dimanche 17 février 2019

Les leçons du passé

Les climatosceptiques critiquent les modèles climatiques qui tentent de prédire (ou, mieux, de projeter) les températures dans le futur-pas-si-lointain (2100 c'est dans pas si longtemps que cela)

Mais il suffit de se tourner vers le passé pour avoir une petite idée de ce qui attend notre pas-si-lointaine descendance.

Justement une étude datée de janvier 2017, intitulée Regional and global sea-surface temperatures during the last interglaciation, nous rappelle que durant l'Eémien, période allant de 131000-114000 ans derrière nous, il y eu le LIG, ou Last Interglacial Period (Dernière période interglaciaire), pendant laquelle la température globale était environ 0,5°C plus élevée que ce qu'elle était il y a 150 ans (i.e. au milieu du 19ème siècle), soit, pour le dire autrement, 0,5°C environ plus froide que ce qu'elle est aujourd'hui !

L'étude dit même
indistinguishable from the 1995–2014 mean (indiscernable de la moyenne 1995-2014)
Il est vrai que 0,5°C sur l'échelle des temps géologique ce n'est pas grand chose.

Pourtant, à cette époque lointaine-mais-pas-tant-que-ça-finalement, le niveau des mers était...6 à 9 mètres supérieur à celui qu'il est aujourd'hui !

Evidemment l'inertie du système climatique est telle qu'avant d'en arriver à dépasser seulement un mètre par rapport à aujourd'hui cela ne va pas se faire du jour au lendemain, après tout ce niveau est prévu pour la fin de ce siècle et non pour demain matin, nous avons donc un peu de temps devant nous (ouf nous voilà rassurés)

A l'époque du LIG l'augmentation de température était bien sûr indépendante du facteur humain comme nous le précise l'étude :
LIG warming in the extratropical latitudes occurred in response to boreal insolation and the bipolar seesaw, whereas tropical SSTs were slightly cooler than the 1870 to 1889 mean in response to reduced mean annual insolation.
Le réchauffement du LIG sous les latitudes extratropicales s’est produit en réponse à l’insolation boréale et à l'oscillation bipolaire, alors que les SST [les températures de la surface des mers] tropicales étaient légèrement plus froides que la moyenne de 1870 à 1889 en réponse à une réduction de l’insolation annuelle moyenne.
Comme le site Skeptical Science l'explique
[...] models [...] carry large uncertainties and margins of error, especially the further into the future that models are run. One way that such uncertainties might be reduced is by looking at the geological and fossil record for periods in Earth's history that were warmer than today and determine how the environment responded. This may allow us to better estimate the effects of climate change that could face us.
[…] Les modèles [...] comportent d'importantes incertitudes et marges d'erreur, en particulier lorsqu'ils sont exécutés dans un futur de plus en plus lointain. L'une des façons de réduire ces incertitudes consiste à examiner les enregistrements géologiques et fossiles des périodes de l'histoire de la Terre plus chaudes qu'aujourd'hui et à déterminer la réaction de l'environnement. Cela pourrait nous permettre de mieux estimer les effets du changement climatique auxquels nous pourrions être confrontés.
Nous sommes donc fixés quand nous considérons cette période d'un peu plus de cent mille ans en arrière.

A noter que les niveaux de CO2 étaient similaires à ceux de la période dite préindustrielle (environ 280 ppm) :
The period also had an atmospheric CO2 level of up to 300 ppm; similar to the pre-industrial era.
La période avait également un niveau de CO2 atmosphérique allant jusqu'à 300 ppm; semblable à l'ère préindustrielle.
Mais il y a plus.

Chris Mooney, dans Earth Is 'Missing' at Least 20 Ft of Sea Level Rise. Antarctica Could Be The Time Bomb, nous informe qu'un géologue et paléoclimatologue de l'université de Boulder au Colorado, Giffor Miller, venait de découvrir des restes de plantes mis à nu par le retrait des glaciers ; le problème c'est que ces restes de plantes datent de...115 000 ans environ !

Le chercheur avoue
It's very hard to come up with any other explanation, except that at least in that one area where we're working ... the last century is as warm as any century in the last 115,000 years.
Il est très difficile de trouver une autre explication, sauf qu'au moins dans cette région où nous travaillons ... le siècle dernier a été aussi chaud que tous les siècles des 115 000 dernières années.
Et nous avons vu qu'à cette époque le niveau des mers était de 6 à 9 mètres plus haut qu'actuellement ; une grande partie de l'eau venait probablement du Groenland, cependant les chercheurs pensent que le Groenland à lui seul ne pouvait pas expliquer ces 6 à 9 mètres puisqu'il n'avait pas fondu entièrement (le Groenland a un potentiel d'augmentation de 6 mètres « seulement »), et le candidat au surplus semble tout trouvé avec l'Antarctique Ouest dont la capacité d'augmentation est justement d'environ...3 mètres, voire davantage !

