vendredi 7 décembre 2018

Les climatologues américains s'organisent contre les attaques dont ils font l'objet - L'exemple de Justin Lancaster

Le site realclimate rappelle à ses lecteurs, par la « voix » de Lauren Kurtz, que les climatologues américains disposent depuis 2011 d'un « outil » leur permettant de se défendre contre les attaques provenant de l'« anti-science », comprendre bien entendu des climatosceptiques toujours prompts à dénigrer les travaux portant sur le climat et n'allant pas dans le sens de leurs donneurs d'ordres.

Lauren Kurtz est directrice exécutive de l'organisation CSLDF (Climate Science Legal Defense Fund) dont la mission est
[to] protect[] the scientific endeavor by providing support and resources to scientists who are threatened, harassed or attacked for doing their jobs.
[de] protéger l'effort scientifique en fournissant un soutien et des ressources aux scientifiques menacés, harcelés ou attaqués pour avoir accompli leur travail.
On apprend que la création de cet organisme est liée aux attaques indignes dont Michael Mann a été l'objet pour simplement avoir fait son travail :
The Climate Science Legal Defense Fund was established in 2011 by Scott Mandia, Joshua Wolfe, and Charles Zeller. The group came together in response to increasing legal attacks on climate scientists and the immediate need to help defray the legal costs of an ideologically motivated lawsuit against the University of Virginia and atmospheric scientist Dr. Michael Mann.
Le fonds Climate Science Legal Defence Fund a été créé en 2011 par Scott Mandia, Joshua Wolfe et Charles Zeller. Le groupe s'est réuni pour faire face aux attaques légales croissantes contre les climatologues et à la nécessité immédiate d'aider à couvrir les coûts juridiques d'un procès pour motif idéologique intenté contre l'Université de Virginie et le scientifique atmosphérique Michael Mann.
Cela me fait penser à SOS femmes battues, la démarche est sensiblement identique même si on ne peut pas comparer un climatologue harcelé par un politicien véreux avec une femme violentée par son conjoint ou par quelque autre individu, cependant dans les deux cas ces personnes ont besoin d'une aide qu'elles ne trouvent pas toujours facilement et peuvent subir des conséquences fortement dommageables sur leur vie tant professionnelle que personnelle.

Les attaques contre les scientifiques ne datent pas d'aujourd'hui ni d'hier, il suffit de se remémorer l'« affaire » Justin Lancaster.

Justin Lancaster fut l'assistant de Roger Revelle, un éminent scientifique dont les vues sur le réchauffement climatique furent, vers la fin de sa vie, très largement déformées par Fred Singer (voir ossfoundation pour les détails, mais on peut aussi consulter rabett ainsi que scepticwatch, entre autres) ; pour faire court, Singer prétendit que Revelle était d'accord avec lui (pour nier la réalité et/ou la dangerosité du réchauffement climatique) en publiant un papier dans lequel Revelle était mentionné, malheureusement ce dernier fut victime d'une crise cardiaque qui l'emporta en juillet 1991 et il ne put donc pas contester quoi que ce soit… Ce qui fait qu'un an après un certain Gregg Easterbrook pouvait clamer 
[Before] his death last year, Revelle published a paper that concludes,
[The] scientific base for a greenhouse warming is too uncertain to justify drastic action at this time. (New Republic, July 1992)
[Avant] sa mort l'année dernière, Revelle a publié un article qui conclut que
la base scientifique du réchauffement climatique est trop incertaine pour justifier une action drastique à ce stade. (Nouvelle République, juillet 1992)
C'est ici qu'intervint Justin Lancaster, bien placé pour savoir que cela ne reposait sur rien de crédible, qui contesta donc la véracité des dires d'Easterbrook :
Lancaster and his thesis advisor, Dave Keeling, wrote a letter to the New Republic challenging the Easterbrook article, but it was never published. …
Lancaster et son directeur de thèse, Dave Keeling, ont écrit une lettre à New Republic pour contester l'article de Easterbrook, mais celui-ci n'a jamais été publié. …
Bref, Singer ne trouva au final rien de mieux à faire que de trainer Lancaster devant les tribunaux :
Singer denied having pressured Revelle, insisting that the Cosmos paper was based on Revelle's AAAS paper, and he attacked Munk and Lancaster for their "politically inspired misrepresentations." 
Singer a nié avoir exercé des pressions sur Revelle, insistant sur le fait que le papier de Cosmos était basé sur le papier de AAAS de Revelle, et il a attaqué Munk et Lancaster pour leurs "fausses déclarations inspirées par la politique".
Mais voilà, Lancaster était un jeune chercheur face à un vieux roublard aux poches bien remplies et aux appuis industriels sans faille :
Lancaster had little money and fewer resources, but he tried to fight Singer, insisting that the facts were on his side.
Lancaster avait peu d’argent et peu de ressources, mais il tenta de lutter contre Singer, insistant sur le fait que les faits étaient de son côté.
Las ! le principe de réalité prévaut toujours, et…
Singer's pockets were deeper than Lancaster's, and in 1994, Lancaster accepted a settlement that forced him to retract his claim that Revelle hadn't really been a coauthor, put him under a ten-year gag order, and sealed all the court documents. …
Les poches de Singer étaient plus profondes que celles de Lancaster. En 1994, Lancaster accepta un règlement l'obligeant à rétracter son affirmation que Revelle n'était pas vraiment un coauteur, le condamna à une injonction de silence de dix ans et scella tous les documents du tribunal. …
C'est comme cela que ça marche en Amérique, si vous n'avez pas d'argent vous pouvez toujours essayer de vous défendre, même si vous êtes dans votre bon droit les frais divers liés au procès seront tels que vous ne pourrez pas tenir face à un truand qui a les poches pleines et pourra faire durer le litige le temps qu'il faudra pour vous mettre à genoux ; à la réflexion je ne suis pas sûr que cela fonctionne différemment en France, mais c'est moins voyant…

On se plait donc à imaginer qu'un organisme tel que le CSLDF ait existé à l'époque, soit vingt ans avant sa création en 2011, et quelles auraient alors été les conséquences sur le procès intenté par Singer à l'encontre de Lancaster.

Ce dernier n'a bien sûr pas renié ce qu'il affirmait à l'époque, et dans A note about Roger Revelle, Justin Lancaster and Fred Singer il exprimait en 2014 ce qu'il ressentait :
Fred Singer is the most unethical scientist, in my opinion, that I have ever met. I said so in the early 1990s, publicly, and I am still confident in the truth of this statement.
Fred Singer est le scientifique le plus immoral (ou malhonnête) que je connaisse. Je l'ai dit publiquement au début des années 90 et je suis toujours confiant dans la véracité de cette déclaration.
C'est bien pour cela qu'il est impératif que les scientifiques puissent se battre à armes égales avec les charlatans et lobbyistes qui les accusent et les menacent de la moindre action judicaire.

Evidemment le CSLDF n'est pas là pour défendre les climatologues quand des contrevérités sont proférées sur internet, dans un journal ou dans un livre, pour cela il y a des sites comme climatefeedback, et c'est déjà pas si mal que ça.


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