jeudi 28 février 2019

Les éoliennes du Merdelou depuis Brusque

Ce mercredi 27 février je me suis dit que je pourrais aller me balader en T-shirt à 1100 mètres d'altitude, pourquoi pas ?

 Non je rigole, je ne m'y attendais vraiment pas et j'avais prévu, en plus du T-shirt susmentionné, deux couches supplémentaires constituées de vestes polaires légères, cependant j'ai bien dû me rendre à l'évidence, la montée au Merdelou m'a forcé à enlever ces dernières pour terminer ma randonnée au point culminant, à 1100 mètres donc, et en plein hiver s'il vous plait !

 Mais il est vrai que la météo avait bien prévu que ce mercredi serait la journée la plus chaude de la semaine et c'est bien pour cela que j'ai décidé d'aller faire cette balade.

 Le nom de Merdelou n'a pas l'origine à laquelle vous pensez certainement à première vue, il viendrait de l'occitan merdellon qui signifie « mer de loin » (mar de lonh) puisque parait-il on peut voir la Méditerranée par temps très clair ; mais un certain Alain Nouvel conteste cette origine en prétendant que ce nom désignerait plutôt un mont d'où émaneraient de nombreux cours d'eau… Bref on s'en fiche un peu sachant que pour voir la Méditerranée il faut se lever tôt et avoir beaucoup de chance, car depuis le sommet et à l'aide des deux tables d'orientation qui y ont été bâties on a peine à imaginer comment on peut apercevoir le moindre bout de mer, en tout cas ce mercredi-là je n'ai vu au loin que de la brume...de beau temps !

 Notre balade du jour n'est pas tirée du même livre que la précédente, même si elle se déroule pas très loin à vol d'oiseau, il s'agit aujourd'hui de L'Aveyron à pied, petite randonnée (PR) n°48 aux pages 116-117 ; voici le circuit effectué d'après mon GPS :

Données GPS en sélectionnant la carte avec relief.
Le topo-guide mentionne que cette balade est « difficile » avec les caractéristiques suivantes :
  • durée : 5 heures ;
  • distance : 15 kilomètres ; 
  • dénivelée : de 435m au plus bas à 985m au plus haut ;
Voici maintenant mes statistiques selon des critères différents :

Données GPS avec altitude, distance et température.
Données GPS avec altitude, durée et vitesse.
Pour résumer :
  • distance : un peu plus de 18 kilomètres ;
  • durée : près de 5 heures et demie (à noter que mon GPS est toujours à l'heure d'été) ;
  • dénivelée : un peu plus de 600m entre le point bas et le point haut ;
  • température : de 14 à 22°C environ (à prendre toujours avec des pincettes)
 La durée mentionnée par le topo-guide ne comprend de toute évidence pas le trajet aller-retour vers le sommet du Merdelou qui m'a demandé à peu près une heure (pause casse-croute comprise), donc les 5 heures sont correctes si l'on se contente d'effectuer le parcours sans cette « petite » variante qui s'avère pas si paisible que ça…

 Voyons maintenant un peu en quoi consiste ce circuit qui, sans être vraiment « difficile », n'est pas à mettre entre toutes les chaussures de marche.

Panneau indicateur sur la place de l'Eglise à Brusque.

 Notre balade figure au milieu et en haut, juste au-dessus de la grande carte, et a pour titre « Sentier crêtes et vallée du Dourdou », le Dourdou étant la rivière qui passe à Brusque.

Brusque et sa rivière, le Dourdou, point de départ de la randonnée.
 A ce moment il est un peu plus de dix heures du matin et la température est déjà clémente…

Peu après le départ on tombe sur cette information.

Panneau mentionnant la mine de Brusque.
 Pour ceux qui seraient éventuellement intéressés, voici un document qui donne des détails en long, en large et peut-être en travers sur la mine de Brusque, je vous laisse déguster tranquillement.

Peu après le départ de Brusque.
 Je ne suis pas géologue mais il me semble qu'ici nous avons affaire à une cluse (ou clue), la rivière Dourdou ayant manifestement entaillé la montagne qui formait ici un anticlinal.

La grotte des Baumes.
 Cette grotte est appelée dans le topo-guide la grotte Notre-Dame, mais son nom est bien la grotte des Baumes ou de la Baume ; ce qui est cocasse c'est qu'une baume, ou balme, est une grotte peu profonde, la traduction littérale est donc la grotte de la grotte peu profonde !

 On remarquera aussi qu'il n'y a pas que les hommes préhistoriques qui colonisaient ce genre d'endroit en y apposant leur marque sous forme de peintures rupestres, d'autres bien plus tard ont jugé qu'y placer des signes extérieurs de religiosité pouvait attirer du monde et les gagner à leur cause, c'étaient les formes primitives de la propagande, laquelle s'est bien perfectionnée depuis ces époques plus ou moins lointaines.

