jeudi 26 décembre 2019

L'Australie du réel et l'Australie du déni

Les années se suivent et se ressemblent, mais en pire !

Il y a presque un an, en janvier de cette année, dans L'Australie, ou ce qui nous attend ?, avec un point d'interrogation que l'on pourrait aisément remplacer par un point d'exclamation, je faisais état des nombreux records de température qui étaient alors tombés comme des mouches, mais en cette fin d'année 2019 on nous parle encore de records battus pour l'été austral dans cette partie du monde qui semble si éloignée de nous.

Le dernier rapport du Climate Council mis en place en Australie est sans ambiguïté, on peut y lire, concernant les vagues de chaleurs (pages 10 et 11) :
  1. Le nombre de jours de canicule augmente ;
  2. Les canicules sont plus fréquentes ;
  3. La durée de la plus longue canicule annuelle augmente ;
  4. La première canicule de la saison se produit plus tôt ;
  5. Le jour le plus chaud d'une canicule est de plus en plus chaud.
A l'appui de ces quelques informations un tableau nous est présenté page 12 :
r de chaleur excessive (Nairn et Fawcett 2013 ; Perkins et Alexander 2013). Toutes les statistiques sont arrondies au nombre entier le plus proche. La première colonne pour chaque caractéristique est pour la période 1950-1980 et la deuxième pour la période 1981-2011. Les variations de l'intensité moyenne et de l'intensité de pointe sont calculées en comparant les moyennes respectives des périodes 1950-1980 et 1981-2011. Les changements dans le calendrier sont calculés en soustrayant la date de début moyenne pendant la période 1981-2011 de celle de 1950-1980. Source : Conseil climatique 2014
 Le nombre moyen de jours de canicule, le nombre d'événements, la durée de l'événement le plus long, l'intensité moyenne de la canicule, l'intensité moyenne de la journée de pointe de la canicule et le changement dans le calendrier de la première canicule d'été pour les capitales australiennes (Perkins et Alexander 2013). Les statistiques ont été calculées à partir de l'ensemble de données de température de haute qualité ACORN-SAT pour la période 1951-2011 (Trewin 2013), en utilisant la définition du facteur de chaleur excessive (Nairn et Fawcett 2013 ; Perkins et Alexander 2013). Toutes les statistiques sont arrondies au nombre entier le plus proche. La première colonne pour chaque caractéristique est pour la période 1950-1980 et la deuxième pour la période 1981-2011. Les variations de l'intensité moyenne et de l'intensité de pointe sont calculées en comparant les moyennes respectives des périodes 1950-1980 et 1981-2011. Les changements dans le calendrier sont calculés en soustrayant la date de début moyenne pendant la période 1981-2011 de celle de 1950-1980. Source : Conseil climatique 2014

Bref quasiment tous les voyants sont au rouge ; il n'y a guère qu'à Hobart que l'on décèle une baisse dans l'intensité moyenne des canicules avec -1,5°C, partout ailleurs la température moyenne des canicules a augmenté, sauf à Darwin et à Canberra où elle est restée stable ; par contre pour l'intensité moyenne du jour le plus chaud il n'y a pas photo, cela va de +1 à +4,3°C ! Quant au premier événement caniculaire, il apparait partout plus tôt dans la saison sauf à Perth avec un petit retard de 3 jours alors qu'à Melbourne c'est 17 jours en avance !


