jeudi 28 janvier 2021

Question d'échelle et de message à faire passer

 Dans Intermède modélisation je promettais ceci :

Un jour prochain je vous livrerai un petit exercice sur la façon de présenter les courbes et éventuellement de les manipuler (j'en ai déjà parlé à plusieurs reprises mais il est toujours bon de remettre son ouvrage sur le métier)

Je ne vais pas vous faire languir plus longtemps, c'est parti.

Je vais donc vous parler d'échelle et de message à faire passer (oui je sais c'est inclus dans le titre et je me répète pour bien m'assurer que vous avez compris de quoi il va être question)

Le présent billet m'a été inspiré par...moi-même en écrivant Flash-back de janvier - Jacques Duran ; dans ce billet je montrais les deux graphiques suivants :

UAH Global Temperature (source Roy Spencer)

Graphe akasofunesque actualisé par mes soins.


Si vous êtes attentif vous ne manquerez pas de remarquer que bien qu'utilisant (à peu près) les mêmes données pour la période 2009-2020 les deux graphiques montrent pour cette période de 12 ans des pentes...totalement différentes !

Pour mieux vous en convaincre voici le deuxième graphique auquel j'ajoute la pente correspondant à cette période de 2009 à 2020 :

Graphe akasofunesque actualisé par mes soins avec l'ajout d'une droite de tendance basée sur la période 2009-2020.

Bien évidemment je ne garantis en rien la précision au centième de millimètre près, mais vous aurez compris que ce qui importait c'était l'idée générale, et là l'idée générale c'est que ce dernier graphique présente de manière évidente une pente bien plus importante que celle que nous pouvons voir chez Roy Spencer ; pourtant les données sont parfaitement correctes dans les deux cas :
  • sur l'axe des abscisses (l'horizontal) le point de départ dans les deux cas est bien 2009 et le point d'arrivée ou de passage est bien 2020 ;
  • sur l'axe des ordonnées (le vertical) l'écart de température entre 2009 et 2020 est dans les deux graphiques égal à 0,5°C à quelques pouillèmes près.
A noter que sur le graphique de Spencer je fais correspondre l'année 2020 au trait rouge qui représente la moyenne mobile sur 13 mois (running, centered 13-month average) calculée par Spencer lui-même, et non au point bas de décembre qui montre +0,27°C.

Tout le monde aura donc remarqué visuellement que la pente de Spencer est d'environ 45° (à vue de nez) alors que la pente dans le graphique issu d'Akasofu/Duran est bien plus raide. Pourtant, encore une fois, les deux graphiques ont pour la période 2009-2020 des données correctes aux arrondis près qui ne remettent pas en cause leur forme générale.

Il n'y a en fait pas d'énigme et si vous avez fait un peu de statistique vous avez déjà compris pourquoi il en était ainsi.

Deux choses sont à considérer qui expliquent les pentes différentes avec des données identiques :
  1. chez Spencer les années (sur l'axe des abscisses) sont réduites à 42 (de 1979 à 2020) alors que chez Akasofu nous allons de 1800...à 2100, soit un total de 3 siècles !
  2. chez Spencer les anomalies de températures vont de -0,7 à +0,9°C alors que chez Akasofu l'espace est de quelque chose comme 4°C !
Le mix de ces deux échelles nous donne donc des résultats « légèrement » différents qui peuvent servir à « faire passer des messages » en fonction du camp dans lequel on se trouve.

Prenons des exemples concrets afin de ne pas rester dans la théorie.

Sur Facebook on peut voir ce « message » à l'attention des gogos de passage :

Vu sur Collectif des climato-réalistes | Facebook

Comme indiqué dans la légende ce joli dessin provient du site Facebook du Collectif des climato-irréalistes qui compte quand même environ 5 400 pigeons, euh je voulais dire membres, ce qui est à la fois beaucoup (j'ai bien moins de lecteurs pour ma part...) et totalement insignifiant (0,008% de la population française et encore bien moins en comptant la population francophone)

On voit tout de suite quel est le « message » que le sieur Gilbert Marie-Joseph Du Motier (ça ne s'invente pas) essaye de faire passer. Et on comprend assez vite la manipulation.

Tout d'abord on vérifie que l'axe des abscisses est bien cohérent sur les trois graphiques, et c'est le cas, ils partent tous de la fin du 19ème siècle (1850 ou 1880 mais l'écart de 30 ans n'est pas ce qui est significatif en l'occurrence) pour arriver à peu près en 2005-2010 ; c'est donc sur l'axe des ordonnées que tout va se jouer.