Mais un peu plus loin les hommes s'emploient à creuser une sorte de grotte à ciel ouvert…

La carrière Guipal avec en avant-plan l'élevage de truites du Dourdou.
 Cette carrière, exploitée par la société Guipal, extrait apparemment du calcaire (et peut-être d'autres matériaux) et a obtenu l'autorisation par arrêt préfectoral d'exploiter les lieux jusqu'en 2020 ; je n'ai par contre trouvé aucune information concernant « Les truites du Dourdou », cette entreprise d'élevage de truites farios qui prospère à un jet de pierre de la carrière ; je n'ai aucune idée des interactions entre la carrière et l'élevage de truites, on va dire dans le doute qu'il n'y en a pas et que tout se passe bien...

La carrière vue d'un peu plus loin.
 En s'éloignant de la carrière on peut mieux se rendre compte du nuage qui l'enveloppe, mais on n'en déduira pas forcément qu'il y a le moindre risque pour les truites d'élevage (c'est bien connu, les poussières en suspension n'ont aucun effet sur la santé d'aucun organisme vivant, restons optimistes que diable !)

 Après un parcours effectué en sous-bois en longeant le Dourdou et la route un peu plus bas, nous arrivons au hameau de Castel-Nouvel, que l'on peut traduire par Château-Neuf sans trop de risque de se tromper !

Castel-Nouvel sous le parc d'éoliennes de Merdelou-Fontanelle.
 En continuant sur la route départementale (un tronçon peu agréable mais heureusement assez court) on passe devant cette grosse bâtisse qui offre des possibilités de logement (je vous laisse noter les coordonnées téléphoniques)

Le Mas des Fontaines.
 Mais cette portion de route est vite derrière nous, et nous voilà en train de monter dans une « bouissière », mot inconnu de moi jusque là, qui signifie un lieu planté de buis denses comme expliqué sur ce site.

Le chemin monte dans la bouissière.
 A mon avis la pyrale du buis est déjà passée par là étant donné l'état de santé de la végétation qui parait particulièrement clairsemée (mais je n'ai pas eu la présence d'esprit de vérifier sur le moment, donc je ne peux pas être catégorique)

Plus haut nous passons devant une autre ancienne mine située dans un aven mentionné sur la carte.

La mine antique de Bouco-Payrol.
 Le chemin passe à côté de ce panneau indicateur, mais on ne voit pas très bien comment accéder à cette mine (et à l'aven correspondant), cependant comme ce n'est pas le but de notre balade on ne s'en formalisera pas ; le cuivre était donc le matériau principalement exploité comme expliqué ici :
Les recherches conduites par notre équipe depuis de nombreuses années dans cette partie de la bordure méridionale du Massif Central permettent de confirmer aujourd'hui l'existence de vestiges de mines de cuivre préhistoriques à Bouco-Payrol et de compléter les observations antérieures.
Dans un rayon de 200m autour du sommet de la montagne d'Ouyre (communes de Camarès et de Brusque), une douzaine de vestiges, tranchées et haldes, a été découverte (B.Léchelon, 1993). Chaque chantier est marqué au sol par une forte densité d'outils en pierre dont la présence confirme l'exploitation ancienne du gisement.
 En parvenant sur la crête, avant d'arriver dans la forêt et d'attaquer le plat de résistance, quelques conifères montrent des signes du réchauffement climatique, les mêmes que ceux déjà constatés chez moi dans mon jardin, avec de magnifiques cocons de chenilles processionnaires, dont celui-ci particulièrement haut-perché !

Cocon de chenille processionnaire au sommet d'un pin.
 Je signale qu'ici nous sommes pas loin des mille mètres d'altitude ; le site encyclopedie-environnement nous explique notamment :
Le réchauffement hivernal affectant les zones septentrionales et de montagne a largement réduit les risques de mortalité, permettant ainsi aux populations de processionnaires de coloniser des zones préalablement défavorables et d’étendre leur distribution en latitude comme en altitude. 
[L']expansion dans le Bassin Parisien a été concomitante à une augmentation moyenne de la température hivernale de 1,1°C. La même expansion a été observée dans les autres régions septentrionales françaises et en altitude (Alpes, Pyrénées, Massif Central) comme le montre la cartographie géo-référencée du mouvement des fronts d’expansion jusqu’en 2016 (Figure 2). Des phénomènes analogues ont été observés sur l’ensemble de l’Europe du sud, de la Bretagne à la Turquie [4] (Figure 3).
Mais je parlais de plat de résistance et le voici qui pointe le bout de son nez :

Bifurcation : à gauche la voie normale, à droite la variante.
 A cet endroit vous avez le choix : soit le chemin de gauche, tranquille, qui vous ramènera à Brusque par la piste forestière de Thérondels, soit le coupe-feu de droite qui monte directement dans la pente sans s'embarrasser de lacets inutiles, à vous de voir.

Le panneau situé à l'embranchement me laissa un instant perplexe.

