jeudi 27 juillet 2023

Monsieur Antoine le géographe incompris

 Cela peut paraitre surprenant mais "monsieur Antoine", AntonioSan pour les intimes (ou l'inverse), continue à me lire puisqu'il parle de moi de façon ésotérique à ses copains du site de climat au logis pour les nuls au nom jamesbondesque Skyfall :

1030.  AntonioSan | 24/07/2023 @ 19:25 

Une interview ancienne de Pierre Pagney afin de rappeler au marecage que, en France comme au Canada d’ailleurs – voir le cas de Dr. Tim Ball-, la climatologie historique etait au depart une discipline de la geographie. Ce qui explique que les climatologues des generations precedentes etaient diplomes en geographie…
https://socgeo.com/2016/10/12/pierre-pagney-une-vie-au-service-de-la-geographie-et-de-la-climatologie/
Il est aussi important de souligner que l’OMS publia la these de Marcel Leroux 1983 sur la meteorologie et climatologie de l’Afrique Tropicale et en distribua copies aux pays membres.

Quand il parle du "marécage" bien évidemment c'est de moi qu'il s'agit, mais je ne suis pas sûr que les autres pingouins l'aient compris, sauf ceux qui viennent en catimini chez moi et me laissent parfois des commentaires exotiques. Il faisait référence à mon billet du 21 juillet intitulé Marcel Leroux et Monsieur Antoine en PLS dans lequel je le mettais à l'honneur en le plaçant où il convient, à savoir dans les poubelles de l'Histoire avec feu Marcel Leroux dont plus personne ne se souvient à part quelques nostalgiques de la géographie de grandpapa.

Je dois avouer que citer le clown Tim Ball à l'appui de sa défense de la géographie est assez comique, je vous laisserai rire sans m'appesantir davantage dessus tellement le gugusse sent le sapin et le futur oubli qui guette les gens sans envergure.

Ce qui est intéressant avec le commentaire de monsieur Antoine c'est qu'il apporte la preuve, une fois de plus, qu'il n'a toujours rien compris au sujet en me répondant complètement à côté de la plaque.

Dans mon billet sur Marcel Leroux j'expliquais simplement que ce distingué géographe qui se prenait pour un éminent climatologue est aujourd'hui considéré comme un has been à cause de sa théorie, qu'il défendit bec et ongles, sur d'hypothétiques AMP qu'il avait cru apercevoir comme Titi avait cru voir un gros minet. Et voilà que monsieur Antoine croit m'apprendre quelque chose avec son « la climatologie historique était au depart une discipline de la géographie ».

Effectivement j'ai moi-même appris en cours de géographie les rudiments du climat, ou plutôt des différents climats de France et de Navarre, mais c'était il y a fort longtemps et depuis cette lointaine époque l'étude du climat a fait « quelques » progrès qui ont apparemment échappé à la sagacité légendaire du célèbre commissaire AntonioSan.

Aujourd'hui un « climatologue » peut parfaitement être un géographe, mais on en verra davantage avec des formations plus pointues telles que :
  • mathématicien (avec des exceptions notables...)
  • physicien (idem que ci-dessus...)
  • chimiste
  • glaciologue
  • océanographe
  • astronome
  • historien
  • biologiste
  • géologue
  • météorologue (eh oui !)
  • lecteur de Skyfall (non je rigole)
Le problème c'est qu'il n'y a pas de véritables climatologues en tant que tels, on est climatologue parce qu'on maitrise une matière en rapport avec le climat et qu'on étudie et publie sur ce sujet. Ainsi les chercheurs qui suivent sont tous climatologues de par leur formation :
Par contre des gens comme Benoit Rittaud ou François Gervais (les exceptions notables déjà mentionnées...) ne peuvent prétendre au titre de climatologue, le dernier cité ayant seulement publié quand il était à la retraite deux articles qui n'ont convaincu que d'autres climatosceptiques.

Marcel Leroux, lui, peut avec une grande indulgence être considéré comme un climatologue, mais de la très vieille école, celle où l'on regardait des cartes en essayant de deviner l'avenir ou de comprendre le passé, à moins que ce ne soit l'inverse. 

