Dans mon dernier billet de l'année 2018 je me moquais, à raison, d'un de mes climatosceptiques préférés qui croit que la banquise arctique se reforme et donne à l'appui de sa croyance un lien menant vers un site fantaisiste ; l'occasion pour un autre de mes favoris de faire comme à son habitude, c'est-à-dire de poster un commentaire à côté de la plaque en pensant faire un peu d'humour :
Ce billet risquant d'être plus long que d'habitude, veuillez vous faire du café (2 litres devraient suffire) et vous installer confortablement afin d'éviter les courbatures.
Tout d'abord laissez-moi vous dire que tout cela pourrait se résumer par plusieurs appréciations du style « beaucoup de bruit pour rien », ou « tempête dans un verre d'eau », ou « la montagne qui accouche d'une souris », ou… (à vous de faire preuve d'imagination et de choisir ce qui vous convient le mieux)
En effet, le billet de Science of Doom (SoD) auquel BenHague fait allusion, intitulé Opinions and Perspectives – 3 – How much CO2 will there be? And Activists in Disguise, me semble partir d'un très mauvais pied quand on lit quasiment dès le début :
Car le C de RCP signifie « concentration » et non pas « emission », autrement on aurait appelé ces scénarios des REP pour Representative Emission Pathway…
Bien sûr on va me dire que SoD parle des médias, cependant on ne note dans son billet aucune précision permettant de penser qu'il sait que l'on évoque des concentrations et non des émissions.
Pour faire court, quand on parle de RCP8.5 on vise une concentration (et non des émissions) de gaz à effet de serre (donc pas uniquement du CO2) qui en 2100 produiraient un forçage radiatif de 8,5 watts par mètre carré ; pour RCP2.6 c'est 2,6 w/m2, pour RCP4.5...bon vous avez compris le concept, pas la peine d'insister.
Or SoD semble tomber en plein dans le panneau de deux façons :
On notera que l'on parle de concentration en ppm et que pour chaque scénario cette concentration est estimée en équivalent CO2 (eq-CO2) ; par conséquent pour le RCP8.5 la concentration supérieure à 1370 ppm en 2100 ne concerne pas que le CO2, je pense utile de le préciser quand je vois la confusion qui règne dans les esprits (et notamment dans celui de SoD...)
Deuxième remarque qui a son importance, c'est que les scénarios ne sortent pas d'un chapeau de magicien, ils sont issus de la littérature scientifique, ainsi le RCP8.5 « n’est dépassé que par environ 10% des hypothèses envisagées », ce qui signifie qu'on trouve dans la littérature scientifique des scénarios encore plus pessimistes qu'un forçage radiatif de 8,5 w/m2 en 2100 !
Nous trouvons bien plus de détails dans ce papier intitulé An Overview Of CMIP5 And The Experiment Design, par exemple voici quelques extraits :
On peut voir que le forçage radiatif du scénario RCP8.5 ne s'arrête pas en 2100 à 8,5w/m2 mais qu'il continue à augmenter jusqu'à atteindre plus de 12w/m2 en 2250, alors que les autres scénarios montrent tous un plateau ; ce qui ne veut pas dire qu'il faut s'attendre à une catastrophe en 2250 mais simplement que des gens apparemment sérieux envisagent une situation dans laquelle on pourrait atteindre dans deux siècles et demi un forçage radiatif six fois plus élevé que ce qu'il est aujourd'hui.
Mais pour en revenir aux « préoccupations » de SoD qui semble s'inquiéter du fait que le scénario RCP8.5 soit considéré comme « business as usual » (ce qui, on l'a vu, relève du fantasme), on doit quand même dire qu'il est étonnant qu'il s'en émeuve aujourd'hui et semble découvrir la lune alors que Judith Curry évoquait déjà ce sujet en 2015 dans A closer look at scenario RCP8.5 où l'on pouvait lire ceci :
Pour compléter la documentation sur le sujet, sans le développer davantage, les liens suivants peuvent donner des informations instructives :
Anonyme31 décembre 2018 à 15:59Et d'ajouter peu après, comme pour me provoquer :
POur continuer á rire , il y a une magnifique serie d'articles d'un de vos sites de confiance : Science of Doom
https://scienceofdoom.com/2018/12/29/opinions-and-perspectives-3-how-much-co2-will-there-be-and-activists-in-disguise/
En particulier , il semble que l'auteur du blog partage mon opinion sur le fameux scenario RCP8.5 , totalement invraisemblable et utilisés par des activistes dans votre genre pour vendre de la peur ...
