lundi 31 mai 2021

Jean Con vient

 Je suis actuellement en train de lire un livre passionnant, Psychologie de la connerie en politique, composé d'une trentaine de chapitres écrits par des auteurs différents sous la houlette d'un certain Jean-François Marmion qui m'était jusqu'alors totalement inconnu. L'animal est psychologue et a déjà produit un ouvrage intitulé Histoire universelle de la connerie, nous avons donc affaire à quelqu'un intéressé par un sujet qui nous concerne (c'est quand on est cerné par des cons ?) tous et qui prend le risque qu'on (sic) le prenne pour tel.

La connerie est un sujet casse-gueule, car il faut toujours avoir en tête ce double axiome que beaucoup de gens ignorent ou négligent indolemment :

  1. On est toujours le con d'un autre ;
  2. On sous-estime toujours sa propre connerie.
Cependant l'important n'est pas de vouloir éviter à tout prix d'être con à un moment ou à un autre (c'est impossible, une connerie vous rattrapera tôt ou tard, soyez-en sûr) mais c'est d'être con-scient que l'on peut être con à tout instant même si l'on ne s'en rend pas forcément compte sur le coup.

Bref, je suis con mais je me soigne.

Je n'arrête pas de me dire « mais quel con j'ai été », parce que j'ai fait, ou pas fait, telle ou telle chose.

Inutile de ressasser le passé, ce qui est fait est fait et ne peut être défait ; souvenez-vous toujours du poème The road not taken de Robert Frost :

Two roads diverged in a wood,
And sorry I could not travel both
And be one traveler, long I stood
And looked down one as far as I could
To where it bent in the undergrowth;
Deux routes divergeaient dans un bois jaune,
Et désolé de ne pas pouvoir voyager sur les deux
Et de n'être qu'un seul voyageur, je suis resté longtemps planté là
Et j'ai regardé l'une d'elles aussi loin que je pouvais
Jusqu'à l'endroit où elle se perd dans le sous-bois ;

Dans l'obligation de faire un choix afin de ne pas rester au même endroit jusqu'à la fin des temps, le voyageur emprunte donc une des deux routes ; peu importe les con-séquences de son choix, les conneries qu'il va faire sur la route où il chemine, celles qu'il va avoir évitées sans le savoir pour avoir ignoré l'autre itinéraire, de toute façon il est impossible de revenir en arrière, de rembobiner le film, et il est illusoire de se lamenter sur l'option prise qu'il con-vient d'assumer. Tout au plus avec l'expérience nous pouvons, éventuellement, améliorer nos choix et prendre les « bonnes routes », mais même cela n'est pas acquis, il est toujours possible de commettre les mêmes erreurs, à quelques nuances près.

Encore mieux, il est possible de commettre des erreurs commises par d'autres alors qu'on avait suffisamment d'informations pour les éviter.

Ainsi Napoléon, quel con ! personne ne lui avait donc dit qu'en s'enfonçant dans les terres de Russie à l'orée de l'hiver (en fait en juin mais c'est long pour atteindre Moscou...et en revenir !) il prendrait l'énorme risque de s'y embourber, sur un terrain que ses soldats ne maitrisaient pas au con-traire des cosaques et autres moujiks dont c'était le bac à sable depuis l'enfance. On con-nait la suite.

Comme on connait ce qu'il advint, près d'un siècle et demi plus tard, aux troupes nazies quand Hither se mit en tête, quel con ! de faire son petit Napoléon en réitérant la même connerie, comme si personne dans son entourage n'avait été au courant des mésaventures de l'aigle impérial.

On pourrait également parler de l'Afghanistan, ce pays envahi par les Soviétiques, quels cons ! avec le succès que l'on sait, puis réinvesti un peu plus tard par d'autres cons qui voulaient se venger de la déculottée subie un 11 septembre sur leur propre territoire alors qu'ils se croyaient intouchables, les cons !

Tout cela peut paraitre rassurant après tout, car si des hauts dirigeants sont capables de telles conneries alors les nôtres paraissent insignifiantes en comparaison.

Pour revenir au livre que je suis en train de lire, je n'en suis qu'à la moitié mais j'ai déjà été con-fronté...à Didier Raoult dans deux chapitres con-comitants !

Oui parce qu'il faut vous dire que le titre est trompeur, ça ne parle pas « que » de la politique, bien d'autres domaines sont con-cernés, et notre crise sanitaire actuelle fait partie du lot ; cela dit il est vrai que la politique est un sujet qui recouvre pas mal de choses, et la santé est incluse dans le pack quand on a affaire à une pandémie qu'il faut bien gérer si l'on veut plaire à son électorat.