Car il faut bien être conscient qu'un géographe est avant tout un observateur, il n'a pas de grandes compétences pour comprendre les lois physiques qui régissent l'atmosphère, plus précisément la troposphère, là où se passent les choses en matière de météo (pour le très court terme) et de climat. Le rôle du CO₂ est par exemple plutôt compliqué à comprendre et mieux vaut être physicien pour s'y retrouver, autrement on ne peut que penser que l'on pige le truc mais sans vraiment pouvoir donner des explications dans le détail. Le cycle du carbone est également quelque chose qu'un géographe n'est pas particulièrement bien armé pour appréhender dans ses subtilités. Quant aux climats du passé, même un historien classique n'a pas les compétences voulues pour expliquer pourquoi par exemple la Terre est devenue à certaines époques une boule de neige et comment elle a fait pour se sortir de ce mauvais pas (un indice : le volcanisme libère du CO₂, mais chut, ne le dites pas à monsieur Antoine, il pourrait faire un malaise)

Ce qui est cocasse dans le commentaire du commissaire en goguette c'est qu'il cite un certain Pierre Pagney, géographe de son état, décédé en 2017 à l'âge de...98 ans, en donnant un lien vers une de ses interviews dans laquelle on serait bien en peine de lire les mots ou expressions "effet de serre", "CO₂" ou "cycle du carbone" (essayez pour voir). Ce qui est encore plus cocasse c'est qu'en faisant quelques recherches je suis tombé sur Denis Lamarre, lui-aussi géographe et climatologue en plus d'être professeur émérite, qui, dans Propos d’un géographe climatologue sur les changements climatiques. Une approche, des perspectives publié en 2013, écrivait textuellement ceci :
En 1999, en conclusion de « Climats et sociétés » (A. Colin), j’écrivais avec P. Pagney : « l’effet de serre additionnel, d’origine anthropique, témoigne indiscutablement d’une économie globale en croissance, mais aussi d’un risque climatique planétaire » (p. 249) et « il y a lieu d’espérer que l’affaire [du changement climatique] sera pour [les sociétés humaines] l’occasion de réajuster leur potentiel climatique, sans négliger une nécessaire solidarité pour stabiliser la composition de l’atmosphère » (p. 253).
Je ne peux qu'être d'accord avec ces considérations que pourtant monsieur Antoine et ses petits copains conchient chaque fois que l'occasion leur en est donnée !

Et cerise ultime sur le gâteau, voici ce que Jean-Pierre Besancenot, directeur de recherche au CNRS, écrit dans Denis Lamarre, Pierre Pagney, Climats et sociétés au sujet du livre de Lamarre et Pagney :
La quatrième et dernière partie [...] n'en revêt pas moins une importance considérable, puisqu'elle porte sur les grands défis d'échelle planétaire que l'homme doit aujourd'hui affronter, qu'il s'agisse de la pénurie d'eau, des risques et catastrophes climatiques (notions auxquelles chacun des auteurs a déjà consacré un ouvrage), du changement global [...] dans les circonstances présentes, les sociétés n'ont guère la capacité de relever ces défis.
Ainsi, pour résumer la situation, monsieur Antoine aka AntonioSan, qui nie les effets du réchauffement climatique, qui nie même l'existence de celui-ci, nous donne à lire un auteur, Pierre Pagney, qui a consacré un ouvrage sur les « risques et catastrophes climatiques » et en a rajouté une couche avec un manuel écrit à quatre mains en collaboration avec un autre géographe en insistant sur « les grands défis d'échelle planétaire que l'homme doit aujourd'hui affronter », rien que ça !

Monsieur Antoine aime bien se tirer des balles de gros calibre dans les deux pieds, il semble en avoir fait sa spécialité et nous l'a montré à de nombreuses reprises par le passé.

Et pour terminer je ne peux m'empêcher de vous citer quelques mots de la conclusion de Denis Lamarre dans l'ouvrage Propos d’un géographe climatologue sur les changements climatiques. Une approche, des perspectives déjà mentionné :
Patiemment, le géographe met de l’ordre dans le « fatras géographique », tisse des relations, traque des convergences, des concordances d’échelle ; il lui faut trouver la bonne mesure, au risque de se perdre. De la rigueur de la science.
Certains se sont perdus corps et biens sans avoir pu trouver la bonne mesure, mais heureusement il existe quelques géographes assez lucides pour reconnaitre leurs limites.