Dans le graphique de gauche, le seul qui soit correct si l'on veut réellement informer de l'ampleur du réchauffement climatique, les températures s'échelonnent de -0,4 à +0,6°C, soit un total de seulement 1°C sur l'axe vertical.

Par contre dans le graphique du centre on va maintenant de -4 à +4°C, soit...8°C au total !

Et dans le graphique de droite, de loin le plus manipulateur et qui n'enseigne rien du tout, notre pitre du jour a mentionné des températures absolues (et non plus des anomalies) en se payant le luxe de faire partir ses températures...de 0°C ! Comme l'axe vertical va jusqu'à 30°C la courbe tracée devient quasiment plate, et si l'on veut montrer une droite de tendance en prenant la période 2009-2020 comme base de référence, on obtient quelque chose comme ceci :

Comment plumer les pigeons climato-irréalistes.

Pour reprendre la conclusion de notre guignol, qui c'est qui prend les gens pour des cons ?

Nous avons un autre exemple, récent, de « message à l'attention des imbéciles qui y croient », c'est dans Pas de tendance significative au réchauffement depuis 2015 où un vieil habitué nous assure :

Cet article ne dit rien sur l’évolution du climat. Il pointe simplement l’inanité des classements “des années les plus chaudes”, alors qu’on le voit bien sur 5 ans, les variations d’une année sur l’autre sont dans l’épaisseur du trait des mesures

Et de nous montrer le magnifique graphique suivant :

Source: Global Climate Series : NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration)

Il s'agit là d'une autre façon de prendre les gens pour des cons, on montre un graphique officiel, avec des échelles apparemment correctes, sauf que la période est bien trop courte pour qu'on puisse en tirer la moindre information utile. La véritable information à retenir la voici :

Evolution des températures de 1880 à 2020 (noaa)

Et en parlant d'épaisseur du trait des mesures, pour reprendre l'expression utilisée par le dénommé Usbek, il s'agit d'une sorte de hoquet qu'attrapent régulièrement les climato-niais en mal d'arguments, par exemple :

L'épaisseur du trait a bon dos, on la ressort de sa besace chaque fois que l'occasion se présente afin de bien signifier que la hausse des températures n'est finalement pas si grave que ça, puisqu'on vous dit que c'est dans l'épaisseur du trait nom di diou !

Vraiment ?

Alors admirez l'épaisseur de mon trait à moi :

L’évolution de la température de la Terre et de la concentration en dioxyde de carbone atmosphérique depuis 160 000 ans (source Lelivrescolaire)

J'ai rajouté à main levée une courbe rouge sur un graphique à destination des enfants ; elle représente l'évolution de la teneur en CO₂ de l'atmosphère et il faut bien avouer que l'épaisseur du trait ne permet pas de bien se rendre compte de la chose, enfin du moins quand on a été biberonné aux sites climato-rassuristes où l'on peut trouver des commentaires dans ce genre :

Certes, l’image paraît terrible mais si on jette un coup d’oeil à l’échelle verticale, la pente dramatique depuis 1900 correspond à 1,2 degrés. 1,2 degrés de réchauffement moyen sur 120 ans ! Ah, ces effets d’échelle !
Mais il est prévisible que le lecteur pressé, ou convaincu, n’ira pas voir ce détail.
Quant à la validité de cette courbe…

Ah, ces effets d'échelle, comme c'est bien dit, de la part de quelqu'un qui a pris tout son temps pour pondre cette ânerie !

Pour terminer, voici un graphique animé qui répond à l'âne ci-dessus, mais comme celui-ci n'a pas soif il ne lui dira certainement rien :

L'escalier avec ses paliers (source skepticalscience)


Le mensonge est rassurant, la vérité inquiétante. C'est que le mensonge est l'émanation de l'homme ; la vérité est l'émanation inhumaine de la nature. 
Citation de Jean Dutourd ; Les pensées (1990)


La vérité sort toujours nue du puits, mais il faut beaucoup de temps pour l'habiller décemment ; il y a tellement de gens qui s'emploient à la travestir.
Citation de Géd ; Les chroniques (2021)


3 commentaires:

  1. En choisissant bien leur échelle les climato-sceptiques pourraient aussi démontrer qu'il n'y a jamais eu de période glaciaire, la mauvaise foi n'a pas de limite!

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    1. Mark Twain aurait dit : « Il y a trois sortes de mensonges : les mensonges, les sacrés mensonges et les statistiques. »

      Cela s'applique évidemment aux graphiques qui sont un sous-produit des statistiques que les climato-« sceptiques » s'appliquent régulièrement à manipuler.

      La mauvaise foi est à l'œuvre chez les désinformateurs professionnels, par contre chez les autres qui se laissent embobiner sans réfléchir on peut parler de bêtise.

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  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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