Bonne Année 2019
BenHague
Anonyme2 janvier 2019 à 00:30Comme on va le voir je ne vais avoir aucun mal à retomber sur mes pattes pour la simple raison que je ne suis pas déstabilisé le moins du monde.
Effectivement je suis impatient de voir comment vous allez retomber sur vos pattes au sujet du "scénario" RCP8.5 .... Il va, en effet, etre difficile de concilier le point de vue de Science of Doom (trés pertinent par ailleurs ..) et vos croyances extremes (ainsi que certains de vos précédents posts ou commentaires sur le dit scénario ...)
Ce billet risquant d'être plus long que d'habitude, veuillez vous faire du café (2 litres devraient suffire) et vous installer confortablement afin d'éviter les courbatures.
Tout d'abord laissez-moi vous dire que tout cela pourrait se résumer par plusieurs appréciations du style « beaucoup de bruit pour rien », ou « tempête dans un verre d'eau », ou « la montagne qui accouche d'une souris », ou… (à vous de faire preuve d'imagination et de choisir ce qui vous convient le mieux)
En effet, le billet de Science of Doom (SoD) auquel BenHague fait allusion, intitulé Opinions and Perspectives – 3 – How much CO2 will there be? And Activists in Disguise, me semble partir d'un très mauvais pied quand on lit quasiment dès le début :
Every time I have checked the papers that are behind the press release faithfully reproduced by the stenographers in the media, they are referring to a model simulation using a scenario of CO2 emissions known as RCP8.5.Ce qui est important à souligner ici c'est « scenario of CO2 emissions known as RCP8.5 », qui est à mon avis un contresens total qui m'étonne de la part de SoD qui me paraissait d'habitude plus inspiré !
Car le C de RCP signifie « concentration » et non pas « emission », autrement on aurait appelé ces scénarios des REP pour Representative Emission Pathway…
Bien sûr on va me dire que SoD parle des médias, cependant on ne note dans son billet aucune précision permettant de penser qu'il sait que l'on évoque des concentrations et non des émissions.
Pour faire court, quand on parle de RCP8.5 on vise une concentration (et non des émissions) de gaz à effet de serre (donc pas uniquement du CO2) qui en 2100 produiraient un forçage radiatif de 8,5 watts par mètre carré ; pour RCP2.6 c'est 2,6 w/m2, pour RCP4.5...bon vous avez compris le concept, pas la peine d'insister.
Or SoD semble tomber en plein dans le panneau de deux façons :
- il parle donc de scénario d'émission, se trompant grossièrement sur la signification de RCP ;
- il n'évoque dans son billet que les concentrations en CO2 en oubliant tout ce qui peut participer à un forçage radiatif et qu'on peut facilement consulter sur Wikipédia : CO2, CH4, N2O, O3, H2O, aérosols divers et variés, irradiance solaire, comme décrit dans le schéma ci-après :
Source wikimedia |
Par ailleurs il existe plusieurs phénomènes de rétroactions (feedbacks) positives ou négatives qu'il me semble devoir être prises en considération puisque ces rétroactions ont un impact sur la température, même si on ne peut pas les qualifier stricto sensu de forçages radiatifs (ainsi l'albédo qui est une rétroaction positive quand la surface englacée diminue ou la vapeur d'eau dont la concentration dans l'air augmente quand la température augmente ; quant aux nuages ils peuvent avoir un effet positif ou négatif essentiellement selon leur altitude et leur forme) ; je ne sais donc pas dans quelle mesure toutes ces rétroactions sont prises en compte dans les valeurs des RCP, le schéma ci-dessus en incluant certaines dans le forçage radiatif (si quelqu'un peut apporter des précisions sur ce sujet il est le bienvenu)
Ainsi pour arriver à un forçage radiatif de 8,5w/m2 en 2100 plusieurs scénarios d'émissions de gaz à effet de serre et de modification des phénomènes de rétroactions (qu'on est encore loin de maitriser complètement, notamment en ce qui concerne les nuages) sont possibles et imaginables, pouvant inclure une dose de « business as usual » (BaU) et d'atténuation (mitigation en anglais), sachant que le BaU signifie qu'aucune mesure d'atténuation n'est prise, ce qui est une vue de l'esprit étant donné qu'il y aura toujours, quelque part dans le monde, des mesures d'atténuation comme le développement d'énergies non carbonées (renouvelable ou nucléaire) ou l'efficacité énergétique ou le changement d'habitudes etc. ; mais, en regard de ces mesures d'atténuation il y aura ce que l'on pourrait appeler des contre-mesures d'aggravation comme par exemple le développement d'énergies carbonées dans certaines régions du monde (l'Inde et la Chine viennent tout de suite à l'esprit, mais il y en aura d'autres) ou la déforestation et de manière générale les pratiques agricoles néfastes destinées à nourrir de plus en plus de monde selon des critères « occidentaux » (notamment avec l'accroissement de la consommation de viande)
On me dira que je raconte n'importe quoi et que tout ce qui précède est sorti de mon imagination, alors regardons un peu la littérature sur le sujet.
