dimanche 9 mars 2025

Benoit Rittaud le nouveau spécialiste de l'AMOC

 Cela faisait longtemps que je n'avais pas écrit sur Benoit Rittaud, à vrai dire je pense que c'est parce que j'ai quasiment tout dit sur le loulou et que je ne voyais pas utile d'en rajouter, d'autant plus qu'une certaine lassitude à réfuter les âneries des climato(ir)réalistes ne m'a pas vraiment encouragé à persister.

Mais voilà que je reçois une "alerte Benoit Rittaud" émanant de Google et que la curiosité me conduit devinez où, mais bien sûr, vers le média d'extrême droite Valeurs Actuelles où le sieur Rittaud a son rond de serviette. D'ailleurs il ne peut s'exprimer que sur ce genre de torchon, que ce soit VA, TVLiberté, Breizh infoFrance Soir, Sud radio entre autres. Et encore je ne cite pas tous les médias dans lesquels il n'est pas intervenu mais qui reprennent ses paroles d'oracle mathématimancien.

Ce qui m'a incité à prendre (ou perdre) un peu de mon temps dominical c'est que notre ami Benoit s'est attaqué à beaucoup plus gros que lui en la personne de l'AMOC, ce courant complexe atlantique dont le célèbre Gulf stream n'est qu'une partie.

C'est dans Le Gulf Stream sent le réchauffé que vous trouverez notamment ce passage que je ne peux pas résister à vous montrer :

De façon regrettable, le magazine [il s'agit de Science et Avenir] ne mentionne pas deux autres études sur le même sujet, publiées coup sur coup en janvier et février 2025 dans la revue Nature. La première (Terhaar et al.), propose une analyse critique des données disponibles ainsi qu’une reconstruction de l’Amoc dans une certaine zone (à 26,5° de latitude nord). Son résultat principal est qu’aucun affaiblissement n’est constatable sur la période considérée, qui s’étale de 1963 à 2017. Encore plus affirmative, la seconde (Baker et al.) insiste sur la résilience de l’Amoc.

Il est vrai qu'on voit un peu de tout au sujet de l'AMOC depuis quelque temps, certains prédisant un arrêt de celui-ci, voire même son retournement, d'autres affirmant, avec Benoit Rittaud, que nous n'avons rien à craindre et que, comme il le dit si bien dans son papier, « On a donc ici affaire à un nouveau cas d’école d’exagération ».

Personnellement, tout comme Rittaud, je n'y connais rien, mais à la différence de notre soi-disant réaliste je me garde bien de donner mon sentiment sur le sujet étant donné que les scientifiques experts en océanographie ne sont pas d'accord entre eux et qu'il n'y a donc pas consensus, loin s'en faut.

Si j'ai cité le passage ci-dessus c'est surtout parce que Rittaud nous donne à lire deux études récemment parues et qui semble devoir nous rassurer. Sauf que...

Sauf que Rittaud nous fait ici ce que l'on appelle du cherry picking en ne mentionnant que ces deux études et en ignorant toutes les autres. Or si l'on consulte Google Scholar on s'aperçoit que le thème de l'AMOC nous donne quelques  26 000 résultats dans lesquels il faut piocher. Si on limite la recherche à l'année 2025, soit un peu plus de deux mois, on obtient quand même 483 résultats.

Benoit Rittaud aurait par exemple pu citer, au hasard, l'étude The impact of a weakened AMOC on European heatwaves parue en janvier dernier dans laquelle on nous dit dès les premières lignes :

In our changing climate we expect an increase in the frequency of heatwaves, which are extreme events that can have severe consequences for human health, ecosystems, and economies.

Dans notre climat en évolution, nous nous attendons à une augmentation de la fréquence des vagues de chaleur, qui sont des événements extrêmes pouvant avoir de graves conséquences pour la santé humaine, les écosystèmes et les économies.

