dimanche 17 octobre 2021

Leçon d'économie à l'attention de Jean-Marc Jancovici

 Dans Jean-Marc Jancovici n'est pas économiste, et ça se voit !, publié il y a près de quatre ans déjà, je me permettais, moi petit têtard pataugeant dans ma petite mare, de mettre en doute les compétences de Jean-Marc Jancovici en matière économique. Aujourd'hui je ne changerai quasiment aucun mot de ce billet, surtout après avoir lu un article d'un certain Louis Fréget, qui dans son profil nous dit :

Diplômé du bachelor et du master de recherche en économie de Sciences Po Paris, je suis actuellement doctorant en économie de la santé et de l'éducation à l'Université de Copenhague au Danemark. Je suis affilié à VIVE, le centre danois pour la recherche en sciences sociales, qui évalue l'impact de politiques publiques pour informer le gouvernement danois et le grand public.

L'article en question, publié le 30 juillet dernier sur le blog de Louis Fréget (Comment faire mentir les chiffres), s'intitule Jean-Marc Jancovici et le meilleur modèle macroéconomique du monde.

Je suis tombé dessus un peu par hasard, en suivant un fil Twitter commençant chez Cédric Villani dans lequel un commentateur lui faisait remarquer ceci :

Replying to
Monsieur , cette corrélation est une corrélation fallacieuse. On ne peut pas faire de régression linéaire sur une série temporelle. Voir ce billet d’ pour plus d’explications :
fairementirleschiffres.com
Jean-Marc Jancovici et le meilleur modèle macroéconomique du monde
Ces derniers temps, j’entends souvent la même musique. Quand j’annonce que je suis doctorant en science économique, on me parle de Jean-Marc Jancovici (JMJ)...

Ce commentaire venait à la suite d'un graphique montré par Villani :

5/7 Également un joli graphique qui nous rappelle que la corrélation entre consommation d'énergie mondiale et PIB mondial est quasiment UNE DROITE jusqu'ici. Les tenants de la croissance verte croient que cette loi va subitement cesser d'être valable, comme par miracle...
Graphique montré par Cédric Villani.

Donc si j'ai bien compris :

  • Cédric Villani avance (affirme ?) que la consommation d'énergie mondiale est intimement corrélée au PIB mondial, les deux marchant parfaitement de pair ;
  • Gabin Guilpain informe Villani que son graphique est trompeur et l'invite à consulter l'article de Louis Fréget « pour plus d'explications ».

En ce qui me concerne je ne sais pas si on peut ou non faire une « régression linéaire sur une série temporelle », mes connaissances en mathématiques étant très limitées, mais ce que j'ai trouvé d'intéressant dans l'histoire c'est justement l'article qui nous parle de Jean-Marc Jancovici et de son « meilleur modèle macroéconomique du monde ».

Tout d'abord il faut que je vous rassure, Jancovici ne dit pas que des bêtises, loin de là !

Pour faire bref voici ce que Janco nous dit à longueur de conférences : tout ce qui nous entoure et qui n'est pas naturel a été produit grâce à de l'énergie. Vous pouvez vous-même faire l'expérience en regardant tous les objets de votre quotidien, il ont forcément été fabriqués en utilisant de l'énergie, ou bien ont utilisé de l'énergie pour être acheminés jusqu'à chez vous. Imaginez un seul instant que les énergies fossiles, que ce soit en provenance du charbon, du gaz ou du pétrole, venaient à disparaitre instantanément, et vous pouvez aussi si vous le voulez y ajouter l'énergie nucléaire et ne garder que les énergies dites « renouvelables » pour satisfaire tous nos besoins, alors vous vous rendrez compte que nous serions dans une panade inimaginable !

Avant la révolution industrielle toutes les énergies étaient renouvelables, le vent et l'eau faisaient tourner les pales des moulins et le bois était brûlé pour se chauffer ou pour construire des objets en métal par exemple ; pour le reste c'était la force musculaire, humaine ou animale, qui était utilisée.

Nous avons donc pendant quelques dix mille ans fonctionné comme cela, ce qui explique la stagnation de ce que l'on appelle aujourd'hui le PIB, censé représenter notre production de richesse...