Tout d'abord intéressons-nous à la définition même d'un scénario RCP, par exemple avec le site drias-climat :
Les scénarios RCP sont quatre scénarios de référence de l’évolution du forçage radiatif (cf. tableau ci-dessous) sur la période 2006-2300. Leur sélection a été effectuée par les scientifiques sur la base de 300 scénarios publiés dans la littérature. Le RCP 8.5, le plus pessimiste, n’est dépassé que par environ 10% des hypothèses envisagées, tandis que le plus favorable, le scénario RCP 2.6, ne dépasse que prés de 10% d’entre elles.Le RCP8.5 est donc simplement qualifié de scénario « le plus pessimiste », en aucun cas l'expression « business as usual » n'est utilisée ; en complément le site nous présente ce tableau :
Exprimé en W/m2, un forçage radiatif est un changement du bilan radiatif (différence entre le rayonnement entrant et le rayonnement sortant) au sommet de la troposphère (situé entre 10 et 16 km d’altitude), dû à un changement d’un des facteurs d’évolution du climat – comme la concentration des gaz à effet de serre (source drias-climat) |
Deuxième remarque qui a son importance, c'est que les scénarios ne sortent pas d'un chapeau de magicien, ils sont issus de la littérature scientifique, ainsi le RCP8.5 « n’est dépassé que par environ 10% des hypothèses envisagées », ce qui signifie qu'on trouve dans la littérature scientifique des scénarios encore plus pessimistes qu'un forçage radiatif de 8,5 w/m2 en 2100 !
Nous trouvons bien plus de détails dans ce papier intitulé An Overview Of CMIP5 And The Experiment Design, par exemple voici quelques extraits :
The four CMIP5 scenario runs, which provide a range of simulated climate futures (characterizing the next few decades to centuries), can be used as the basis for exploring climate change impacts and policy issues of considerable interest and relevance to society.
The AOGCMs ( atmosphere–ocean global climate models) and EMICs (Earth system models of intermediate complexity) respond to specified, time-varying concentrations of various atmospheric constituents (e.g., greenhouse gases) and include an interactive representation of the atmosphere, ocean, land, and sea ice.
They may in some cases also include interactive prognostic aerosol, chemistry, and dynamical vegetation components.
In contrast to the scenarios described in the IPCC “Special Report on Emissions Scenarios” (SRES) used for CMIP3, which did not include policy intervention, the RCPs are mitigation scenarios that assume policy actions will be taken to achieve certain emission targets. For CMIP5, four RCPs have been formulated that are based on a range of projections of future population growth, technological development, and societal responses.
[…] the radiative forcing in RCP8.5 increases throughout the twenty-first century before reaching a level of about 8.5 W m−2 at the end of the century.Ainsi nous voyons que les scénarios RCP :
- ont été conçus pour aider la « société » à prendre des décisions ;
- ne se limitent pas aux composantes de l'atmosphère comme les gaz à effet de serre mais incluent également toutes les interactions entre l'atmosphère, les océans, les continents et les surfaces glacées ;
- peuvent inclure des hypothèses concernant les aérosols, la chimie et les composantes dynamiques de la végétation ;
- sont tous des scénarios d'atténuation, par conséquent a priori incompatibles avec toute notion de « business as usual » (donc y compris le RCP8.5 !) ;
- prennent en compte différentes hypothèses relatives à l'augmentation de la population, au développement technologique et aux réponses sociétales.
Comme on peut le constater c'est « un peu plus compliqué » que cela peut apparaitre au premier abord…
Mais pour simplifier et prendre un peu de recul on pourrait se contenter de la définition de Wikipédia :
Les scénarios RCP (pour Representative Concentration Pathway) sont quatre scénarios de trajectoire du forçage radiatif jusqu'à l'horizon 23001. Ces scénarios ont été établis par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) pour son cinquième rapport, AR5 (IPCC Fifth Assessment Report (en))2.
