vendredi 12 juin 2020

L'avis d'Alastair Campbell sur la gestion du covid-19


Dans mon précédent billet (voir Le jugement de Leonid Schneider sur Didier Raoult) je relatais le point de vue d'un étranger, en l'occurrence un Allemand, sur le cas Raoult qui nous fait, nous autres Français, nous diviser comme nos aïeux ont pu le faire lors de l'affaire Dreyfus.

Je trouve toujours intéressant de considérer ce que l'on peut dire de nous à l'étranger afin de relativiser un jugement qui est forcément exagérément subjectivé, tant il est vrai que l'on a tendance, tous tant que nous sommes, à ignorer l'éventuelle poutre plantée dans notre orbite oculaire qui nous fait percevoir les poutres des voisins comme de minuscules et inoffensives pailles, ou alors, à l'extrême inverse, à nous glorifier de faits supposés exceptionnels surpassant la médiocrité extérieure ; et dans la série « quand je me regarde je me désole, quand je me compare je me console », qui agirait en antidote du sentiment désolant que « l'herbe est toujours plus verte dans le jardin du voisin », un article publié dans l'Express de cette semaine a retenu toute mon attention.

Le journaliste anglais Alastair Campbell, qui a été porte-parole puis directeur de la communication et de la stratégie de Tony Blair de 1994 à 2003, nous livre sa vision des choses concernant la gestion de l'épidémie de covid-19, non seulement en Grande-Bretagne, mais aussi dans le monde entier et notamment en France.

Ce n'est que le point de vue d'un Anglais (d'origine écossaise) et je me garderais bien de porter un quelconque jugement, positif ou négatif, sur la période Blair à laquelle il a participée en tant que spin doctor, cependant comme je le juge instructif et assez proche de ce que je ressens moi-même sur le sujet de la pandémie je pense utile de partager ici quelques réflexions.

Charité bien ordonnée commençant toujours par soi-même entamons la partie d'échecs avec l'ouverture Macron, laquelle se caractérise par un certain attentisme qui sera suivi par une confusion certaine pour se terminer pas si mal que ça après tout ; en effet, Alastair Campbell donne la note de 9 sur 10 à notre (sur)estimé président, ce qui me semble un tantinet exagéré, et personnellement je lui attribuerais tout juste la moyenne avec la mention « bon élève, appliqué, mais peut mieux faire en évitant de sombrer dans un sensationnalisme facile et stérile ».

Pour donner cette note honorable Campbell se fie à une liste de 10 points qu'il a lui même inventée, et d'après lui Macron aurait failli uniquement sur le point 8 qui est le suivant :
Convaincre l'opinion publique
Okay, on lui accordera que Macron n'a pas vraiment convaincu les Français, mais a-t-il pour autant réussi les autres « approches » pour reprendre son propre terme ? Qu'en est-il par exemple du tout premier point qu'il mentionne dans sa liste :
1. Concevoir, mettre en oeuvre, mais aussi décrire une stratégie claire.
Vue d'ici il ne me semble pas que la stratégie ait vraiment bénéficié d'une limpidité phénoménale, mais encore une fois c'est « vue d'ici », et là nous avons l'avis de quelqu'un qui est « de là-bas » et n'a pas forcément la même perception de la réalité que nous.

Beaucoup plus intéressant est son commentaire sur le rôle des dirigeantEs dans le monde :
Si je passe le monde en revue, j'attribue un 10 sur 10 à Angela Merkel, en Allemagne. Plusieurs des pays qui ont le mieux réagi au Covid-19 sont gouvernés par des femmes. Tsai Ing Wen, à Taïwan, Mette Frederiksen, au Danemark, Erna Solberg, en Norvège. Et la dirigeante la plus exceptionnelle […] la Première ministre néozélandaise Jacinda Arden.
Aux yeux d'Alastair Campbell notre Macron, avec son 9 sur 10, fait donc presque jeu égal avec Merkel, par contre, comme on pouvait s'y attendre, d'autres mâles alphas sont affublés d'un score nettement moins avantageux :
Pour distinguer ceux qui s'en tirent le plus mal, il suffit de jeter un oeil sur les chiffres : les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la Russie et le Brésil occupent le haut du classement des décès. Or qu'ont donc d'autre en commun Boris Johnson, Donald Trump, Vladimir Poutine et Jair Bolsonaro, ces « quatre dirigeants du monde contaminé », comme les a baptisés le Spiegel ? Ce sont des menteurs. Ils rejettent l'avis des experts confirmés, s'entourent de béni-oui-oui et de sycophantes. »
Je suis allé voir dans le dico la définition du mot sycophante qui n'est pas utilisé très souvent (essayez de le placer à bon escient dans une discussion, vous allez voir si c'est facile) afin de m'assurer que c'était bien comme dans mes souvenirs :
À Athènes et dans quelques autres cités, dénonciateur professionnel. (source larousse)
Je dois humblement avouer que ce n'est pas exactement comme cela que je voyais le sycophante, comme quoi il est toujours utile de vérifier...

On notera au passage qu'au moins deux des autocr…, pardon, des dirigeants mentionnés ont fait la promotion de la chloroquine du professeur Raoult (un jour il faudra que je vous parle de l'ouverture Raoult, une attaque frontale qui s'affranchit de toutes les règles du jeu d'échecs considérées comme superflues et faisant perdre un temps inutile) sur les conseils de leurs béni-oui-oui respectifs.

Au sujet de Raoult d'ailleurs voici ce qu'il nous dit :
On voit désormais ce qu'est Johnson lui-même : un charlatan.
Au temps pour moi, il parlait de Boris Johnson, mais il avait peut-être en tête quelqu'un d'autre, allez savoir.

Et il termine son article sur une note joyeuse : 
Il m'en coûte de l'avouer, mais j'ai honte d'être britannique.

Vous voyez bien, l'herbe est toujours plus verte chez les voisins.


4 commentaires:

  1. Bonjour Ged,
    Juste une petite remarque de traduction : le terme sycophant a dérivé en anglais par rapport à la signification originale. Voir par exemple la page wikipedia https://en.wikipedia.org/wiki/Sycophant : "The meaning in English has changed over time, however, and came to mean an insincere flatterer." Il est utilisé régulièrement dans ce sens, même dans le langage courant, comme en témoigne ce sketch des Monty Python, The Sycophancy Show : https://www.youtube.com/watch?time_continue=219&v=r0nAbrh0pUg&feature=emb_logo
    Il n'a pas du tout pris cette acception en français, et je ne l'ai d'ailleurs jamais entendu dans un autre usage.

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    1. Merci VB pour ces précisions qui montrent qu'il faut toujours se méfier des traductions !

      Si je comprends bien Alastair Campbell a utilisé le mot sycophant signifiant flagorneur dans sa langue, l'anglais, donc il aurait dû être traduit par flagorneur ou lèche-bottes en français puisque dans cette langue (que je suis censé maitriser, hum…) un sycophante signifie toujours de nos jours un délateur (comme en grec moderne)

      On en apprend tous les jours et dès à présent je vais essayer de placer le mot sycophante dans toutes les conversations où il pourrait avoir une utilité;)

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  2. À propos de ces si jolis mots de notre belle langue française ;) ....
    Tu connais la dernière de notre sympathique poète chanteur ?
    ;)

    https://www.youtube.com/watch?v=zA2JjodD6IU
    (Les cons finis)

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    1. C'est bien mieux que du Jean-Marie Bigard, mais c'est très loin d'être du meilleur Pierre Perret.

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