Mais comme cela ne va pas dans le sens du narratif de Rittaud, bien au contraire, il ne faut pas rêver et s'imaginer qu'il pourrait y faire ne serait-ce qu'allusion. Non non, seules les études qui peuvent le rassurer ont droit de cité, et c'est pourquoi il nous sort les deux seules études qu'il a pu trouver, sur les 483 disponibles, qui le caressent dans le sens du poil.

Mais il y a encore plus cocasse quand on regarde attentivement ce que disent les études en question.

La première, Atlantic overturning inferred from air-sea heat fluxes indicates no decline since the 1960s, dans Nature Communications, nous dit en substance :

Here, we use 24 Earth System Models from the Coupled Model Intercomparison Project Phase 6 (CMIP6) to demonstrate that these temperature anomalies cannot robustly reconstruct the AMOC.

Nous utilisons ici 24 modèles du système terrestre issus de la phase 6 du projet de comparaison de modèles couplés (CMIP6) pour démontrer que ces anomalies de température ne peuvent pas reconstruire de manière robuste l'AMOC.

Quant à la deuxième, Continued Atlantic overturning circulation even under climate extremes, dans Nature, on peut y lire :

However, climate model projections from the Coupled Model Intercomparison Project Phase 6 (CMIP6) vary widely1,3,4, so its future evolution is uncertain10.

Toutefois, les projections des modèles climatiques issues de la phase 6 du projet de comparaison des modèles couplés (CMIP6) varient considérablement, de sorte que son évolution future est incertaine.

Avouez que c'est du plus haut comique quand on sait ce que pensent les climato(ir)réalistes dont Benoit Rittaud est le président fondateur en France. Par exemple dans Rencontre avec un climatoréaliste, à la question « Comment jugez-vous, en tant que mathématicien, les modèles de prévision climatique ? » voici ce qu'il répond :

De même qu’une carte n’est pas le territoire, un modèle n’est pas le réel, et encore moins un oracle. C’est un bricolage. Y avoir recours, c’est admettre en creux qu’on n’a pas compris le fond des choses. Il est vrai qu’avec le système climatique, on a affaire à forte partie : atmosphère, biosphère, cryosphère, hydrosphère, lithosphère et leurs interactions le rendent fondamentalement complexe et instable.

On peut aussi aller consulter le site des CR et trouver par exemple Les modèles ne peuvent rendre compte d’un système chaotique dont la conclusion est sans appel :

Car manifestement, tout repose sur des modèles à qui on fait dire ce qu’ils ne peuvent pas dire.

Vous en voulez un petit dernier pour la route ? Alors allons voir sur Amazon ce qu'on nous dit de son bouquin Le mythe climatique :

Ciblant sa critique sur quelques points-clés, il expose en termes simples et accessibles les faiblesses, notamment statistiques, de certains arguments longtemps considérés comme décisifs : reconstitution de l’histoire de la température globale, analyse des carottes glaciaires, fiabilité des modèles climatiques…

Pas la peine d'en rajouter je pense.

Benoit Rittaud est donc plus que sceptique au sujet des modèles climatiques, en fait il les considère comme de vulgaires prédictions bonnes à jeter à la poubelle, mais cela ne le gêne en aucune façon de citer à son profit deux études qui basent leurs conclusions sur...des modèles climatiques !

Que dire de plus ?

Rien, car j'ai justement d'autres chats à fouetter et j'y vais de ce pas.

Pauvre bête (je parle du chat)


samedi 8 mars 2025

Merci monsieur Trump !

 En octobre 2024, peu avant l'élection qui a porté à nouveau au pouvoir le gros bonhomme orange, dans Harris ou Trump ? Pile ou face ? j'écrivais notamment ceci :

 Le ciel ne nous tomberait pas sur la tête si Trump est élu, et ce serait peut-être une très bonne chose pour l'Europe qui serait alors obligée, comme après un électro-choc, de se remettre en question et de prendre (enfin) les bonnes décisions. Par contre on peut nourrir de sérieuses craintes pour l'Ukraine ainsi que pour d'autres pays tels la Georgie, la Moldavie ou les états baltes, qui seraient alors dans le collimateur de Poutine puisqu'il ne redouterait plus une intervention américaine. A moins que...