Un scénario RCP permet de modéliser le climat futur. Dans l'AR5, sur la base de quatre hypothèses différentes concernant la quantité de gaz à effet de serre qui sera émise dans les années à venir (période 2000-2100), chaque scénario RCP donne une variante jugée probable du climat qui résultera du niveau d'émission choisi comme hypothèse de travail. Les quatre scénarios sont nommés d'après la gamme de forçage radiatif ainsi obtenue pour l'année 2100 : le scénario RCP2.6 correspond à un forçage de +2,6 W/m2, le scénario RCP4.5 Ã +4,5 W/m2, et de même pour les scénarios RCP6 et RCP8.53. Plus cette valeur est élevée, plus le système terre-atmosphère gagne en énergie et se réchauffe.
Cependant cette définition parait « simpliste » quand elle parle de « quatre hypothèses différentes concernant la quantité de gaz à effet de serre qui sera émise dans les années à venir (période 2000-2100) », ce qui est extrêmement réducteur comme on a pu le voir avec les détails précédents ; il n'est en effet pas suffisamment précisé que l'on parle de concentrations en 2100 et non d'émissions qui ne sont qu'une partie de l'équation, certes significative mais n'expliquant pas tout.
D'autres informations très instructives peuvent être consultées sur le site iiasa :
The RCPs are not forecasts or boundaries for potential emissions, land-use, or climate change. They are also not policy prescriptive in that they were chosen for scientific purposes to represent the span of the radiative forcing literature at the time of their selection and thus facilitate the mapping of a broad climate space. They therefore do not represent specific futures with respect to climate policy action (or no action) or technological, economic, or political viability of specific future pathways or climates.
Ainsi est donc confirmé le fait que les RCP ont été choisis, pour des finalités scientifiques, afin de représenter un ensemble de forçages radiatifs émanant de la littérature (scientifique) au moment de leur sélection.
Voici ce qui est précisément dit au sujet du scénarion RCP8.5 :
The RCP 8.5 is developed by the MESSAGE modeling team and the IIASA Integrated Assessment Framework at the International Institute for Applies Systems Analysis (IIASA), Austria. The RCP 8.5 is characterized by increasing greenhouse gas emissions over time representative for scenarios in the literature leading to high greenhouse gas concentration levels. The underlying scenario drivers and resulting development path are based on the A2r scenario detailed in Riahi et al. (2007).
Donc il s'agit bien de scénarios qui « mènent à des concentrations élevées de gaz à effet de serre » à partir de « drivers » et de « chemins de développement » issus de travaux scientifiques.
Une étude datée de novembre 2011, The representative concentration pathways: an overview, donne comme son titre l'indique un aperçu des itinéraires menant aux différents scénarios de concentration ; voici un extrait du résumé :
Une étude datée de novembre 2011, The representative concentration pathways: an overview, donne comme son titre l'indique un aperçu des itinéraires menant aux différents scénarios de concentration ; voici un extrait du résumé :
[…] The RCPs are the product of an innovative collaboration between integrated assessment modelers, climate modelers, terrestrial ecosystem modelers and emission inventory experts. […] For most variables, the RCPs cover a wide range of the existing literature. […] The RCPs are an important development in climate research and provide a potential foundation for further research and assessment, including emissions mitigation and impact analysis.
Aucune mention dans cette étude de « business as usual », en vérité c'est le terme « baseline » (i.e. point de comparaison en français) qui est utilisé :
The four selected RCPs were considered to be representative of the literature, and included one mitigation scenario leading to a very low forcing level (RCP2.6), two medium stabilization scenarios (RCP4.5/RCP6) and one very high baseline emission scenarios (RCP8.5).
RCP8.5 leads to a forcing level near the 90th percentile for the baseline scenarios, but a recent literature review was still able to identify around 40 scenarios with a similar forcing level.
Les différents scénarios (source springer) |
On ne parle donc jamais de « business as usual » mais de « very low baseline », « medium baseline » et high baseline », le scénario RCP2.6 ne bénéficiant lui d'aucune qualification de « baseline ».
Le site du CNRS ne dit rien de différent en montrant ce tableau similaire à ceux que j'ai déjà présentés ci-dessus :
*eq- CO2 est une abréviation pour équivalent CO2. Il s’agit de la concentration de CO2 équivalente à la totalité des gaz à effet de serre en termes de forçage radiatif. |
Dans le cadre de CMIP-5, les groupes de travail internationaux ont retenu une nouvelle approche. Modélisateurs du climat et économistes ont travaillé en parallèle, les premiers pour effectuer des projections climatiques, les seconds pour élaborer des scénarios socio-économiques, à partir de "trajectoires" d’évolution des concentrations de gaz à effet de serre (les RCP pour "Representative concentration pathways"). Ces trajectoires proviennent des résultats des recherches les plus récentes menées à partir de modèles intégrant les évolutions socio-économiques et climatiques.Et le CNRS est même plus « catastrophiste » que ma modeste personne avec ce graphique évocateur :
Cette démarche parallèle permet aux économistes d’établir des scénarios qui explorent toutes les possibilités d’évolutions technologiques et socio-économiques permettant de rendre compte de ces RCP, notamment ceux qui prennent en compte des politiques climatiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cette hypothèse n’avait pas été explorée lors des précédents exercices. Par ailleurs, la démarche parallèle n’impose plus de procéder à de nouvelles simulations climatiques après toute modification des scénarios socio-économiques.
