mardi 8 mars 2022

Anne-Laure Bonnel, la petite télégraphiste du Kremlin ?

 Il y a actuellement en Ukraine d'innombrables crimes de guerre qui sont commis par l'armée russe au détriment du peuple ukrainien ; les Russes bombardent sciemment des immeubles d'habitation, mitraillent ou lancent des obus de mortier délibérément sur les civils qui tentent de fuir, tout ceci peut être constaté quasiment en temps réel avec toutes les vidéos de particuliers ou les reportages de journalistes sur le terrain, sans qu'on puisse mettre en avant une quelconque tentative de manipulation de l'« image » à des fins de propagande, même si certaines sources peuvent à juste titre paraitre douteuses tout en étant ultra-minoritaires et très rapidement « débunkées » (voir par exemple Ukraine : les fake news déferlent sur les réseaux sociaux, qui tentent de les endiguer)

Donc l'évidence est là, sous nos yeux ébahis, cependant nous voyons aussi, devant les mêmes yeux ébahis, des « informations » du genre de celle-ci sous la forme d'un tweet :

Autre exemple de mensonge par omission des "journalistes" : le massacre des russophones en 🇺🇦

Film CHOC du doc. d'Anne Laure Bonnel de la population dans le Donbass. L'OTAN et les Etats Unis ainsi que #Soros financent un ignoble massacre. (Sensibilités s'abstenir...)



Anne-Laure Bonnel qui, cela va vous surprendre (non en fait), est interviewée par nul (sic) autre qu'André Bercoff dans Anne-Laure Bonnel - Ukraine : "Ceux qui appellent à la guerre ne la connaissent pas !" ; voici ce qu'elle dit dès le début (à 3:40) :
Il faut d'abord si je peux me permettre au préalable ne pas oublier qu'il y a une première crise humanitaire dans le Donbass [...] en 2014 qui n'a pas cessé pendant 8 ans et qui à mes yeux n'a pas été médiatisée suffisamment ou alors très peu.
Et elle enchaine en prétendant que « la plupart des gens auxquels [elle s]'adresse » seraient « étonnés », Bercoff apportant avec ses gros sabots sa contribution en rajoutant (à 4:10) :
[ces gens] ont plus ou moins nié la chose
Je ne sais pas vous mais moi je sais depuis le début ce qui se passe au Donbass, j'ai été correctement informé par les chaines d'infos dites « mainstream » qui ont fait leur boulot, et il suffit de consulter Wikipédia pour avoir tous les détails avec un certain nombre de sources représentatives de tout ce qui s'est dit et écrit sur le sujet depuis le début du conflit au Donbass en 2014 ; par exemple :
Et dans Jacques Henry, Charles Gave, André Bercoff, les géopoliticharlots visionnaires j'ai montré une photo publiée par le journal Le Point le 18 avril 2014, donc quasiment dès le début du conflit au Donbass, photo que je me permets de  remettre sur la table :

Ukraine : qui sont ces mystérieux "hommes verts" ? (source Le Point)

Ces militaires portant des uniformes sans signe distinctif étaient probablement des membres du groupe Wagner, donc des Russes à tendance néonazie envoyés par Poutine pour faire le ménage sans officiellement impliquer son armée. 

De l'autre côté, « côté Kiev » pour être précis, c'est-à-dire du côté du gouvernement ukrainien légitime, il est tout aussi avéré que des néonazis sont intervenus dans le Donbass sous la forme du régiment Azov, ce n'est pas un scoop, c'est amplement documenté et je peux vous en donner un tout petit aperçu avec ceci :

J'ai délibérément choisi des sources datant du début du conflit afin de montrer que personne n'a découvert récemment que le régiment Azov existait et s'était rendu coupable d'un certain nombre d'exactions.

Il y a donc des néonazis des deux côtés, ce qui ne nous avance pas beaucoup pour répondre à la question essentielle que ne semble pas se poser Anne-Laure Bonnel et qui est la suivante : pourquoi y-a-t-il un conflit au Donbass impliquant des néonazis dans chaque camp ?