Puis vint la révolution industrielle avec tout d'abord l'utilisation du charbon puis du pétrole et du gaz, ce qui a permis en un peu plus de deux siècles une augmentation quasi exponentielle de ce PIB comme on peut le voir avec ces graphiques :

PIB mondial par habitant (en dollars de 1990) - source Cairn.info

Evolution et chiffres du PIB de 1500 à 1913 en France, Royaume-Uni, Allemagne, Etats-Uni, Japon, Chine et Inde. Source unblog.fr)

Evolution et chiffres du PIB de 1913 à 2006 en France, Royaume-Uni, Allemagne, Etats-Uni, Japon, Chine et Inde. Source unblog.fr)


Pour résumer, nous sommes devenus accros aux énergies fossiles, ou plus exactement à l'énergie tout court, mais les « fossiles » représentent l'essentiel de notre consommation et elles ne donnent pas vraiment de signes de faiblesse...comme nous l'indique Le monde de l'énergie :
Les combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz), sources de l’essentiel du réchauffement climatique, représentaient toujours 80,2% de la consommation d’énergie finale en 2019, contre 80,3% en 2009, pointe ce réseau d’experts dédié aux renouvelables.
Ainsi Jancovici a parfaitement raison en pointant du doigt notre immense dépendance à l'énergie et notamment aux énergies fossiles, et il a également parfaitement raison de nous avertir que dans un futur finalement pas très éloigné nous devons nous attendre à de gros problèmes liés à une production d'énergie qui ne sera plus en phase avec les besoins sans cesse grandissants de notre civilisation que certains nomment « thermo-industrielle ».

Il est en cela secondé par Matthieu Auzanneau qui, dans Métaux critiques, charbon, gaz, pétrole : nous entrons dans les récifs, nous met en garde en élargissant le problème avec l'inclusion de tous les métaux et « terres rares » dont nous sommes de plus en plus friands :
Non seulement les symptômes de limites physiques à la croissance se multiplient, mais ils se conjuguent, faisant entrevoir des impasses et des risques de bouleversement géostratégiques mortels.

Empruntant la voie d’une électrification massive de l’industrie et des transports, la sortie des énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, charbon) peut aisément se heurter à des limites dans le développement des mines de certains métaux indispensables, à commencer peut-être par le bon vieux cuivre.
A noter que Jancovici est président du Shift Project dans lequel Auzanneau occupe la fonction de directeur, il est donc normal qu'ils aient le même point de vue sur le sujet, et notamment sur quelque chose...qui fait débat...

En effet, tous deux, et c'est sur ce point que je ne suis pas d'accord avec eux, affirment que les crises économiques passées ont été causées par des pénuries d'énergie (essentiellement charbon et pétrole) ! En cela ils sont rejoints par Gail Tverberg dont j'ai déjà parlé à plusieurs reprises.

Dans mes différents billets sur ce sujet je contestais fortement cette approche, car selon moi ces deux crises en particulier avaient d'abord été de nature financière, pour se transformer rapidement en crises économiques, ce qui avait évidemment entrainé une baisse de la consommation tant des ménages que des entreprises, et par conséquent une baisse également de la demande en énergie.

On ne voit d'ailleurs pas pourquoi en 1929 et en 2008 on aurait eu un manque d'énergie qui aurait entrainé les crises économiques correspondantes alors que dans les années qui ont suivi les économies se sont assez rapidement refait une santé ; à d'autres époques il y eut aussi d'autres crises économiques dans lesquelles l'énergie était impactée, par exemple en 1973 et 1979 avec les chocs pétroliers qui ne doivent rien à un manque de pétrole, ou plus récemment en 2020 avec le Covid-19 itou.

Mais je me sentais un peu seul et un peu « petit » face à des géants tels que les susnommés !

C'est là qu'intervient Louis Fréget avec son article intitulé Jean-Marc Jancovici et le meilleur modèle macroéconomique du monde venant apporter de l'eau à mon petit moulin.