On peut voir que le forçage radiatif du scénario RCP8.5 ne s'arrête pas en 2100 à 8,5w/m2 mais qu'il continue à augmenter jusqu'à atteindre plus de 12w/m2 en 2250, alors que les autres scénarios montrent tous un plateau ; ce qui ne veut pas dire qu'il faut s'attendre à une catastrophe en 2250 mais simplement que des gens apparemment sérieux envisagent une situation dans laquelle on pourrait atteindre dans deux siècles et demi un forçage radiatif six fois plus élevé que ce qu'il est aujourd'hui.
Mais pour en revenir aux « préoccupations » de SoD qui semble s'inquiéter du fait que le scénario RCP8.5 soit considéré comme « business as usual » (ce qui, on l'a vu, relève du fantasme), on doit quand même dire qu'il est étonnant qu'il s'en émeuve aujourd'hui et semble découvrir la lune alors que Judith Curry évoquait déjà ce sujet en 2015 dans A closer look at scenario RCP8.5 où l'on pouvait lire ceci :
The RCP8.5 scenario assumes ominous breaks in several important and long-standing trends. As such it provides a valuable warning against complacency and a reminder to prepare for extreme outcomes. But that meant that there was no business as usual scenario, a critical component for forecasting. None of the RCPs is even remotely close to fulfilling this role.
Donc Judith Curry elle-même semble confirmer dans ses conclusions qu'aucun scénario RCP ne satisfait à la définition du « business as usual » ; et dans les commentaires on peut lire :
Editor of the Fabius Maximus website | December 13, 2015 at 11:21 am |
[…] AR5 gave multiple scenarios to help people understand the many futures available to us. RCP8.5 is a legitimate scenario of what happens should we get unlucky.
That it has been misrepresented as a “business as usual” scenario is not the fault of its designers or AR5’s authors.
However, that this has continued for so long with so little attention from climate scientists shows a major weakness in the processes of climate science. What other key assumptions will prove to have such weak Fundamentals?Même Fabius Maximus qui ne peut pas vraiment être considéré comme un « réchauffiste catastrophiste », pour employer une terminologie qui parlera à l'oreille de BenHague, reconnait que le RCP8.5 est « un scénario légitime nous montrant ce qu'il adviendrait si nous étions malchanceux » ; il ajoute cependant (et c'est le point soulevé par SoD il me semble) que l'expression « business as usual » lui a été attribuée à tort, ce qui est un sujet peut-être intéressant mais qui n'a pas grand chose à voir avec la science, nous sommes plutôt dans le registre de la communication en direction de la population (vous, moi) avec peut-être un accent pessimiste, voire catastrophiste, que l'on peut bien sûr discuter, mais alors nous nous trouvons dans le domaine de l'opinion et non dans celui de la science.
Pour compléter la documentation sur le sujet, sans le développer davantage, les liens suivants peuvent donner des informations instructives :
- theguardian
- skepticalscience
- leclimatchange
- cisl.cam.ac.uk
- meteofrance
- parc-golfe-morbihan.bzh
- fabiusmaximus
- springer
- andthentheresphysics-rcp8.5
- andthentheresphysics-the-plausibility-of-rcp8.5
- ccdatacenter
- Robustness and uncertainties in the new CMIP5 climate model projections
Source nature |
Maintenant si nous revenons sur le commentaire de BenHague et ce passage sur « le fameux scenario RCP8.5 , totalement invraisemblable et utilisés par des activistes dans votre genre pour vendre de la peur …» voyons un peu le genre de peur que j'ai en magasin et que je suis susceptible de refourguer à mes lecteurs, qu'ils soient fidèles (plus ou moins) ou simplement de passage.