On dit bien qu'il vaut toujours mieux prévenir que guérir, car le processus de guérison coûte davantage que celui de prévention, c'est ce que nous dit en substance l'article intitulé The growing risk of natural perils: preemptive action needed (Le risque croissant de périls naturels : une action préventive s'impose) :
Spatial data shows much of the Australian population is at risk of natural perils such as bushfires, floods, storms and tropical cyclones. Without preemptive action, these risks will continue to impact our economies, damage our homes and put lives at risk.
Les données spatiales montrent qu'une grande partie de la population australienne est exposée à des périls naturels tels que les feux de brousse, les inondations, les tempêtes et les cyclones tropicaux. Sans action préventive, ces risques continueront à avoir un impact sur nos économies, à endommager nos maisons et à mettre des vies en danger.
C'est limpide comme de l'eau de roche, et si cela ne suffit pas on nous met les points sur les i :
As a general rule, one dollar spent on mitigation can save at least two dollars in recovery costs. The Australian Government spend on mitigation measures is equivalent to three per cent of what it spends on recovery and rebuilding efforts.
En règle générale, un dollar consacré à l'atténuation peut permettre d'économiser au moins deux dollars en frais de recouvrement. Les dépenses du Gouvernement australien pour les mesures d'atténuation équivalent à 3 % de ce qu'il dépense pour les efforts de relèvement et de reconstruction.
Mais ce qui parait clair à tout être humain doté d'un cerveau en état normal de marche ne semble pas l'être pour certaines personnes qui se laissent influencer par d'excellents communicants comme Jo Nova, la blogueuse payée par l'industrie locale du charbon pour essayer de faire croire à la population que l'avenir est dans l'anthracite ; dans ABC, Climate experts do damage control on 1896 heatwave story, can’t say why, but they “know” it was cooler. Faith! elle nous parle même de foi (faith) en attribuant celle-ci aux scientifiques qui nous disent que les canicules d'aujourd'hui sont bien plus chaudes que celles des neiges d'antan !

Notre blogueuse de charme nous remémore un vieil article de 2012 dans lequel elle assurait que la canicule...de 1896 avait été bien plus mortelle (437 morts, pensez donc !) que celles que nous connaissons actuellement, faisant fi de tous les progrès accomplis dans son pays en matière de prévention et de gestion des risques, sans compter la climatisation présente dans quasiment toutes les habitations, un outil qu'auraient bien aimé avoir ses ancêtres du 19ème siècle.

Ceux qui me lisent régulièrement se rappelleront certainement mon article de juillet, La station baladeuse de Météo France, dans lequel ressortait à la surface un vieux papier australien d'août 1930 faisant état de températures record en France, pas moins de 38°C à Paris et 50°C dans la Loire !

Le 28 aout 1930 près de 38°C (100°F) à Paris et 50°C (122°F) dans la Loire (source AndyOz)

Le 28 août 1930 122°F dans la Loire, soit 50°C (source paperspast.natlib)


Un de mes lecteurs m'avait à cette occasion fourni une information nous permettant de relativiser l'importance des températures reprises sans trop de discernement par le journal australien de l'époque :
octal2 juillet 2019 à 21:35

Sinon, au lieu d'aller chercher des unes australiennes de l'époque, voici ce qu'en disait les journaux locaux, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7629522h.item
Le 28 août 1930 34°C à l'ombre à Paris (source gallica.bnf)

Si l'on résume, pour les Australiens il a fait 38°C (100°F) à Paris mais seulement 34°C à l'ombre dans la presse française !

De là à dire que les Australiens de 1930 racontaient un peu n'importe quoi il y a un petit pas que je franchis allègrement (après tout nous sommes en période de fête, non ?), alors imaginez un peu les Australiens de 1896, ceux-là mêmes dont Jo Nova reprend les informations, et vous aurez une bonne idée du sérieux avec lequel on peut prendre ce qu'elle nous raconte comme histoires.