Panneau indicateur à déchiffrer...
 C'est la première fois que je vois un panneau qui m'indique un itinéraire « à interdire », en principe le parcours est soit autorisé soit interdit, mais « à interdire », là ils ont fait fort ! Alors j'ai fait ce que je ne fais jamais en randonnée, j'ai dégainé mon portable et j'ai tapé sur Google « le Merdelou parcours interdit » et c'est là que j'ai obtenu cette réponse en premier résultat de recherche :
[…] parc de 12 éoliennes.
Visite libre et gratuite
Ouf, j'étais rassuré, oui car j'avais un doute sur la possibilité d'accéder au site, mon topo-guide ne mentionnant aucun parc d'éolienne et ayant de toute évidence été écrit avant l'installation de ces 12 éoliennes au début des années 2000 ; La dépêche nous narrait à l'époque les aléas de cette implantation, un « homme qui dérange » s'y étant à l'époque opposé car, disait-il, « [o]n est venu abimer l'un des plus beaux sites du Sud-Aveyron où je développe mon activité touristique » ; personnellement je ne vois pas en quoi l'activité touristique du coin a été dérangée par ces éoliennes, de nombreux vététistes parcourant les lieux avec les randonneurs à pied comme moi ; le site est effectivement « libre d'accès » et même si les bulldozers ont quelque peu malmené le terrain on verra plus loin que cela n'empêche pas d'apprécier le paysage.

En attendant de visiter ces fameuses éoliennes il faut d'abord accéder à leur emplacement, et ce n'est pas de la tarte !

Sur le coupe-feu qui monte vers les crêtes.
 Comme on peut le constater d'après la longueur de l'ombre portée de ma modeste personne, la pente ici est, comment dire, plutôt accentuée, pour ne pas dire abrupte, raidasse ou...brusque !

Mais l'effort finit par payer et on arrive bientôt au but.

La fin du coupe-feu et l'arrivée sur la crête avec ses éoliennes.
 La crête a été remodelée suite au passage des engins de chantier et aujourd'hui l'ancien sentier s'est transformé en autoroute à randonneurs.

La crête avec le Merdelou au fond.
 Pas de problème pour trouver son chemin, il suffit de suivre les moulins à vent qui font finalement peu de bruit, les avions à 10 kilomètres d'altitude arrivant à couvrir avec leurs réacteurs le bruissement des pales qui tournent pourtant à pleine vitesse.

Match éolienne-avion à réaction, qui fait le plus de bruit ?
 En contrebas la carrière de calcaire montre toute son ampleur.

La carrière devant laquelle nous passons peu après le départ.
 Au bout de la crête il faut laisser la large piste pour emprunter un autre chemin raide menant au Merdelou.

Vue arrière depuis la montée vers le Merdelou.
 Après une courte mais rude montée voici enfin la récompense, une borne encadrée par deux tables d'orientation.

Le sommet du Merdelou, à mille cent mètres et une dizaine de brouettes.
 Arrivé ici en T-shirt, comme expliqué au début, je prends quelques photos pendant deux ou trois minutes puis me couvre de mes deux polaires, le vent à cette altitude ayant une fraicheur qui n'est pas que relative (nous sommes quand même au mois de février à plus de mille mètres d'altitude, ne l'oublions pas !), et je prends le temps de manger afin de préparer la descente (je n'ai strictement rien ingéré depuis mon départ…)

Pour revenir sur Brusque ce n'est pas compliqué, on suit depuis le sommet le même chemin qu'à la montée jusqu'à un croisement qu'on ne peut pas manquer, on oblique alors sur la droite et on se retrouve sur un autre coupe-feu (le petit frère de celui de la montée) qui plonge dans la vallée.

Le coupe-feu de la descente, à vous couper surtout les jambes !
 La rupture de pente bien visible sur la photo montre le caractère pentu du chemin qui nous ramène à la civilisation…

Plus bas, dans le lointain, on aperçoit la destination finale qu'il va falloir gagner (dans tous les sens du terme)

Brusque au fond de la vallée ; l'entrée dans le village se fera par la tour située à gauche.
 On peut même admirer le panorama qui embrasse le village ainsi que la carrière de calcaire.

Panorama depuis la descente vers Brusque.
 J'ai triché en évitant la dernière partie du coupe-feu/jambes et en empruntant la piste forestière, voici l'endroit où j'aurais dû atterrir.

Jonction entre le sentier des crêtes et la piste forestière.
 Bientôt on arrive au col des Ayres, à 634 mètres d'altitude.

Le col des Ayres.
 Et enfin, l'entrée dans le village de Brusque au pied de la vieille tour.

La tour du château de Brusque.
Il ne reste plus à partir de là qu'à parcourir les étroites ruelles pavées pendant une centaine de mètres pour retrouver la voiture au pied de l'église.

Une belle randonnée sportive à réserver aux gens capables de faire abstraction des méchantes éoliennes censées abimer le paysage mais possédant aussi de solides mollets, ce qui n'est pas incompatible.


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