dimanche 26 mars 2017

Les modèles climatiques sont-ils fiables ?

Skyfall, dans sa longue quête pour la vérité, enfin je veux dire pour sa vérité, nous gratifie d'un article de Judith Curry, les modèles climatiques pour les gogos, pardon, pour le profane, traduit par le dévoué (mais incompétent en matière de science climatique) Scaletrans, lequel passe son temps de retraité à transcrire dans la langue de Molière tout ce qui peut aller dans le sens de ses amis climatosceptiques ; vous ne le verrez jamais traduire un article issu d'une publication réellement scientifique validant que le CO2 anthropique est bien à l'origine du réchauffement climatique actuel.

Ce qui est vraiment cocasse c'est que Judith Curry fait partie des climatosceptiques que l'on nomme lukewarmers, c'est-à-dire qu'elle ne nie en aucune façon le rôle du CO2 anthropique dans le réchauffement climatique, elle conteste seulement que ce réchauffement soit néfaste pour nous humains et qu'il faille engager le moindre dollar dans la lutte contre la hausse des températures ; je dis que c'est cocasse parce que sur Skyfall la majorité des adeptes sont des climatosceptiques purs et durs qui contestent la réalité même de l'effet de serre qu'ils appellent ironiquement le bidulator ! Voir par exemple ici :
  • 130.  phi | 8/08/2016 @ 11:37 JC (#128), [...]
    On peut démontrer que la dissociation est une violation du second principe de la thermodynamique. C’est en fait cette dissociation qu’est sensée opérer le fameux bidulator et on peut également démontrer l’impossibilité de cet appareil par l’optique.
  • 131.  Murps | 9/08/2016 @ 13:12 phi (#130), les schémas KT sont des représentations graphiques du bidulator.
    Le bidulator est partout.
Au passage on rappelle, parce que c'est toujours utile de le faire, que Murps se prétend enseignant en sciences...

Mais heureusement qu'il y a notre « Tsih » pour tenter d'apporter un peu de sérieux :
Sauf que l'« ami » Tsih n'est pas toujours lucide comme en témoigne son commentaire suite à l'article de Judith Curry sur les modèles climatiques :
  • 5.  tsih | 20/03/2017 @ 15:07 Ce que Curry ne dit pas hélas et qui est essentiel à mon sens et le vrai défaut mortel des modèles, c’est que le système climatique est un système complexe avec une foule de phénomènes émergents à l'oeuvre qui ne peuvent pas par essence être déduits des premiers principes de la physique
    J’ai commenté à ce sujet chez les réchauffistes. Silence de mort jusqu’ici.
Silence de mort chez realclimate à mon avis parce que tout le monde se fiche éperdument des « arguments » de Tsih aka alphagruis...


Mais un autre intervenant sur Skyfall vient mettre son grain de (gros) sel :
  • 27.  Benoît | 24/03/2017 @ 18:48 volauvent (#23),
    C’est ça mon argument: on sait aujourd’hui que pour des raisons fondamentales aucun modèle informatique ne peut de façon générale reproduire ou prédire la plupart des propriétés ou phénomènes d’un système complexe à partir des premiers principes de la physique.
    Je veux bien vous croire, mais où peut-on trouver des éléments argumentés? Y a -t -il une théorie scientifique là dessus?
    Je fais cours, donc un peu provocant. 🙂
    La raison fondamentale est que ce qu’on appelle « les lois de la physique », dans leur expression mathématique, nécessitent, pour être « valides », que les grandeurs manipulées soient des nombres au sens mathématique, c’est-à-dire qu’elles aient une structure de groupe pour les opérations les reliant entre elles.
    Or un ordinateur ne sait manipuler que des nombres entiers dans une plage finie, ainsi que ce qu’on appelle des « nombres à virgule flottante », qui correspondent à un découpage fractal d’un segment de droite.
    Ceci a deux conséquences :
    1) La plus connue, c’est que les valeurs des grandeurs physiques qui nourrissent le modèle, en plus d’être approximatives au niveau des mesures, acquièrent une erreur relative dès l’instant où elles rentrent en mémoire. Et cette erreur s’accumule à chaque opération mathématique.
    2) La moins connue, c’est que lorsque le programmeur de modèle recopie l’expression mathématique d’une loi dans son programme, il croit que l’opération d’addition et de multiplication de son micro-processeur est comme l’addition et la multiplication de son expression mathématique. Or elles n’ont pas grand chose à voir au final, ce qui fait que la loi n’est plus valide.
    Le résultat, c’est qu’un modèle calcule un peu n’importe quoi. Et quand il calcule quelque chose d’utile, c’est plus « par chance » qu’autre chose.
    Les modèles climatiques sont similaires à ce qu’en informatique on appelle un « générateur de nombres pseudo-aléatoires », en plus complexe.
    Dit autrement, vouloir prédire le climat avec un programme informatique, c’est un peu comme vouloir modéliser l’architecture et la construction du pont de Millau en jouant à Minecraft.
On retiendra surtout « qu’un modèle calcule un peu n’importe quoi »...