Météo France avait d'ailleurs réagi suite aux fake news propagées en juillet :
On parle de températures élevées jusqu'à 50°C le 28 août 1930 dans des coupures de presse. À cette date, Météo-France disposait de données fiables et mesurées dans de bonnes conditions. Ce jour-là, la température la plus élevée mesurée par nos stations est de 37°C au Cap Ferret. A Lyon, on a atteint 32,8°C. Des températures nettement au-dessus des normales, qui restent toutefois très loin des 50°C annoncés.
Mais Météo France n'est pas le seul organisme public ayant un peu plus de crédibilité sur le sujet qu'une jolie blogueuse appointée par les charbonniers de son pays, le BOM (Australian Bureau of Meteorology) livre des informations sérieuses remontant à 1910 seulement, soit 14 ans après la canicule « exceptionnelle » de 1896, car avant 1910 les données n'étaient tout simplement...pas fiables !
The dataset employs the peer-reviewed and published data analysis techniques and takes advantage of 100 years of digitised observational data to provide a daily record of Australian temperatures since 1910. 
L'ensemble de données utilise des techniques d'analyse de données révisées par des pairs et publiées et tire profit de 100 ans de données d'observation numérisées pour fournir un enregistrement quotidien des températures australiennes depuis 1910.
The data is comparable through time, making adjustments for historic changes in observing practices and observing locations, which enable climates researchers to better understand long-term changes in monthly and seasonal climate, as well as changes in day-to-day weather, such as the frequency of heat and cold extremes.
Les données sont comparables dans le temps, en faisant des ajustements pour les changements historiques dans les pratiques d'observation et les lieux d'observation, ce qui permet aux chercheurs en climatologie de mieux comprendre les changements à long terme du climat mensuel et saisonnier, ainsi que les changements dans les conditions météorologiques quotidiennes, comme la fréquence des extrêmes de chaleur et de froid.
Importantly, each of the datasets described […], including ACORN-SAT version 2, show a consistent picture of warming temperatures for Australia over the past 110 years, with most of the warming occurring since the middle of the 20th century, and good agreement between the datasets over that period.
Il est important de noter que chacun des ensembles de données décrits [...], y compris la version 2 d'ACORN-SAT, donne une image cohérente du réchauffement des températures en Australie au cours des 110 dernières années, la plus grande partie du réchauffement ayant eu lieu depuis le milieu du 20e siècle, et que les ensembles de données concordent bien pour cette période.
Le site du BOM fournit la courbe des températures pour l'Australie depuis 1910 :
Anomalies de la température moyenne annuelle pour l'Australie (rouge) avec une moyenne sur 10 ans (gris clair). Les écarts sont par rapport à la moyenne de 1961-1990. (source bom.gov)

En regardant ce graphique il est difficile de s'imaginer qu'en 1896 il ait pu y avoir une canicule plus importante que celles que nous connaissons depuis quelques années dans ce pays, en effet l'importance d'une vague de chaleur est quand même un peu corrélée à la température moyenne au cours de l'année, or avec plus d'un degré de différence (sur la moyenne calculée sur 10 ans) on voit mal comment cela se pourrait.

L'explication la plus plausible est bien sûr la plus simple, les mesures effectuées avant 1910 n'étaient pas dignes de confiance, et même celles reportées en 1930, on l'a vu, étaient ridiculement erronées, on comprend alors bien mieux pourquoi le BOM a dû se livrer à des ajustements sur les données brutes.

Il y a aussi l'explication climato-sceptico-dénialiste à la mode Jo Nova, qui consiste à faire croire que les scientifiques du BOM soit n'y connaissent rien et font n'importe quoi, soit manipulent les données pour montrer un réchauffement qui selon elle n'existerait pas.

Le plus grave (ou le plus comique si l'on veut) n'est pas que Jo Nova affirme de telles choses, c'est plutôt qu'il y ait de gros benêts pour avaler les salades qu'elle leur vend avec il faut l'avouer un talent certain.

Jo Nova, la vérité les yeux dans les yeux.


5 commentaires:

  1. Réponses
    1. Il faut reconnaitre que Jo Nova est une excellente avocate des charbonniers de son pays, lesquels doivent la rémunérer à sa juste valeur qui est celle d'une communicante professionnelle qui fait le job et le fait bien.

      Evidemment ils n'ont pas choisi n'importe qui, pour avoir un minimum de crédibilité il fallait qu'elle ait une formation scientifique, même totalement étrangère au sujet du climat, et qu'en plus elle soit attrayante et cause bien devant un auditoire de vieux croutons qui doivent baver rien qu'à la voir.

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    2. Quand cette jolie Joanna Codling - au nom de scène "nova" prends ses rêves pour des réalités :
      https://www.contrepoints.org/2013/08/26/136476-le-debut-de-la-fin-du-rechauffement-climatique

      Ah ouais ?
      "Les journalistes scientifiques auraient pu en finir avec la peur du réchauffement climatique il y a des années s’ils avaient fait leur travail"
      :D

      Ouais.... Ça c'est super Nova !

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    3. Elle n'est pas la seule à prédire la fin du réchauffement climatique, mais comme elle est encore jeune les années et décennies qui viennent vont lui paraitre bien longues, cela va devenir de plus en plus compliqué pour elle et il arrivera un moment où elle fera pschitt et on n'en entendra plus parler.

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    4. A moins qu'elle gagne au loto, et, n'ayant plus besoin du pognon des industriels du pétrole, avoue qu'elle n'a fait que baratiner et mentir sciemment durant toutes ces années !
      ;)

      Ah mince, Noël est déjà passé :P

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