Cet article est long et très pointu, je n'en ferai donc pas de résumé ni vraiment de compte-rendu, je me contenterai de quelques remarques, mais vous êtes bien sûr invité à le lire en entier si vous avez le moindre doute sur la pertinence de la contre-argumentation de Louis Fréget mettant à mal la thèse de Jancovici.

Tout d'abord dès le début Fréget plante le décor avec notamment ceci :
ce serait par exemple la réduction de l’approvisionnement énergétique (et notamment en pétrole) qui aurait causé la crise de 2008 et le ralentissement qui en a suivi
On notera le conditionnel (ce serait) employé par Fréget, ce qui déjà nous indique un net scepticisme quant à cette thèse selon laquelle la crise de 2008 aurait été provoquée par une « réduction de l’approvisionnement énergétique ». Et il enchaine avec :
[Jancovici] va parfois jusqu’à expliquer la baisse tendancielle de la croissance depuis 40 ans dans certains pays développés comme l'ltalie ou la France par une pénurie énergétique
D'où le « meilleur modèle macroéconomique du monde » qui lierait énergie et PIB comme la misère du monde serait liée à ceux qui n'ont pas eu la chance de naitre au bon endroit (là c'est moi qui fais cette analogie qui vaut ce qu'elle vaut)

Fréget nous rappelle que Jancovici prévoyait, en 2010, qu'il y aurait « une récession en moyenne tous les trois ans », ce qui ne semble pas s'être avéré, d'autant plus que la récession due au Covid-19 en 2020 ne peut en aucun cas être imputée à un problème énergétique !

De la même façon Jancovici aurait prédit en 2012 (mais le lien fourni par Fréget ne marche pas) une stagnation du PIB européen dans les cinq ans qui allaient suivre, or voici ce que nous dit le site Statista pour la période allant de 2008 à 2018 : 

Produit intérieur brut (PIB) exprimé en prix courants dans l'Union européenne de 2008 à 2018(en billions d'euros)

On ne peut pas vraiment dire que de 2012 à 2017 le PIB ait stagné, ce que fait remarquer Fréget :
Entre 2012 et 2017, le PIB en dollars en parité de pouvoir d’achat, c’est-à-dire corrigé des biais liés à la variation des prix et aux variations du taux de change par rapport au dollar, a crû de 6% en France et de 9% dans l’Union Européenne (Source: Banque Mondiale).
Et c'est à ce moment qu'intervient le fameux « meilleur modèle macroéconomique du monde » de Jancovici que Fréget nous présente ainsi :

Le meilleur modèle macroéconomique du monde : une droite.


Ici je pose mon joker, car Fréget réfute l'assertion de Jancovici selon laquelle cette droite est censée prouver que PIB et énergie sont intimement liés, il nous précise ainsi :
La consommation d’énergie une année prédit très bien le PIB de cette même année.
Mais il enchaine immédiatement avec :
Un statisticien pourrait faire remarquer qu’on ne peut utiliser la méthode statistique que JMJ emploie (les moindres carrés ordinaires) pour analyser le type de données en question - des séries temporelles, des données qui suivent une seule même entité comme un pays au cours du temps. En effet, lorsque les deux indicateurs suivent une tendance significative (comme ici à la hausse), employer la même méthode que JMJ tend à produire des corrélations fallacieuses ou au mieux à les gonfler artificiellement.
Je n'ai pas lu l'article en lien, trop compliqué pour moi, je suis donc incapable de comprendre pourquoi la démonstration de Jancovici est vérolée, par contre je pige parfaitement l'exemple donné dans la foulée par Fréget (qui doit bien se douter que c'est quand même un peu compliqué à expliquer...) :
On pourrait aussi noter que le temps de parole d’un candidat à la présidentielle est très corrélé au nombre de votes qu’il reçoit. Le temps de parole d’un candidat à la télé prédit très bien sa part de voix aux élections. [...] Vous l’avez peut-être deviné à ce stade : l’un des problèmes est celui de la poule ou de l’oeuf. Est-ce que les candidats reçoivent plus de votes parce qu’ils ont eu plus de temps de parole, ou alors est-ce que les médias leur donnent plus de temps de parole parce qu’ils sont plus populaires ?
Les histoires de poule et d'oeuf je connais, j'en avais notamment parlé dans Jean-Marc Jancovici n'est pas économiste, et ça se voit ! :
Il est assez compliqué au vu de ces tableaux de dire qui de l'oeuf ou de la poule a commencé le premier, mais certains indices comme on l'a vu permettent de penser que le pétrole et le charbon ont eu des problèmes à cause de problèmes préalables en économie
J'en viendrais presque à me demander si Fréget ne m'aurait pas lu par hasard...mais en tout cas il explique les choses bien mieux que moi :
La causalité peut aller dans les deux sens entre PIB et énergie. C’est qu’on appelle en économétrie un biais de simultanéité, dont je parle aussi dans cet article sur le confinement. Certes, quand la production d’énergie se contracte, ceci peut tout à fait contraindre la production. Mais symétriquement, une économie en récession consomme moins d’énergie. On peut construire un raisonnement analogue avec une économie en croissance. Une corrélation énergie-économie pourrait s’expliquer complètement par l’effet du PIB sur l’énergie, celui de l’énergie sur le PIB, ou par un mélange des deux.
Bref les choses sont donc un peu plus compliquées que ce que pense Jancovici en montrant son « meilleur modèle etc. ».