Avant de répondre à cette question remarquons tout d'abord qu'Anne-Laure Bonnel intéresse au plus haut point les sites de « réinformation » d'extrême droite comme ceux-ci que je vous laisse consulter en vous conseillant de vous boucher le nez au préalable :

On remarquera que ces articles sont tous très récents et véhiculent tous sensiblement le même message, le message, figurez-vous, relayé par nul autre que...Sergueï Lavrov ! Ainsi voici comment le Huffington Post présente les choses le 3 mars dans Ukraine: Lavrov attaque Macron en citant le passage d'une journaliste française sur CNews :

Après qu'Emmanuel Macron a accusé la Russie d'être l'"agresseur" dans la guerre qui l'oppose à l'Ukraine, le chef de la diplomatie russe a riposté ce jeudi 3 mars. [...] pour le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, la vérité est ailleurs. [...] Une journaliste française […] qui s’est rendue au Donbass a publié ses observations des pilonnages des écoles, des meurtres de deux femmes qui travaillaient dans ces écoles et a appelé les Occidentaux à regarder la vérité en face, a-t-il affirmé. Elle n’a pas eu le droit de faire sa publication.

On peut dire bravo à Anne-Laure Bonnel pour cet exploit : être citée (pas nommément mais on comprend qu'il s'agit d'elle) par le désinformateur en chef de la « diplomatie » russe, la marionnette de Poutine, ou son perroquet, on ne sait pas trop comment le qualifier, qui aura (peut-être) comme son maitre un jour des comptes à rendre devant la communauté internationale pour crimes contre l'humanité.

A ce stade on peut légitimement se poser la question suivante : est-ce que Anne-Laure Bonnel est sincère ou bien a-t-elle une approche « intéressée » ?

Si elle est sincère, et à mon avis elle l'est, alors elle est l'idiote utile de la machine de propagande du Kremlin qui se sert d'elle à bon compte, comme elle se sert de tous les abrutis tels que celui dont j'ai mentionné le tweet au tout début de ce billet.

L'autre hypothèse, celle qui consiste à dire qu'elle serait intéressée, pas forcément financièrement mais plutôt idéologiquement, n'est pas à écarter même si je la juge beaucoup moins probable ; mais je ne suis pas dans la tête d'Anne-Laure Bonnel, je n'ai pas lu ou entendu tout ce qu'elle a pu écrire ou dire, et de plus il est extrêmement difficile de se faire une opinion tellement certaines personnes peuvent s'avérer de parfaits comédiens capables de vous faire prendre des lanternes russes pour des vessies ukrainiennes (ou l'inverse)

Maintenant penchons-nous sur les affirmations d'Anne-Laure Bonnel reprises un peu partout sans aucun discernement ; prenons comme exemple (bouchez-vous le nez) le site Dreuz-info qui, dans Les 14.000 morts du Donbass par les forces ukrainiennes, dans l’indifférence de l’UE, c’est une réalité pas une fiction, nous dit ceci :

Depuis 2014, les forces ukrainiennes massacrent les Ukrainiens pro-Russes de la région du Donbass : près de 14.000 morts dans l’indifférence générale de l’Union Européenne, et de la France en particulier [...] Depuis plus de sept années, le régiment Azov, basé à Marioupol, port situé à la lisière du Donbass, fort de près de 4000 combattants, pour la majorité pronazis, et sous le commandement du gouvernement ukrainien, assassine des Ukrainiens parce qu’ils se considèrent comme Russes également.

J'ouvre rapidement ici une parenthèse pour signaler que si la situation n'était pas si tragique ce passage extrait d'un site d'extrême droite (et il n'est pas le seul loin de là) serait du plus haut comique : parler de « pronazis » alors que la majorité des lecteurs du site iraient sans problème passer leurs vacances avec les membres du régiment Azov, tellement ils ont de choses en commun à se raconter, cela relève du désopilant, ou simplement du risible, j'hésite entre les deux. Je ferme la parenthèse.

Mais qu'en est-il vraiment de ces « 14.000 morts » qu'on nous sert à tire-larigot ? La réponse est très simple, par exemple avec Attention à ces publications trompeuses sur le bilan des morts dans le Donbass depuis 2014 :

D'où sort le chiffre de 13.000 victimes évoqué par Anne-Laure Bonnel et repris ensuite abondamment par des internautes? En cherchant dans les archives de l'AFP, on retrouve ce chiffre dans une dépêche datée de février 2019 consacrée à la candidature à l'élection présidentielle d'un comédien - l'actuel président Volodymyr Zelensky.