Livrons-nous à un petit exercice que j'ai préparé mentalement sur la route du retour après les agapes du Nouvel An (je vous rassure, je n'avais pas bu et mon cerveau était en parfait état de marche bien qu'un peu fatigué par le manque de sommeil)
Prenons en considération le fait que la température a augmenté d'environ 0,6-0,7°C durant le 20ème siècle, ce qui n'est contesté par personne, hormis quelques individus qui croient que les météorologues et les climatologiques ne savent pas mesurer une variation de température sur le siècle passé (il y en a, mais on va faire sans et on ne s'en portera pas plus mal) ; voici par exemple l'évolution des températures durant le 20ème siècle (en tendance linéaire pour faire simple) :
Source woodfortrees |
Nous avons donc « en moyenne » une augmentation de 0,6-0,7°C sur 100 ans, mais nous savons également que les émissions ont plutôt été significatives durant la deuxième moitié du 20ème siècle et qu'elles ont littéralement explosé à partir du moment où des pays comme la Chine et l'Inde, en plus des régions déjà largement industrialisées comme les USA ou l'Europe, ont commencé à rattraper leur retard à coup d'émissions massives de CO2 ; nous pouvons donc regarder ce que donnent les tendances sur de plus courtes périodes décalées vers la fin du siècle, par exemple :
Tendances de 1970 à 1999 (source woodfortrees) |
Sur les 30 années allant de 1970 à 1999 nous avons donc une évolution tendancielle d'environ 0,5°C (à la louche) ce qui nous donne 1,66°C d'augmentation par siècle ; maintenant voyons sur les 20 dernières années :
Tendances de 1980 à 1999 (source woodfortrees) |
Cette fois nous avons +0,34°C pour HadCRUT sur 20 ans, ce qui nous donne 1,7°C sur un siècle ; pour les autres c'est un peu moins, donc on va dire que globalement nous sommes toujours sur une tendance de 1,6°C au minimum sur un siècle.
Regardons par curiosité ce que donne la tendance des 18 premières années du 21ème siècle :
Tendances de 2000 à 2018 (source woodfortrees) |
Nous voyons pour HadCRUT environ +0,3°C, et je ne vais prendre des trois que cette variation puisque c'est de toute évidence celle qui « chauffe » le moins, on ne pourra donc pas m'accuser de faire du cherry-picking (parce que je les vois venir les loulous) ; par conséquent cela nous donne du 1,66°C sur 100 ans, comme pour les 20 ou 30 dernières années du 20ème siècle.
Donc rien qu'avec ces données et en extrapolant sans tenir compte d'aucun mécanisme d'amplification nous avons sur deux cents ans une augmentation de 0,6 (en prenant la valeur basse) + 1,6 (en arrondissant au dixième inférieur) = 2,2°C, soit un peu plus que la limite fixée lors de la COP21 et bien au-delà des 1,5°C fantasmés !
Nous constatons par ailleurs que les valeurs que j'ai données pour la période 1900-2018, soit 0,6-0,7 + 0,3 = 0,9-1°C, correspondent assez bien avec ce que j'ai déjà montré dans mes précédentes actualités climatiques :
Anomalies de températures pour la période décembre 2017-novembre 2018 par rapport à la période de référence 1881-1910. |
La période décembre 2017-novembre 2018 est plus chaude de 1,05°C que la période de référence 1881-1910, ce qui colle bien avec mes calculs.
Maintenant si l'on se projette vers l'avenir peut-on vraiment considérer que la planète va continuer à se réchauffer de 1,6°C par siècle jusqu'en 2100 alors que nous voyons bien que les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas en diminution, bien au contraire.
Par conséquent nous pouvons « raisonnablement » et « lucidement » considérer que l'augmentation de température, parti comme c'est parti, sera d'au minimum 3°C par rapport à ce que l'on appelle l'ère préindustrielle ; il y en a même qui évoquent jusqu'à +5°C, par exemple dans le livre que je cite fréquemment, Climat etc., on peut lire page 353 :
A la fin du siècle actuel, la température moyenne globale augmente de ≈ +4 ±1°C dans le RCP8.5 [par rapport à la période 1986-2005]
Si l'on pense que RCP8.5 est hautement improbable, ce qui évidemment peut se discuter, on ne peut quand même pas l'ignorer totalement et faire comme s'il était totalement impossible, ce serait comme affirmer qu'un accident nucléaire est totalement impossible dans le monde ou qu'aucun avion ne se crashera à partir d'aujourd'hui, nous avons donc une fourchette comprise entre 3 et 5°C d'augmentation par rapport à l'ère préindustrielle, sachant que pendant l'Holocène, c'est-à-dire les derniers 10 000 ans qui ont vu le décollage de l'humanité après des millions d'années de quasi-stagnation, température et concentration de CO2 ont été particulièrement stables, fluctuant très peu comme montré dans Les enseignements du passé et Réalisme climatique où es-tu ? notamment :
Data details: atmospheric CO2, temperature anomaly relative to the pre-industrial era and sea-levels relative to now measured and from palaeoclimate records. The graphic, created by "JG", is adapted from Table S1 from the paper's supporting information section, available here. Data sources are fully referenced. |
Température (en rouge) et insolation Milankovitch (en vert) durant l'Holocène. |
Sur les dix mille dernières années la concentration en CO2 est donc passée de 260 ppm (280 ppm juste avant la révolution industrielle) à 405 ppm aujourd'hui et la température a évolué dans une fourchette de plus ou moins 1°C, alors que dans le même temps le niveau des océans ne changeait quasiment pas.