Par exemple, et il me semble que Jancovici n'en a jamais parlé, à moins que cela m'ait échappé, pour produire aujourd'hui un point de PIB il nous faut moins d'énergie que ce qu'il nous fallait dans le passé pour produire ce même point de PIB, on appelle cela le progrès technique, ce que résume un auteur cité par Fréget (un certain Paul Romer, « prix Nobel » d'économie en 2018) :
L’histoire humaine nous enseigne cependant que la croissance économique résulte de meilleures recettes, et non simplement de la préparation des mêmes plats. Ces nouvelles recettes (...) génèrent en général plus de valeur économique par unité de matière première.
Et Fréget résume les choses ainsi :
La croissance économique est bien plus qu’une utilisation de plus en plus intensive d’un stock de ressources donné. C’est un processus par lequel on trouve de nouvelles façons d’agencer des matières premières d’une manière qui augmente la valeur totale des échanges.
Plus loin Fréget nous parle des « effets d'anticipation » que Jancovici semble ignorer superbement avec son « meilleur modèle etc. » :
Si les hommes anticipent un phénomène, ils peuvent y réagir avant qu’il se produise.[...] Dans notre cas, les pétroliers ont intérêt à tenter d’anticiper les retournements de la conjoncture ou a minima à réagir à la baisse de demande d’énergie. Lorsque la croissance du PIB ralentit, la demande de pétrole décroît, ce qui tend à réduire le prix du baril. Pour juguler cette baisse des prix, les offreurs ont alors tout intérêt à restreindre l’offre, en ralentissant leur vitesse d’extraction pour réduire leurs stocks stratégiques.
Ainsi Jancovici serait victime d'une illusion, d'un mirage, en confondant la cause et l'effet parce qu'il aurait ignoré notamment le phénomène d'anticipation bien compréhensible de la part d'un pétrolier qui prévoirait une crise économique dans un futur proche et ajusterait sa production en conséquence.

Un peu plus loin Fréget nous embrouille un peu plus :
Que dit la littérature empirique sur lien causal entre énergie et PIB ?

Elle n’est pas tranchée du tout. Parfois, c’est bien la production d’énergie qui semble causer le PIB à court et moyen-terme, mais, parfois c’est l’inverse. Et puis parfois, il semble que la causalité va dans les deux sens. Comme le notent Kalimeris et al. (2016): “les résultats de la littérature sur le lien énergie-économie ne pourraient pas être plus loin d’un consensus, puisqu’on y trouve des indices sur les quatre hypothèses possibles sur le lien énergie-économie à une fréquence presque égale.”
Et de conclure :
Malgré toute sa complexité et ses contradictions, cette littérature sur le lien énergie-PIB montre une chose: l’économie est trop complexe pour être expliquée par un seul facteur. L’hypothèse d’une relation universelle et univoque de l’énergie vers le PIB est rejetée par les données. C'est sans doute ce qui explique l’échec des prédictions de JMJ que je mentionnais au début.
Je vous laisse lire l'article en entier si vous en avez le courage et les compétences pour le comprendre, ce qu'il faut retenir c'est que pour le passé rien ne dit, contrairement à ce qu'affirme Jancovici, que les crises économiques et financières aient été causées par des problèmes énergétiques, au contraire, la plupart du temps ces crises ont eu pour conséquence de faire baisser la production énergétique étant donné que quand l'activité économique diminue les besoins en énergie suivent la même route.

