hole, it’s clear that the trend in the winds begins well before ozone depletion begins in 1970s. Thus, the key forcing is greenhouse gases.
Cependant Eric Steig tient a donner quelques mises en garde concernant les conclusions de l'étude, dont celle-ci qui n'est pas la moins importante :La tendance des vents est faible et facilement perdue à l'intérieur de la variabilité des membres individuels de l'ensemble du modèle, mais elle est robuste (elle se produit chez tous les membres de l'ensemble) et statistiquement significative. De plus, nous connaissons sa cause (du moins dans les expériences des modèles) : le forçage radiatif. Bien que ces expériences comprennent également des changements de forçage radiatif résultant du trou dans la couche d'ozone, il est clair que la tendance des vents commence bien avant que l'appauvrissement de la couche d'ozone ne commence dans les années 1970. Ainsi, les gaz à effet de serre sont le principal facteur de forçage.
we are far from proving that the ongoing ice loss from Antarctica can be attributed to human-induced climate change.
Prouver en italiques, car il ne s'agit ici que d'indices s'ajoutant à d'autres indices, et la période satellitaire étant relativement courte elle est forcément « polluée » par la forte variabilité décennale due à ENSO :nous sommes loin de prouver que la perte continue de glace en Antarctique peut être attribuée au changement climatique induit par l'homme.
As we say in the paper, “Decadal internal variability therefore dominates ice-sheet and ocean variability during the modern observational era (since 1979), and will continue to dominate observations for decades to come.” We are not likely to find the smoking gun any time soon.
Un détail pour finir, cette étude se focalise sur la partie ouest de l'Antarctique, et tout spécialement sur la côte qui fait face à la mer d'Amundsen :Comme nous le disons dans cet article, " la variabilité interne décennale domine donc la variabilité de l'inlandsis et de l'océan pendant l'ère moderne d'observation (depuis 1979), et continuera à dominer les observations pendant des décennies à venir ". Il est peu probable que nous trouvions la preuve irréfutable dans un avenir rapproché.
La mer d'Amundsen (source wikipedia) |
Alors se pose la question qui tue : est-ce que tout l'Antarctique est touché par la fonte des glaces ? Et la réponse courte est : OUI !
C'est Eric Rignot (et al. le 22 janvier 2019) qui nous l'explique dans Four decades of Antarctic Ice Sheet mass balance from 1979–2017 (Quatre décennies de bilan massique de l'inlandsis antarctique de 1979 à 2017) où quelques cartes nous donnent l'information dont nous avons besoin :
Pas besoin d'être bac+30 pour comprendre, d'après ces quatre cartes qui montrent chacune une décennie, que la fonte va en s'amplifiant : quand c'est rouge ça fond, quand c'est bleu c'est le contraire.
Durant la dernière décennie étudiée seules quelques rares portions avaient encore le courage de résister à nos émissions, mais on s'aperçoit que même l'est, que l'on croyait épargné, est lui-aussi touché par le retrait des glaces ; l'an dernier, en août 2018, nous le savions déjà avec une article publié dans National Geographic qui nous avertissait :
For years, scientists thought that icy, remote East Antarctic glaciers were stable. But that may no longer be the case.
Pendant des années, les scientifiques ont cru que les lointains glaciers de l'Antarctique de l'Est étaient stables. Mais ce n'est peut-être plus le cas.
Il va falloir s'habituer à utiliser des phrases selon le modèle « Pendant des années les scientifiques ont cru que [insérer ici ce que les scientifiques ont cru pendant des années] mais ce n'est peut-être plus le cas », avant de changer la dernière partie de la phrase par « mais ce n'est plus du tout le cas ».
Ainsi va la science et la connaissance, progressant en même temps que les dénégateurs disparaissent pour cause de dernier grand voyage...vers l'oubli...
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