Le dernier billet sur Skyfall a eu au moins le mérite de m'inciter à me replonger dans la littérature sur les modèles climatiques ; j'avais déjà lu les notions de conditions initiales et « aux limites », le temps est venu de faire un point là-dessus.
Évidemment pour les adeptes de Skyfall cela n'a pas de sens, pour eux les modèles climatiques sont inutiles, et ils prennent Lorenz à témoin pour essayer de justifier leur « raisonnement ».
Seulement il existe une abondante littérature expliquant les processus en jeu, et nous commencerons par Christophe Cassou, co-auteur d'un exposé très clair, même pour un non scientifique comme moi, intitulé Qu'est-ce qu'un modèle numérique de climat ?
La première diapo (on évitera le mot slide...) dit pratiquement tout :
On voit nettement que les « conditions initiales » sont importantes pour la météo, alors que pour le climat ce sont les « conditions aux limites » qui sont prépondérantes ; on remarquera également que les conditions initiales ne s'appliquent que pour des prévisions à court-terme (100 jours maximum, ce qui est déjà beaucoup...) alors que les conditions aux limites s'appliquent pour les échéances annuelles, décennales et millénaires.
La deuxième diapo donne quelques exemples de conditions initiales prises en compte pour les prévisions météo : température, humidité, vent pour l’atmosphère ; température, salinité, courants, hauteur de la mer pour les océans :
La diapo suivante se focalise sur les conditions aux limites prises en considération pour le climat : topographie, végétation, insolation, gaz à effet de serre, températures océaniques :
La quatrième diapo montre les lois physiques, communes pour les prévisions météo et les projections climatiques, qui sont entrées dans les modèles numériques :
La cinquième diapo insiste sur la distinction météo-climat :
La dernière diapo (que je montre, il y en a bien sûr davantage dans la présentation) enfonce le clou au cas où l'on n'aurait pas bien compris :
« Au-delà du mois, les conditions initiales ne sont plus importantes...» ; de là à dire que le papillon à court terme de Lorenz peut aller se rhabiller il n'y a qu'un pas que je franchis sans problème ! Les conditions aux limites sont de toute évidence d'une tout autre nature que les conditions initiales, pour s'en convaincre voyons les autres lectures à notre disposition.
Hervé Le Treut nous explique très clairement dans un papier intitulé Évolution climatique : les modèles et leurs limites
On peut également voir cette distinction « conditions initiales et aux limites » dans cet article intitulé Quelle est la différence entre «météorologie» et «climatologie» ?
Un autre document (de Sandrine Bony, Directrice de Recherche au CNRS) nous donne des exemples de conditions aux limites :
Et voici encore un lien vers le Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement (LSCE) qui nous dit :
Mais chez Skyfall on préfère faire référence à THE HOCKEY SCHTICK (en lettres capitales s'il vous plait)
Ouh là là, c'est vrai qu'il a mal l'effet de serre.
Autres liens utiles concernant les modèles climatiques :
Évidemment pour les adeptes de Skyfall cela n'a pas de sens, pour eux les modèles climatiques sont inutiles, et ils prennent Lorenz à témoin pour essayer de justifier leur « raisonnement ».
Seulement il existe une abondante littérature expliquant les processus en jeu, et nous commencerons par Christophe Cassou, co-auteur d'un exposé très clair, même pour un non scientifique comme moi, intitulé Qu'est-ce qu'un modèle numérique de climat ?
La première diapo (on évitera le mot slide...) dit pratiquement tout :
On voit nettement que les « conditions initiales » sont importantes pour la météo, alors que pour le climat ce sont les « conditions aux limites » qui sont prépondérantes ; on remarquera également que les conditions initiales ne s'appliquent que pour des prévisions à court-terme (100 jours maximum, ce qui est déjà beaucoup...) alors que les conditions aux limites s'appliquent pour les échéances annuelles, décennales et millénaires.