Ah non, je terminerai en fait avec cet autre article du même Pierre Pagney que monsieur Antoine porte en grande estime. Dans La climatologie française, la modélisation des climats et le réchauffement climatique : la climatologie en question voici ce que l'on peut lire :
  • Sur l'effet de serre :
    • C’est ce que traduisent les courbes de l’évolution des températures et de la charge atmosphérique en CO2 (et autres gaz à effet de serre dont le méthane), courbes elles-mêmes confrontées à l’explosion démographique récente, génératrice de l’exploitation des énergies fossiles modifiant la chimie atmosphérique par augmentation des gaz à effet de serre.
    • Cette courbe [la courbe de Mann] qui restait pratiquement plate jusqu’au XXe siècle faisait apparaitre de manière saisissante un événement entièrement nouveau auquel l’homme ne pouvait être étranger (utilisation massive des énergies fossiles génératrices de gaz à effet de serre).
    • Pour certains, le réchauffement climatique est une variation qui s’ajoute à la longue série des variations climatiques naturelles. Le climat a toujours varié, il varie aujourd’hui comme par le passé, l’homme n’y est pour rien. Cette position est illustrée par le physicien Vincent Courtillot pour qui le réchauffement actuel n’est pas dû à l’homme mais aux variations solaires. Toute autre est la position de ceux qui expliquent le réchauffement par l’influence des gaz à effet de serre. 
    • il n’est pas possible de nier que le CO2 (et d’autres GES), en accroissement récent, soit lié à la libération des gaz enfouis dans les énergies fossiles mises brutalement à contribution depuis plus d’un siècle par l’industrialisation. Or l’industrialisation est bel et bien liée à l’homme. On ne peut donc nier que l’homme injecte dans l’atmosphère des gaz à effet de serre modifiant la chimie atmosphérique.
    • On rejettera donc l’argument selon lequel le CO2 serait la conséquence du réchauffement et non sa cause, et par conséquent, n’aurait rien à voir dans le réchauffement anthropique que postule le GIEC.
  • Sur Marcel Leroux :
    • pour le géographe-climatologue Marcel Leroux, avancer l’argument du CO2 était une imposture
    • On doit mettre à part l’école de climatologie de Lyon III dont l’inspirateur, aujourd’hui disparu, est M. Leroux. M. Leroux et ses disciples professent un négationnisme militant assorti d’une vision de la dynamique de l’atmosphère largement basée sur les anticyclones mobiles polaires (les AMP), ce qui privilégie nécessairement les processus de refroidissement.
    • Les climatologues-géographes sont restés, quoi qu’il en soit, hors du grand débat relatif au réchauffement climatique jusqu’à une date très récente. Seules, les positions de M. Leroux ont été véritablement médiatisées. Ce qui a eu comme conséquence de faire en sorte que tous les géographes ont été catalogués comme étant plus ou moins négationnistes. 
    • Le négationnisme de quelques géographes-climatologues (et de géographes non climatologues séduits par la contestation) a maintenu l’ensemble de la géographie à la marge. Pourtant dans les années très récentes, au plus fort du débat entre modélisateurs et climato- sceptiques, les climatologues-géographes semblent être en mesure de se réinvestir et de reprendre, dans le débat général, la place qu’ils n’auraient jamais dû quitter.
Vous remarquerez au passage que le mot "négationnisme" pour désigner le climatoscepticisme était employé en 2012, il y a 11 ans déjà...

Avec tout cela je me demande ce que monsieur Antoine va bien pouvoir inventer pour tenter de retomber sur ses pattes. A mon avis il va encore une fois s'envoyer du plomb dans les tarses comme il en a pris l'habitude. A moins qu'il ne préfère faire le mort en espérant que personne n'aura remarqué que son commentaire était, comment dire, ah oui, stupide, c'est le mot.


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