13.000 ou 14.000 on n'en est pas à 1.000 près ; le détail de ces morts est en vérité le suivant :

Le HCDH estime le nombre total de victimes liées au conflit en Ukraine (du 14 avril 2014 au 15 février 2020) à 41.000-44.000 : 13 000-13 200 tués (au moins 3.350 civils, environ 4.100 forces armées ukrainiennes et environ 5.650 membres de groupes armés) ; et 29 000-31 000 blessés (environ 7.000 à 9.000 civils, 9.500 à 10.500 forces ukrainiennes et 12.500 à 13.500 membres de groupes armés groupes)
Donc nous avons :
  • 3.350 civils, dont on ne sait pas de quel côté ils étaient ;
  • 4.100 militaires ukrainiens ;
  • 5.650 militaires pro-russes.
Ah, et il faut aussi ajouter les victimes, toutes civiles, du vol MH17 abattu par les pro-russes avec du matériel russe :
Sur la période 2014-2021, l'Onu estime à 14.200 le nombre de morts, parmi lesquels 3.400 civils, a-t-elle ajouté, précisant que ce bilan incluait également les 283 victimes du crash du vol MH17 en 2014, abattu au dessus de l'Ukraine et pour lequel Moscou a toujours démenti toute implication.

Maintenant revenons à la question essentielle qui est, je le rappelle, celle-ci : 

Pourquoi y-a-t-il un conflit au Donbass impliquant des néonazis dans chaque camp ?

En fait on peut étendre cette question en ne la limitant pas à la seule région du Donbass, et elle devient :

Pourquoi y-a-t-il un conflit entre la Russie et l'Ukraine ?

C'est la question que devrait se poser Anne-Laure Bonnel afin de « relativiser » ce qui se passe au Donbass et le mettre en perspective avec le schéma général qu'elle ne veut pas voir ou feint de ne pas voir.

Tout ce qui se passe actuellement avait été prévu et planifié par Vladimir Poutine dès qu'il a été en charge des opérations en Tchéchénie, et même probablement avant cela.

Ce n'est pas moi qui le dis, je ne fais que retranscrire ici ce que j'ai retenu de toutes les analyses de nombreux géopoliticiens qui se sont exprimés sur le sujet depuis que Poutine a décidé d'envahir l'Ukraine.

Bien que cette invasion paraissait à beaucoup comme hautement improbable, et a donc surpris quasiment tout le monde, après coup on se rend compte qu'elle a une « logique » qui est celle du maitre du Kremlin.

Je vais ici faire un court résumé (aidé en cela de Wikipédia) de tous les événements qui se sont déroulés depuis le début du siècle (et même la toute fin du précédent) en mentionnant le nombre de morts que l'on peut porter à l'actif, ou plutôt au passif de Vladimir Poutine ; cela permettra une intéressante comparaison avec les 13 ou 14 mille morts en 8 ans de guerre au Donbass...

Seconde guerre de Tchétchénie

La seconde guerre de Tchétchéniea (ou deuxième guerre de Tchétchénie) est un conflit armé qui opposa l'armée fédérale russe aux indépendantistes tchétchènes du  au , jour de la prise de Grozny, la capitale de la république, par les troupes russes.

La guerre se solda par l'« extermination partielle »19 du peuple tchétchène et par la réinsertion de la Tchétchénie dans la fédération de Russie.

Les statistiques officielles russes recensaient 4 280 morts et 12 368 blessés parmi les militaires de l'armée fédérale. Vladimir Poutine affirma que l'armée russe avait tué plus de 13 000 combattants tchétchènes.

Selon les organisations non-gouvernementales, le nombre de civils qui périrent pendant les deux guerres est estimé entre 100 000 et 300 000.

Le chiffre de 150 000 morts semble faire l'unanimité. 

Deuxième guerre d'Ossétie du Sud — Wikipédia (wikipedia.org)

La deuxième guerre d'Ossétie du Sud oppose en août 2008 la Géorgie à sa province séparatiste d'Ossétie du Sud et à la Russie4. Le conflit s'est étendu à une autre province géorgienne séparatiste, l'Abkhazie.