La deuxième diapo donne quelques exemples de conditions initiales prises en compte pour les prévisions météo : température, humidité, vent pour l’atmosphère ; température, salinité, courants, hauteur de la mer pour les océans :
La diapo suivante se focalise sur les conditions aux limites prises en considération pour le climat : topographie, végétation, insolation, gaz à effet de serre, températures océaniques :
La quatrième diapo montre les lois physiques, communes pour les prévisions météo et les projections climatiques, qui sont entrées dans les modèles numériques :
La cinquième diapo insiste sur la distinction météo-climat :
La dernière diapo (que je montre, il y en a bien sûr davantage dans la présentation) enfonce le clou au cas où l'on n'aurait pas bien compris :
« Au-delà du mois, les conditions initiales ne sont plus importantes...» ; de là à dire que le papillon à court terme de Lorenz peut aller se rhabiller il n'y a qu'un pas que je franchis sans problème ! Les conditions aux limites sont de toute évidence d'une tout autre nature que les conditions initiales, pour s'en convaincre voyons les autres lectures à notre disposition.
Hervé Le Treut nous explique très clairement dans un papier intitulé Évolution climatique : les modèles et leurs limites
- [...] l’utilisation des modèles pour les études climatiques s’est clairement séparée du domaine de la prévision météorologique. Dans ce dernier cas les modèles sont intégrés à partir d’un état initial observé aussi réaliste que possible, et on cherche à ce que l’écoulement simulé soit le plus réaliste possible, tout au long de la simulation. On sait que cet exercice n’est possible que pour une durée de quelques jours. Mais si l’on continue au delà de cette échéance, l’intégration dans le temps du modèle climatique va l’amener à construire sa propre climatologie, c’est-à-dire sa propre statistique d’événements météorologiques et océaniques, que l’on caractérise par des moyennes, des variabilités à des échelles intra-saisonnières, saisonnières ou interannuelles, par la récurrence de situations extrêmes. Ce climat simulé reflète l’impact sur l’écoulement de facteurs tels que l’ensoleillement, les gaz à effet de serre ou la rotation de la Terre, mais il est indépendant des conditions atmosphériques de départ, qui sont oubliées après quelques jours de simulation ; il dépend partiellement des conditions océaniques initiales, ce qui pose un problème, car on les connaît mal.
- ainsi ce qu'il faut retenir :
- météo => état initial aussi réaliste que possible => durée de quelques jours seulement = conditions initiales
- climat => moyennes, échelles de temps plus longues, ensoleillement, gaz à effet de serre, rotation de la terre, tout cela indépendant des conditions atmosphériques de départ = conditions aux limites
- Dans la démarche des modélisateurs on est ainsi passé d’une démarche purement académique destinée à bien comprendre le fonctionnement de notre environnement, à une approche plus large, nécessaire pour argumenter la prise de décisions. La complexité du monde naturel fixe des limites à cet exercice, mais elle indique aussi que nous ne serons probablement jamais en mesure de contrôler l’évolution de notre planète, si elle commence à nous échapper.
On peut également voir cette distinction « conditions initiales et aux limites » dans cet article intitulé Quelle est la différence entre «météorologie» et «climatologie» ?
- Pour les modélisateurs les simulations de l'évolution du temps (ou des phénomènes météorologiques) se différencient des simulations de l'évolution du climat par le jeu des "conditions initiales" et des "conditions aux limites". L'état de l'atmosphère observée à un instant donné sera pris comme l'état (ou condition) initial du système atmosphérique pour un modèle numérique qui calculera son évolution au cours du temps et fera ainsi une prévision météorologique. Notons que ces calculs s'appliquent à un système physique qui déborde un peu au-delà de l'atmosphère puisque un tel modèle «météorologique» doit obligatoirement simuler l'évolution de la température et de l'humidité des surfaces continentales qui, sur quelques heures ou quelques jours, sont des variables qui varient très vite (souvent plus vite que les températures atmosphériques elles-mêmes). On est là dans le domaine de la prévision du temps et de la météorologie. Mais pour cela le modèle devra cependant fixer l'état de la plupart des milieux extérieurs à l'atmosphère, comme l'océan et sa température de surface, la végétation, la composition des sols, etc..., qui l'encadrent et conditionnent son état moyen; ce sont les "conditions aux limites" du système météorologique. Dans une simulation du seul système météorologique, les "conditions aux limites" sont invariantes et fixées.