Par contre Jancovici aura raison un jour ou l'autre, il suffit en effet d'être patient pour voir arriver le moment où l'énergie viendra à manquer au regard des besoins de l'humanité, alors un ajustement s'opérera, et il sera d'autant plus douloureux que nous ne nous y serons pas préparés correctement.

Il est d'ailleurs cocasse de constater le porte-à-faux entre énergie et réchauffement de la planète ; nous sommes drogués à l'énergie, qui est essentiellement carbonée et donc génératrice d'effet de serre additionnel, donc soit nous n'arrivons pas à nous sevrer rapidement et nous allons souffrir des conséquences du réchauffement climatique, soit nous adoptons des mesures drastiques et arrivons à limiter ce réchauffement, mais au prix de problèmes économiques qui seront extrêmement difficiles à gérer, sachant qu'il est plus que probable que nous préfèrerons préserver notre cher PIB afin d'éviter tout trouble social, mais qu'au final nous aurons la double peine : le réchaufffement et la grosse récession économique synonyme de régression de nombreuses décennies en arrière.

Je ne peux pas prouver ce que j'avance, mais je le sais, car c'est mon petit doigt qui me l'a dit. Et on ne plaisante pas avec mon petit doigt.

*****


Voir aussi afin de se rassurer :

Les ressources mondiales d’uranium ne suffiront pas à alimenter la filière nucléaire au-delà de quelques décennies. Au-delà, seul le déploiement de nouvelles technologies pourrait permettre à l’atome de participer significativement au mix énergétique mondial, comme nous l’expliquent des physiciens spécialistes de la question.
La plupart des candidats à l’élection présidentielle prétendent concilier la poursuite de la croissance et la préservation de l’environnement. Une récente note de l’Agence européenne pour l’environnement souligne l’incompatibilité de ces deux projets, relève dans sa chronique Stéphane Foucart, journaliste au « Monde ».


9 commentaires:

  1. Si PIB et énergie possèdent un lien causal de même nature à une racine commune, alors ils sont corrélés par une droite (tout comme le nombre de voitures, les volumes d'eau consommés, le volume de données échangées, etc.). Effectivement, Janco se plante probablement à voir un lien causal dans cette corrélation.

    Le fait est que les civilisations sont organisées autour d'infrastructures d'échanges permettant de s'affranchir de nos limites biologiques. Cette organisation particulière implique une recherche permanente de croissance des échanges et du nombre de participants à ce "jeu" économique afin de contrer l'usure desdites infrastructures (entropie)

    Or les échanges (et productions associées) ne peuvent s'opérer que par la mobilisation d'énergie,d'où la corrélation linéaire. Et comme il ne peut, par construction, exister de civilisation en stagnation séculaire, la quantité d'infrastructures doit également croître continuellement. Si cette croissance est empêchée par un facteur quelconque (autre civilisation qui l'empêche, déplétion des ressources, saturation), l'entropie appliquée aux infrastructures prend le dessus et la civilisation disparaît (et avec elle une partie des acteurs surnuméraires).

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    1. Vous êtes quasiment en train de décrire quelque chose qui ressemble fort à une pyramide de Ponzi;)

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  2. Ça n'est pas totalement faux dans le sens de la recherche de course en avant perpétuelle empêchant l'effondrement de la pyramide. La faiblesse de Janco est son faible intérêt poir l'ethnologie et la sociologie, certes sciences "molles" mais très instructives. C' est aussi le reproche qu'on pourrait faire au travail de Meadows ; son travail sur les limites à la croissance, impeccable par ailleurs, souffre d'une question non résolue : pourquoi (dans quelles conditions) la recherche impérative de croissance ?