Des hypothèses vont bon train pour tenter d'expliquer ce qui s'est passé et qui pourrait donc se passer à l'avenir.

Un chercheur du nom de DeConto avance l'hypothèse d'un effondrement de falaise de glace (marine ice cliff collapse), mais il est critiqué par d'autres chercheurs qui pensent eux que le processus a été plutôt long et exclut tout « effondrement ».

Quoi qu'il en soit, peu importe le processus en jeu en Antarctique, le niveau des mers était bien de 6 à 9 mètres plus haut qu'aujourd'hui avec des niveaux de températures assez similaires et des concentrations en CO2 bien plus faibles puisqu'elles correspondaient à notre niveau préindustriel ; on retiendra ce que dit DeConto :
What we pointed out was, if the kind of calving that we see in Greenland today were to start turning on in analogous settings in Antarctica, then Antarctica has way thicker ice, it's a way bigger ice sheet, the consequences would be potentially really monumental for sea level rise.
Nous avons fait remarquer que si le type de vêlage [quand un glacier se brise dans la mer] que nous observons au Groenland commence à s’activer dans des conditions analogues en Antarctique, alors l’Antarctique a une glace bien plus épaisse, c’est une couche de glace beaucoup plus grande, les conséquences seraient potentiellement vraiment monumentales pour le niveau des mers.
Pour terminer, nous savons que tant l'Antarctique que le Groenland perdent (et non gagnent) de la glace aujourd'hui, et même les climato « soi-disant réalistes » sont bien obligés de l'admettre à demi-mots en tentant toutefois de le cacher ou que ce soit le moins visible possible ; ainsi dans l'hilarant article intitulé La banquise arctique s’étend rapidement, les ours polaires commencent à chasser plus tôt l'irrésistible Usbek avoue en catimini et en tout petit que
A noter cependant que la perte due au vêlage est supérieure au gain du bilan de masse en surface. La masse du Groenland perdrait ainsi environ 200 Gt / an.
Eh oui, le Groenland « perdrait ainsi environ 200 Gt / an », alors pourquoi inclure cette information dans un chapitre qui titre trompeusement en très gros « La calotte glaciaire du Groenland a encore gagné environ 500 gigatonnes » ? Poser la question c'est y répondre, je n'en dirai donc pas plus.

En réalité, si l'on va consulter le site Danois polarportal.dk qui est particulièrement concerné par le Groenland qui, rappelons-le, appartient (toujours) au Danemark, nous nous apercevons que la perte de glace a été de...234 km3 d'eau par an sur la période 2003-2011 :
[…] during the period 2003-2011 the Greenland Ice Sheet has lost 234 km3 of water per year, corresponding to an annual contribution to the mean increase in sea level of 0.65 mm (Barletta et al. (2013). 
[…] Sur la période 2003-2011, l'inlandsis du Groenland a perdu 234 km3 d'eau par an, ce qui correspond à une contribution annuelle à l'augmentation moyenne du niveau de la mer de 0,65 mm (Barletta et al. (2013).
Mais de 2002 à 2017 la contribution à la hausse des mers a semble-t-il été de 10 mm au total si l'on en croit ce tableau issu de l'organisme danois :

Perte de masse en glace du Groenland et sa contribution à la hausse du niveau des mers.

Comme 1 Gt est équivalent à 1 km3 de glace, nous voyons que même les 200 Gt / an mentionnés par nos climato-irréalistes sous-estiment sensiblement ce qui se passe dans la « réalité ».

Une carte nous montre par ailleurs que si le centre du Groenland gagne effectivement de la glace, l'ile en perd bien davantage par ses glaciers qui se jettent dans la mer :

Carte du Groenland avec les régions qui gagnent (bien peu) et celles qui perdent (beaucoup) de glace.

Le plus comique (si l'on veut) c'est quand on voit que notre site climato-infraréaliste fait référence au DMI :
[…] comme le montre (sic) les courbes suivantes établies par le DMI (Danish Meteorological Institute).
Et de montrer les courbes ci-après :

En haut: la contribution quotidienne totale au bilan de masse de surface de la calotte glaciaire (ligne bleue, Gt / jour). En bas: le bilan de masse accumulé en surface du 1er septembre à aujourd’hui (ligne bleue, Gt) du 01/09/2017 au 31/08/2018
Et c'est sous ces courbes (probablement bien réelles) que notre journaliste en papier mâché, le dénommé Usbek, mentionne son petit bémol :
A noter cependant que la perte due au vêlage est supérieure au gain du bilan de masse en surface. La masse du Groenland perdrait ainsi environ 200 Gt / an.
Ben voyons, comme si le lecteur lambda de ce genre de site (en général le même que celui qui fréquente Skyfall et a également un abonnement chez Contrepoints) allait lire (et/ou comprendre) ce petit ajout somme toute assez insignifiant, n'est-ce pas ?


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