- Mais on sait que la prévision météorologique n'a plus de sens au bout d'une dizaine de jours car l'atmosphère, système physique chaotique, possède la propriété d' "oublier" rapidement ses conditions initiales. Ce sont alors ses "conditions aux limites" qui prennent de l'importance et qui déterminent l'état statistique moyen de l'atmosphère : son climat. On est là dans le domaine de la modélisation climatique et de la climatologie. Notons enfin qu'il n'y a pas de différence fondamentale entre un modèle de prévision météorologique et un modèle de simulation climatique même si la mise en œuvre pratique des calculs est très différente. Ce sont les mêmes lois physiques et les mêmes équations qui y pilotent l'évolution de l'atmosphère. Simplement, dans les modèles météorologiques, il y a beaucoup de variables d'état du système qui sont des conditions aux limites fixes, et qui deviennent une partie des conditions initiales (donc évoluant dans le temps) dans le même modèle étendu au système climatique.
Un autre document (de Sandrine Bony, Directrice de Recherche au CNRS) nous donne des exemples de conditions aux limites :
- conditions aux limites (e.g. relief, orbite, constante solaire, CO2)
Et voici encore un lien vers le Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement (LSCE) qui nous dit :
- Pour simuler des climats différents de l’actuel, nous procédons en général par modification des conditions aux limites des modèles des fluides atmosphériques et océaniques et des forçages tels que les caractéristiques de l’énergie reçue du soleil, la teneur en gaz à effet de serre.
Mais chez Skyfall on préfère faire référence à THE HOCKEY SCHTICK (en lettres capitales s'il vous plait)
Ouh là là, c'est vrai qu'il a mal l'effet de serre.
*****
Autres liens utiles concernant les modèles climatiques :
- http://thema.univ-fcomte.fr/theoq/pdf/2011/TQ2011%20ARTICLE%201.pdf
- http://acces.ens-lyon.fr/acces/terre/paleo/modeles/edgcm-outil-de-modelisation-climatique/comprendre-la-modelisation-du-climat
- https://www.eccorev.fr/IMG/pdf/moron_mod2010.pdf
- http://climatologie.u-bourgogne.fr/perso/bpohl/Resources_files/Modelisation_HD.pdf
- http://www.climat-en-questions.fr/reponse/fonctionnement-climat/meteorologie-climatologie-par-jean-pailleux
- http://www.otmed.fr/IMG/pdf/Boucher_Scenarios_climatiques.pdf
- etc.
A propos de modèles, j'adore cette vidéo.
RépondreSupprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=1AqLZkwlOxw
Merci pour le lien que je ne connaissais pas, c'est très intéressant effectivement, dommage que la présentation soit un peu trop "statique" et ennuyeuse, ce genre d'information devrait être fournie par des professionnels du spectacle tels que Monckton ou Courtillot (je plaisante bien sûr, quoique...)
SupprimerJe vois que d'autres vidéos sont disponibles à partir du même site, par exemple celle-ci sur les scénarios (https://www.youtube.com/watch?v=3ATgMqjPoO0) ou celle-là sur les ruptures et irréversibilités (https://www.youtube.com/watch?v=388sDBIIef4)
C'est en regardant ces vidéos qu'on se rend compte que les climatorigolos sont totalement à la rue... Manivelle en tête.
SupprimerOui mais les climatorigolos ne regarderont jamais ce genre de vidéos, ou bien ce sera pour s'en moquer en se concentrant sur la mauvaise qualité de la présentation (il faut reconnaitre qu'il y a de gros progrès à faire par rapport à ce que l'on peut voir chez les américains par exemple ; une exception française : https://youtu.be/ZOR8RUoFhI8)
SupprimerVous avez raison mais ces gens sont avant tout des scientifiques compétents, à comparer avec Rittaud qui n'est pas meilleur pour raconter ses conneries..
RépondreSupprimerRobert
Pour Rittaud je suis entièrement d'accord, non seulement il raconte des fadaises sur le climat mais en plus il est piètre orateur, il faut espérer qu'il soit plus convaincant quand il donne ses cours de maths.
Supprimer