Ainsi dans le chapitre intitulé L'emballement médiatique, la rumeur et l'infox comme moyens de noyer le poisson en politique, écrit sous la forme d'une interview entre Jean-François Marmion et Pascal Froissart, lequel est Maitre de con-férence en sciences de l'information et de la communication, nous voyons apparaitre pour la première fois notre gourou coulant chéri ; il est annoncé, bien que non cité, dans le sous-chapitre au titre évocateur Quel rôle jouent les personnalités charismatiques dans les rumeurs et les fake news ?

C'est marrant mais j'ai tout de suite pensé à qui-vous-savez, et certains passages nous montrent la voie :

  • page 154 : [...] l'effet de légitimité est important.
Effectivement, le grand manitou hydroxychloroquinois est légitime, c'est un « grand » professeur qui a une palanquée d'études publiées à son actif, et qui a même donné son nom à deux bestioles, la Raoultella (une dérivée du Nutella ?) et la Rickettsia raoultii (moi je donnerai bien son nom à une étoile lointaine à con-dition qu'il s'y exile dans la seconde), excusez du peu.
  • page 155 : Et comment les influenceurs parviennent-ils à obtenir ce statut ? Par leur popularité ! Tautologie médiatique [...]
Là aussi tout le monde est d'accord, notre ami est bien un influenceur qui plus est populaire ; la tautologie con-siste dans le cercle vicieux bien visible : populaire => influenceur => encore plus populaire => encore plus influenceur => toujours plus populaire => bref vous avez compris. La seule question qui se pose est alors celle de la poule et de l'oeuf : est-ce qu'il faut d'abord être populaire pour être influenceur ou bien devient-on populaire parce qu'on est influenceur ?

Et c'est donc au sous-chapitre suivant, introduit par le con-stat suivant : [...] si l'on prend l'exemple de la gestion du coronavirus par le gouvernement français en 2020, la figure médiatique de Didier Raoult a brouillé la communication [...], que notre Tartarin Tintin (ou plutôt Rantanplan) entre en scène tel un comédien m'as-tu-vu :
  • page 155 : Fort probablement : le charismatique et fort-en-gueule Didier Raoult a cristallisé la colère populaire et s'en est servi pour promouvoir sa propre vision des solutions.
Ici on est en droit de s'interroger : qui sont les cons dans l'affaire ? S'agit-il des gogos prêts à croire n'importe qui pourvu que cela les rassure, surtout si le « n'importe qui » est le professeur de médecine que j'ai décrit plus haut ? Ou bien s'agit-il du professeur de médecine en question, avec les quelques professeurs de médecine et soi-disant anthropologues illogiques surfant sur la vague du complotisme qui fait bander les adeptes des théories du faux alunissage ou du faux 11 septembre fomenté en réalité par la CIA (ou la fée Clochette, les versions diffèrent) ?

Il est en effet difficile de comprendre ce qui pousse des grands pontes à se ridiculiser aux yeux de l'Histoire, après que la communauté scientifique se soit foutu de leur tronche. Je ne vois qu'une seule hypothèse : la célébrité, les honneurs, l'attention qu'on vous porte quand vous exprimez vos élucubrations, tout cela fait péter les plombs même aux plus talentueux aux QI stratosphériques.

Tiens, en parlant de QI.

Dans Le Monde du 1er juin, page 24, ça tombe bien on peut lire la recension d'un ouvrage co-écrit par deux journalistes, Ariane Chemin et Marie-France Etchegoin, et intitulé Raoult, une folie française !

On y apprend que quand il avait 14 ans un pédopsychiatre aurait dit à son père : « Ecoutez, votre gosse a 180 de QI. Laissez-le faire. Tout ira bien. »

A mon avis le pédopsychiatre en question était un gros connard qui a transmis au petit Raoult le virus de la connerie, et on voit aujourd'hui le résultat. On l'a laissé faire. Et tout est parti en béchamel.

Les deux autrices font remarquer qu'Einstein avait un QI de 160, ce qui permet de relativiser (je n'ai pas pu m'empêcher de la faire celle-là)

Tout ça me fait penser, et nous ne sortons pas du thème de la connerie, que la mouvance con-spirationniste Qanon c'est le Q sans l'Intelligence.

Faites-vous plaisir et scannez-moi.

Pas d'inquiétude, aucun virus ne vous sautera à la gorge en scannant cette bonne adresse.


1 commentaire:

  1. Un texte jubilatoire : https://www.nabesnews.com/la-jaunisse-de-jonas-par-vie-sublime/

    Malgré de nombreuses (et inutiles) références à Dieu, que de choses bien vues et bien senties !

    Extrait : s'adressant à Raoult : « Les traces que tes conneries laisseront dans la société sont inimaginables… »

    A lire de toute urgence.

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