Mais en se reportant bien plus loin dans le passé, nous voyons qu'il y a 3-4 millions d'années nous avions une concentration en CO2 comprise entre 400 et 450 ppm, c'est-à-dire comparable à celle que nous allons vivre en ce début de 21ème siècle ; quant à la température elle a varié...de 5°C (de +2 à -3) et le niveau des mers à changé...d'une trentaine de mètres (de +10 à -22) !
Evidemment tout cela s'est déroulé sur une période de plus d'un million d'année, à comparer avec les évolutions que nous allons expérimenter en une paire de siècles seulement, donc pas de panique, la mer ne va pas brusquement s'élever de plusieurs mètres sans prévenir, on s'attend à ce que son niveau augmente d'environ un mètre d'ici 2100, les populations concernées (elles sont plusieurs millions, on va pas s'amuser à les compter) ont donc le temps de migrer progressivement et de conquérir d'autres territoires plus propices à l'habitat et au commerce, ce qui nous promet quelque chose de similaire à la conquête de l'ouest quand les colons américains allaient pacifier les territoires indiens, on sait ce qu'il est advenu des autochtones qui vivaient paisiblement depuis des lustres sur des terres accueillantes.
Donc non monsieur BenHague, je ne suis en rien catastrophiste, juste un peu réaliste, et la peur que j'ai en stock dans mon magasin comporte une étiquette sur laquelle est écrit le mot lucidité avec la mention « en vente libre ».
Et j'attends toujours la réponse à ma requête dans mon dernier billet :
Géd 2 janvier 2019 à 01:01
Avant d'aller plus loin vous serez gentil de me dire où et quand j'aurais affirmé 1/ que le RCP8.5 correspondrait à un scénario dit "business as usual" et 2/ que ce RCP8.5 serait le scénario vers lequel nous nous acheminerions avec le plus de certitudes.
Puisque vous affirmez « certains de vos précédents posts ou commentaires sur le dit scénario » j'imagine que vous avez les sources, non ?
Et ne vous inquiétez pas, je ne supprime jamais rien, donc si vous dites vrai c'est toujours visible quelque part dans mon blog.
PS - en me relisant je m'aperçois que j'ai considéré que le 20ème siècle allait de 1900 à 1999, ce qui est bien sûr une erreur, mais comme j'ai la flemme de refaire tous mes graphiques et que cela ne change rien aux résultats je laisse tel quel.
C'est de la haute voltige ...lol ...
RépondreSupprimerBon j'en retiens que SoD se fourvoye .. Vous devriez le remettre dans le droit chemin .. ou le degrader dans les sites "á vos risques et perils"
Mais c'est trés amusant de voir comment vous essayer de camoufler l'invraisemblable propagande climatique bombardée unanimement par les medias en France .
Alors je vais parler simple : Chaque fois que la TV, journaux , radios annoncent une prédiction apocalyptique pour 2050-2100 (genre la montée des eaux) , "si on ne fait rien" : c'est sur la base de RPC8.5 (qui est un scénario irréaliste) ... ET tous les petits activistes , dans votre genre, c'est du pain benit car ils le savent bien et en jouent pour faire peur ....
Enfin une perle (parmi d'autres) dans votre long "billet":
"Sur les dix mille dernières années la concentration en CO2 est donc passée de 260 ppm (280 ppm juste avant la révolution industrielle) à 405 ppm aujourd'hui et la température a évolué dans une fourchette de plus ou moins 1°C, alors que dans le même temps le niveau des océans ne changeait quasiment pas."
Le niveau des océans a "juste" pris 30 á 40 metres lors des 10.000 derniéres années ... une paille ....