Ainsi pour Tsih le système climatique est vraiment trop complexe pour pouvoir être modélisé, alors que pour Benoit ce serait, si j'ai bien compris ses explications alambiquées, une raison purement d'ordre mathématique qui empêcherait les modèles de fonctionner correctement ; pour ce dernier commentateur les modèles se comporteraient comme la machine qui sort les boules au Loto pour déterminer l'hypothétique gagnant de la semaine.

Alors pourquoi pas après tout ?

Cependant, en cherchant un peu et en faisant travailler un minimum ce qui se trouve entre nos deux oreilles et qu'on appelle communément un cerveau, on est en droit de douter des affirmations de nos deux contestataires.

Examinons d'abord un peu ce que nous dit Judith Curry.

On notera tout d'abord que Judith Curry écrit au nom de la Global Warming Policy Foundation, organisme dont wikipedia nous dit qu'il s'agit d'un :
  • think tank au Royaume-Uni, dont les objectifs déclarés sont de contester les «politiques extrêmement dommageables et nuisibles» envisagées par les gouvernements pour atténuer le réchauffement climatique anthropique (think tank in the United Kingdom, whose stated aims are to challenge "extremely damaging and harmful policies" envisaged by governments to mitigate anthropogenic global warming.)
Évidemment ce n'est une preuve de rien de particulier, seulement un indice nous permettant de considérer que ce que dit Judith Curry doit être pris avec de très grandes pincettes...

Comme déjà dit au début de ce billet, Judith Curry est climatosceptique tendance lukewarming ; elle se garde bien de contester les lois de la physique et l'évidence qui montre le rôle anthropique du CO2 dans le réchauffement climatique, elle se contente de jeter le doute sur l'utilité de toutes les mesures destinées à lutter contre ce réchauffement, et elle prend un minimum de risques (pour son honorabilité et sa réputation de scientifique) en écrivant un papier qui tendrait à « prouver » que les modèles climatiques ne serviraient en fait à rien et qu'on pourrait donc utiliser l'argent à autre chose, comme par exemple à produire davantage de CO2 en consommant toujours plus de pétrole et de charbon, puisque le CO2, c'est bien connu, c'est bon pour les plantes, et en plus le réchauffement nous permet de nous rendre la vie plus agréable alors qu'autrement on aurait une diminution des températures puisque c'est bien connu, nous entrons/sommes déjà entrés/allons bientôt entrer dans un nouvel âge glaciaire !