Guerre du Donbass — Wikipédia (wikipedia.org)

La guerre du Donbass est une guerre hybride actuellement en cours, opposant le gouvernement ukrainien à des séparatistes pro-russes et à la Russie, ayant commencé en 2014 dans le cadre du conflit russo-ukrainien et se déroulant dans l'Est de l'Ukraine (Ukraine orientale), principalement au Donbass

Guerre civile syrienne

En préparation depuis , l'intervention en Syrie des forces armées russes débute aussitôt : au moins 5 000 soldats, 36 avions de combat et 20 hélicoptères sont déployés en quelques jours978,979,980. L'intervention militaire russe se manifeste surtout par le début d'une campagne de frappes aériennes : l'État islamique est ciblé, de même que l'Armée syrienne libre, mais l'aviation russe se focalise alors principalement sur les positions rebelles de l'Armée de la conquête, dans le gouvernorat d'Idleb981,982,983,984,985,986,987,988,989.

Bilan des victimes civiles des bombardements russes

Alep : le tourment décisif des frappes russes

D’après un diplomate qui a accès à cette base, un «modèle» se dégage : «Les données montrent qu’avant chaque offensive du régime, l’aviation russe bombarde les hôpitaux. Ce sont des frappes extrêmement précises, qui ne visent pas les bâtiments d’à côté. Ils vont jusqu’à détruire les générateurs qui les alimentent en électricité, ce qui prouve au passage que les Russes sont particulièrement bien renseignés. L’idée est de démotiver les rebelles en leur faisant comprendre qu’ils ne seront pas soignés s’ils sont blessés.»


Et pour faire bonne mesure voici un article des Echos, Ukraine, Haut-Karabakh, Géorgie, Tchétchénie… les guerres de Vladimir Poutine, dans lequel sont répertoirées toutes les tentatives de Vladimir Poutine pour arriver à ses fins, à savoir la reconstitution de l'empire tsariste de Catherine II (voir "Génocide", "dénazification"… Comment Vladimir Poutine réécrit l'histoire pour justifier la guerre en Ukraine) avec cette carte que feraient bien de consulter les adorateurs d'Anne-Laure Bonnel (Anne-Laure Bonnel étant journaliste je présume qu'elle la connait...) :

Depuis des années Moscou lorgne les anciennes républiques soviétiques (source Les Echos)

On voit surtout, avec cette carte, que la région du Donbass, qui passionne tant Anne-Laure Bonnel, n'est qu'une toute petite partie du gateau que Poutine a l'intention de déguster.


Mais finalement l'intérêt de Poutine n'est-il pas que l'on se concentre sur le Donbass, avec les néonazis du régiment Azov, pour oublier tout le reste ?



*****

Voir aussi :


4 commentaires:

  1. Bon article, merci. Et oui, Poutine ou non, Biden ou Trump, Macron ou Melenchon, sont les serviteurs d'une dynamique particulière (engendrée par une organisation humaine particulière) mais qui est (à raison) toujours la même,celle de l'Etat-nation. Espérons qu'elle prenne fin suffisamment rapidement pour préserver ce qu'il reste de notre milieu de vie, et par ricochet, nos postérieurs.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je ne sais pas si c'est un bon article, je fais de mon mieux pour retranscrire ici ce que je pense de ce conflit à partir de tout ce que j'ingurgite en provenance de plusieurs médias. Nous sommes dans le brouillard, nos phares n'éclairent que quelques mètres devant nous et nous ne distinguons pas et ne pouvons même pas imaginer ce qu'il y a au-delà.
      Quant à l'Etat-nation il n'est pas près de disparaitre, nulle part, bien au contraire. Tout juste peut-on considérer que ce qui se passe en ce moment va resserrer les liens entre plusieurs Etats-nations européens, ce sera déjà ça de gagné et nous le devrons à Poutine...

      Supprimer
  2. Réponses
    1. Merci. Quand vous voyez sur Twitter à quel point Anne-Laure Bonnel est adulée vous êtes obligé de vous poser des questions...

      Supprimer