BenHague
« Le niveau des océans a "juste" pris 30 á 40 metres lors des 10.000 derniéres années ... une paille .... »
SupprimerVous me confirmez donc que vous ne savez pas lire, j'ai écrit une trentaine de mètres pour le Pliocène moyen, il y a 3 à 4 millions d'années, quant à l'Holocène, les 10 000 dernières années, le niveau des mers n'a quasiment pas changé durant les 10 000 dernières années ; pour vous en convaincre voici un lien utile : http://www.climat-en-questions.fr/reponse/evolution-actuelle/niveau-oceans-dans-passe-par-claire-waelbroeck-catherine-ritz ; extrait : « durant l’Holocène (l’interglaciaire actuel qui a débuté il y a environ 10 000 ans), le niveau des mers ne semble pas avoir dépassé le niveau actuel. » ; mais vous en savez certainement davantage que Claire Waelbroek, « spécialiste en paléocéanographie et en paléoclimatologie » et « directrice de recherche au CNRS » ou que Catherine Ritz, « irectrice de recherche au CNRS et glaciologue » ; pour les 30 à 40 mètres vous me fournirez évidemment vos sources n'est-ce pas ? (comme vous m'avez fourni la preuve que j'avais affirmé que RCP8.5 était business as usual selon mes soi-disant anciens billets, n'est-ce pas ?)
« le degrader dans les sites "á vos risques et perils" » ; certainement pas, ce n'est pas parce que ce billet-là de SoD était d'assez mauvaise qualité que le reste est à jeter à la poubelle, d'ailleurs moi-aussi j'ai de temps en temps mes faiblesses (et je ne parle pas de WUWT ou Skyfall où c'est régulier)
« propagande climatique bombardée unanimement par les medias en France » ; euh non, il n'y a pas qu'en France que l'on évoque le RCP8.5 dans les médias et que l'on fait dans le catastrophisme, autrement pensez-vous que SoD se serait fendu de ce genre de billet ?
« RPC8.5 (qui est un scénario irréaliste) » ; c'est votre opinion, et vous n'avez rien pour l'étayer car vous ne savez rien (ni moi d'ailleurs) de quoi seront faites les 80 prochaines années (économie, population, ressources, guerres, épidémies, etc.) donc vous n'avez aucune idée du niveau en équivalent CO2 du forçage radiatif en 2100, tout ce que vous pourrez avancer ne sont que des spéculations, comme ceux qui prétendent que c'est ce scénario qui s'appliquera obligatoirement.
Quand on est face à un ennemi, quel qu'il soit, la plus sage des défenses est de s'attendre au pire, pas de croire naïvement qu'un ange venu du ciel nous sauvera ou que l'impossible n'arrivera jamais (à Fukushima ils ne pensaient pas possible ce qui est arrivé, pas plus les japonais que quiconque puisque personne ne parlait d'un risque sismique, apparemment l'homme n'apprend jamais de ses bêtises)
Ah j'oubliais, en m'« informant » que le niveau des mers aurait varié de 30 à 40 mètres durant l'Holocène alors que la température a elle très peu bougé en comparaison, vous ne faites qu'aller dans mon sens, seriez-vous devenu catastrophiste à votre tour en nous prévoyant pour 2100 une montée des eaux de plusieurs dizaines de mètres ?
Supprimer"Le niveau des océans a "juste" pris 30 á 40 metres lors des 10.000 derniéres années ... une paille ...."
RépondreSupprimerOh, woah! Rejoice!
Benhague a trouvé une erreur dans un blog : Ged aurait dû dire 8000 ans, et non 10 000 ! C'est bien la preuve que la physique se trompe et que le réchauffement climatique est une escroquerie !
Vous avez raison, il y a des informations mentionnant une stabilité depuis 8000 ans (sur wikipedia par exemple) ou même 5000 ans (http://scs-ingenierie.pagesperso-orange.fr/cours/TypologieLittoraux/Littoraux02.TransHolo.pdf) mais je me suis fié au lien déjà donné à BenHague (http://www.climat-en-questions.fr/reponse/evolution-actuelle/niveau-oceans-dans-passe-par-claire-waelbroeck-catherine-ritz) ainsi qu'au tableau figurant dans mon billet et mentionnant N/A pour le niveau des océans durant l'Holocène (issu de https://www.pnas.org/content/pnas/suppl/2018/07/31/1810141115.DCSupplemental/pnas.1810141115.sapp.pdf)
SupprimerJ'aurais dû effectivement être plus attentif et approfondir mes recherches afin de préciser qu'il s'agissait essentiellement des 8000 dernières années, mais comme vous l'avez parfaitement compris, vous, cela ne change pas grand chose au sujet principal.
BenHague nous a habitués à s'attaquer aux détails (le diable est dans les détails…) quand il ne peut pas démolir le principal, il est indécrottable et à mon avis il le restera.
@BenHague
RépondreSupprimerMoi j'aimerais bien qu'on m'explique en quoi "RPC8.5 (qui est un scénario irréaliste)"
Merci
Parce que c'est un climato « réaliste » qui vous le dit;)
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