    Les tentatives de réponse par essentialisation (c'est la nature de l'homme, c'est son cerveau, la faute aux puissants, etc.) sont plutôt médiocres et plutôt facilement réfutables. Donc il faut chercher ailleurs.

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    1. « Donc il faut chercher ailleurs. »

      Pour moi la raison essentielle est que nous sommes drogués à la croissance, nous ne savons pas (ou plus ?) comment faire sans, et nos élites politiques sont obligées de suivre le mouvement si elles veulent avoir nos voix ; quant aux régimes totalitaires ou « peu démocratiques » ils suivent eux aussi le mouvement pour ne pas être distancés, ou alors tout simplement pour ne pas susciter de soulèvement interne de leur population (cas de la Chine par exemple)

      Mais c'est certainement encore plus compliqué que cela, je ne fais que traduire ce qui me passe par la tête et c'est forcément imparfait.

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  3. Donc la recherche de croissance serait le fruit d'une volonté si je vous comprends correctement ? Il "suffirait" tous ensemble de ne pas vouloir pour qu'on calme le jeu ?

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    1. Ce serait plutôt le fruit d'une non-volonté, la non-volonté de changer son mode de vie parce qu'on s'est trop habitués au confort que nous procure l'énergie à gogo. C'est donc exactement l'inverse, il suffirait tous ensemble de vouloir pour calmer le jeu, mais on n'y arrive pas, tout simplement. Pensez aux drogués (y compris aux gros fumeurs) qui ont d'énormes difficultés pour arrêter alors qu'ils savent que leur comportement est nocif pour leur santé...

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  4. Même les civilisations ultra esclavagistes sont en recherche de croissance. J'ai du mal à imaginer qu'esclaves, colonisés, etc. aient une non-volonté de changer. Mais tout peuple colonisé rentre dans un mécanisme de croissance. Par ailleurs, comment expliquez-vous dans ce cas que les peuples autochtones (ou premiers) parviennent à rester en stagnation séculaire, même en sachant la confort à portée ? Enfin, n'est ce pas un simple de fourrer dans la "nature humaine", toute réponse qui semble nous échapper ?

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    1. Toute règle a ses exceptions.

      Pour ce qui est des civilisations ultra esclavagistes je ne vois pas à quoi vous faites allusion actuellement ; les grecs, romains, égyptiens et autres ne cherchaient pas la « croissance » à l'époque, quant aux nations esclavagistes comme le furent les Etats-Unis elles se sont servies des esclaves pour croitre, effectivement, mais les colons n'avaient alors aucune idée des dégâts que provoquerait plus tard cette croissance à outrance, par conséquent la volonté ou non-volonté de changer était un non-sujet au contraire d'aujourd'hui. Aujourd'hui nous savons parfaitement que nous allons dans le mur, mais nous ne savons pas comment faire pour l'éviter (je ne parle évidemment pas des rassuristes qui croient que le génie humain va tout arranger et qui nie également le moindre souci)

      Pour ce qui est des peuples premiers ils voient notre mode de vie et n'ont tout simplement pas envie de l'adopter ; comme ils sont relativement isolés il leur est relativement facile d'arriver à garder le leur, dans une certaine mesure, cependant ils se font grignoter lentement mais sûrement, mais c'est un autre sujet.

      Pour la nature humaine il faudrait s'entendre sur sa définition. Si elle désigne ce qui nous sépare des animaux (et notamment des singes;) elle a bien entendu de nombreuses variantes, comme les virus !

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  5. Le fait qu'egyptiens, romains et grecs n'utiisaient pas l'indicateur PIB, ne les a pas empêché de tout à fait rechercher la croissance dans un sens strictement comparable au nôtre (augmentation des échanges marchands, infrastructuration lourde, extractivisme poussé).

    Quant à la nature humaine (employée au singulier le plus généralement), ça ressemble plus à un pratique fourre-tout sémantique où se perd tout ce qui nous dérange dans sa compréhension, plutôt qu'à quoi que ce soit de défini. C'est également souvent une manière commode de dédouaner les effets induits par une organisation sociale donnée (qui par contraste est donc forcément la "meilleure").

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