Je ne changerais aujourd'hui pas un seul mot de ce passage que je n'hésite même pas à qualifier de prémonitoire !

Effectivement la présidence actuelle de Trump ne va pas arrêter la marche du monde ni provoquer de catastrophe planétaire ; nous avons davantage à craindre de ce petit astéroïde qui a, d'après National Geographic, « 1 chance sur 43 de percuter la Terre le 22 décembre 2032 » :

Récemment, les astronomes ont identifié un astéroïde géocroiseur potentiellement dangereux : 2024 YR4, un rocher de 40 à 100 mètres de long qui pourrait percuter la Terre le 22 décembre 2032.
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais 1 chance sur 43 moi j'appelle ça un risque à prendre au sérieux, tout comme il faut prendre au sérieux les élucubrations du Donald, qui un coup dit blanc, puis le jour d'après noir et le surlendemain gris (ou orange le plus souvent)

Si la Terre ne va pas s'arrêter de tourner il n'empêche que quelques dysfonctionnements vont apparaitre ici ou là ; d'ailleurs cela a déjà commencé, mais c'est comme le réchauffement climatique, c'est encore assez diffus et beaucoup de gens sont encore dans le déni ; et si vous avez bien prêté attention vous aurez remarqué que ce sont les mêmes personnes qui à la fois trouvent des excuses aux errements de Trump et nient le caractère dangereux du réchauffement de la planète, quand ils ne nient pas carrément que ce réchauffement se produise.

Alors oui pour l'Ukraine la situation se complique sacrément, mais cela ne veut pas dire que le pays va s'écrouler et tomber sous la domination russe, soit par une invasion totale des régions non encore conquises, soit par la mise en place, très improbable, d'un gouvernement fantoche tels qu'on en trouve en Biélorussie ou en Georgie, et tel qu'on a failli en avoir un en Roumanie.

On ne voit pas en effet comment, si des élections avaient lieu en Ukraine aujourd'hui ou dans un futur proche, un candidat pro-russe pourrait obtenir plus de 10% des voix, et je suis large en mentionnant ce pourcentage. La haine que les Russes ont instillée dans l'esprit des Ukrainiens est tellement forte et durable qu'il faudrait une incroyable manipulation pour arriver à porter au pouvoir une marionnette du Kremlin.

Quant à l'Europe, mais aussi à d'autres pays tels que le Canada, le Japon, la Corée du Sud ou Taïwan, pour n'en citer que quelques-uns des plus notables, les divagations de Trump ont en fait provoqué l'électro-choc que j'évoquais dans mon billet de 2024.

A partir de maintenant qui pourra faire confiance aux Etats-Unis pour assurer sa défense ?

Cela va se traduire par une défiance accrue des "partenaires" de l'historique "ami" américain, et même dans quatre ans avec des Démocrates qui reviendraient au pouvoir, ce qui n'est même pas assuré, la confiance est définitivement rompue. Trump, en seulement un mois de pouvoir, a annihilé tout le crédit que l'oncle Sam pouvait avoir envers le monde dit libre.

Les constructeurs américains du secteur de la défense vont très rapidement en voir les résultats. Bien sûr ils continueront à vendre du matériel à des pays qui ne pourront pas faire autrement que de leur en acheter, mais de plus en plus d'anciens clients vont se poser de sérieuses questions s'ils veulent garder une certaine autonomie dans leurs décisions en ce qui concerne leur sécurité.

A quoi sert-il d'acheter des F35 si ceux-ci ne peuvent pas voler parce que les Américains auront décidé qu'ils ne doivent pas être utilisés. Et on a vu avec Biden ce que cela donnait avec les interdictions de frapper des cibles légitimes dans le territoire russe d'où partent des avions ou des missiles frappant des objectifs civils ukrainiens.

L'Europe a une carte à jouer dans les temps présents, maintenant est-ce que les pays qui la composent arriveront à se coordonner, après s'être mis d'accord sur les modalités à mettre en oeuvre, c'est quelque chose que nous n'allons pas tarder à savoir.

A l'ouest il y a du nouveau.