mardi 15 août 2017

Il parait que je fais du cherry-picking...

Mon billet intitulé Il parait qu'il va faire froid... a fait l'objet de commentaires déplacés en me faisant un procès d'intention injustifié :
  • Anonyme 11 août 2017 à 13:23 Un bel exemple d'article cherry-picking ... [...] C'est etrange aussi que vous ne parliez pas du record de .. froid battu par le Groenland au cours de juillet : -33 degC !!! [...]
Je ne cite pas le reste du commentaire, ne voulant pas perdre inutilement mon temps, je soulignerai seulement que mon article était focalisé sur les Etats-Unis, avec un coup de projecteur spécial sur l'Alaska, tout simplement parce que j'avais deux informations sur les Etats-Unis que je voulais partager, je ne vois donc pas pourquoi j'aurais évoqué le Groenland qui, à ma connaissance, ne fait pas (encore) partie des Etats-Unis ; ainsi c'est mon commentateur lui-même qui se livre à un stupide exercice de cherry-picking en me signalant ce record de froid au Groenland qui était hors-sujet ; il aurait pu choisir un autre endroit de la planète où il a fait anormalement froid, ou au contraire bien d'autres où il a fait anormalement chaud, de toute façon cela aurait été hors de propos et de contexte ; je n'avais pas vraiment besoin des statistiques américaines pour "prouver" que la Terre se réchauffe, c'est déjà fait par ailleurs, ce que l'on va pouvoir constater.

A partir des données giss.nasa j'ai sélectionné plusieurs paramètres me donnant les planisphères correspondant aux années 2011 à 2016 ainsi qu'à la période avril-juin 2017 ; les "anomalies" de températures sont mentionnées en référence à la période par défaut 1951-1980 (mais cette période de référence peut être modifiée à volonté, ne changeant pas les conclusions que l'on peut tirer de chaque carte ; si l'on prenait 1987-2016 il y aurait moins de rouge et à peine un peu plus de bleu, et si l'on choisissait 1881-1910 on se retrouverait avec beaucoup plus de rouge et de marron et quasiment plus de bleu, essentiellement au sud du Groenland en choisissant l'année 2016... ) ; voici les cartes par ordre chronologique inversé.


Pour cette période récente l'Alaska est clairement en surchauffe et le Groenland en "déficit de chaleur" ; l'Europe du sud souffre également avec le Maghreb, par contre la Scandinavie et les pays Baltes ont un coup de froid ; l'Antarctique, lui, est partagé entre deux zones, l'une froide et l'autre chaude (quand je dis "froid" ou "chaud" c'est bien évidemment tout relatif) ; l'anomalie globale est de 0,82°C.


Sur l'année 2016 dans sa globalité l'Arctique a été très, très chaud, l'Antarctique, lui, a été partagé en trois zones allant du froid au chaud de l'est vers l'ouest (toujours relativiser le "chaud" et le "froid" comme dit ci-dessus) ; le nord de l'Amérique a été très chaud, tout comme le nord de l'Eurasie, et on remarque encore la zone froide au sud du Groenland ; l'anomalie globale est de près de 1°C.


En 2015 encore et toujours la zone froide au sud du Groenland ; toujours l'Amérique du nord ainsi que l'Eurasie en surchauffe prononcée alors que l'Antarctique a eu plutôt froid ; l'anomalie globale a été de 0,86°C.


En 2014 pas de surprise, le sud du Groenland était déjà froid, par contre l'Amérique du nord est partagée en deux, l'est a eu froid alors qu'à l'ouest on a plutôt transpiré ; en Antarctique c'était moitié-moitié ; l'anomalie globale était de 0,75°C.


En 2013 il n'y a pas vraiment eu de forts contrastes entre les régions du globe, on ne distingue plus la zone froide au sud du Groenland, ce qui signifie qu'elle semble s'être formée en 2014 ; l'Amérique du nord était plutôt au-dessous des normales, sans excès, alors que l'Eurasie était plutôt au-dessus, avec un ilot de chaleur en Europe centrale ; l'anomalie globale était de 0,66°C.


En 2012, année du record d'extension minimale de la banquise arctique, on voit bien que tout le nord de la planète était en surchauffe très prononcée ; aucune zone froide n'apparait au sud du Groenland et l'Antarctique avait des zones chaudes et des zones froides ; l'anomalie globale était de 0,63°C.


Enfin en 2011 (je ne suis pas allé plus loin mais vous pouvez vous y amuser si cela vous plait) on s'aperçoit que l'Arctique était déjà très chaud, ainsi que l'Antarctique qui ne conservait qu'une petite zone froide ; le reste de la planète était plutôt hétérogène en forme de patchwork ; l'anomalie globale était de 0,61°C.


Si l'on récapitule les anomalies globales de températures on obtient :
  • 2011 : 0,61
  • 2012 : 0,63 (+0,02)
  • 2013 : 0,66 (+0,03)
  • 2014 : 0,75 (+0,09)
  • 2015 : 0,86 (+0,11)
  • 2016 : 0,99 (+0,13)
  • 2017 (avril-juin) : 0,82
Même si ces chiffres sont à prendre avec quelques précautions, les marges d'erreur (ou d'incertitude) n'étant pas à négliger, il n'en reste pas moins qu'ils sont en accord avec ce que disent les climatologues quand ils parlent d'accélération du réchauffement.

Il faut également noter qu'il s'agit de températures de surface, donc plus fiables que celles issues des satellites.

Le réchauffement qui s'accélère est surtout le fait des océans plus que de l'atmosphère, comme l'a démontré Kevin Trenberth et son équipe en 2013, dans une étude intitulée Distinctive climate signals in reanalysis of global ocean heat content dont on peut tirer le graphique suivant :

OHC integrated from 0 to 300 m (grey), 700 m (blue), and total depth (violet) from ORAS4, as represented by its 5 ensemble members. The time series show monthly anomalies smoothed with a 12 month running mean, with respect to the 1958–1965 base period. Hatching extends over the range of the ensemble members and hence the spread gives a measure of the uncertainty as represented by ORAS4 (which does not cover all sources of uncertainty). The vertical colored bars indicate a 2 year interval following the volcanic eruptions with a 6 month lead (owing to the 12 month running mean), and the 1997–1998 El Niño event again with 6 months on either side. On lower right, the linear slope for a set of global heating rates (W m–2) is given.

Mais on ne peut pas vraiment dire que l'atmosphère ne se réchauffe pas ces derniers temps de manière accélérée (même si c'est moins flagrant que pour les océans) comme nous l'indique un site "pro-business" avec cette intéressante carte :


On peut bien sûr lui préférer les données de la NOAA :

Surface temperature over time
In 2016, the global surface temperature was 0.45°–0.56°C (0.8°–1.0°F) above the 1981–2010 average—a new record high, according to multiple independent datasets. NOAA Climate.gov graph adapted from Figure 2.1a in State of the Climate in 2016. 

Ou bien celles du Had-CRUT :


Ou celles du GISS :
 

Ou alors celles du RSS :


A moins que l'on ne préfère les UAH :



Où que l'on se tourne on ne peut que constater que ça monte, et que ce n'est pas particulièrement en train de décélérer.

Bon voilà, j'espère avoir satisfait mon commentateur cherry-piqueur en lui donnant un maximum d'informations, y compris certaines en provenance de climatosceptiques avérés (devinez lesquels)



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