Le plus comique (si on peut dire) c'est que Judith Curry nous dit beaucoup de bien des modèles climatiques et nous avoue qu'ils sont utilisés par beaucoup de monde, par exemple :
  • Les modèles climatiques sont utiles pour conduire des recherches scientifiques sur la compréhension du système climatique.
  •  Il existe plus de 20 groupes de modélisation internationaux qui contribuent aux simulations de modèles pour les Rapports d’Évaluation du GIEC.
  • Tous les modèles sont imparfaits ; nous n’avons pas besoin d’un modèle parfait, juste d’un qui réponde au besoin. Les avions sont conçus à l’aide de modèles incapables de simuler un écoulement turbulent.
  • Tels quels, les GCM sont un élément important de la recherche climatique.
  • Les scientifiques qui développent des modèles climatiques et les utilisent sont convaincus (au moins jusqu’à un certain point) de l’utilité des modèles du climat pour leurs recherches.
On le voit, les GCM sont utilisés par de nombreux scientifiques, qui je pense ne doivent pas tous être des crétins congénitaux, ou motivés essentiellement par l'argent ou la notoriété à court terme au risque de ternir leur nom pour les générations futures ; et ils ont des limites, que les scientifiques ne cherchent pas à cacher, mais ces limites sont inhérentes à tout domaine de la recherche employant des modèles numériques.

Et Judith Curry de nous dire :
  • En particulier, l’aptitude des GCM doit être évaluée pour :
    • La compréhension des causes du changement climatique du 20e siècle.
    • La simulation des états climatiques au 21e siècle selon différents scénarios d’émissions.
Je suis bien d'accord sur cette séparation entre avant et après et nous allons en discuter maintenant.

La compréhension des causes du changement climatique du 20e siècle.

 Judith Curry se pose la question :
  • Qu’en est-il de la pertinence des modèles climatiques pour déterminer les causes du réchauffement climatique du 20e siècle ?
Effectivement je trouve intéressant de se demander si un modèle climatique est capable, quand on lui a donné suffisamment de paramètres, de reconstituer ce qui s'est réellement passé ; si c'est bien le cas, alors les arguties de Tshi et de Benoit sur la complexité du système climatique et sur l'incapacité des GCM d'utiliser correctement les mathématiques tombent immédiatement comme des fruits trop mûrs, pour ne pas dire pourris.

Assez étrangement Judith Curry apporte à l'appui de ses assertions des éléments fort peu convaincants.

Elle produit notamment le graphique suivant assorti de commentaires :

Figure 3. Comparaison de simulations CMIP3 et CMIP5 des anomalies de température de surface avec les observations. Figure 10.1 de l’AR5 du GIEC.

  • Les simulations des modèles climatiques pour la même période sont données dans la Figure 3. Les températures globales de surface modélisées ressemblent étroitement aux températures observées pour la période 1970-2000. Cependant, les modèles climatiques ne reproduisent pas l’important réchauffement de 1910-1940, le refroidissement de 1940 à la fin des années 70 et le profil plat de température depuis le début du 21e siècle.
Commençons par « les modèles climatiques ne reproduisent pas [...] le profil plat de température depuis le début du 21e siècle. » ; ceci est en totale contradiction avec le graphique qu'elle fournit juste avant :

Figure 2 : anomalies des températures globales de surface d’après les données UK HadCRUT4

Tout le monde peut facilement remarquer que la dernière barre est très nettement au dessus des précédentes ! Et de plus cette dernière barre semble concerner l'année 2015, ou peut-être même l'année 2014, et l'on sait que 2016 a été au moins aussi chaude si ce n'est un peu plus chaude !

En fait si l'on va voir le site UK HadCRUT4 on trouve le graphique actualisé :



Non vraiment, « le profil plat de température depuis le début du 21e siècle », sans blague !

Ensuite, d'après Judith Curry « les modèles climatiques ne reproduisent pas l’important réchauffement de 1910-1940, le refroidissement de 1940 à la fin des années 70 |...] » ; il est certain qu'il n'y a pas parfaite similitude entre les températures « observées » et celles « modélisées », cependant elle ne parle pas de la parfaite adéquation pour la période 1960-1965 où les trois courbes plongent ensemble en parfaire harmonie, ainsi qu'en 1990... Et pour 1910-1940 ne peut-on pas considérer que si les courbes ne se superposent pas c'est peut-être parce que pour cette période les données sont incomplètes ou douteuses et ne permettent pas aux modèles de fonctionner correctement ? Ensuite pour 1940 et après, il me semble avoir vu des papiers disant que les données issues de cette période de guerre n'étaient pas si fiables que cela, et on peut assez facilement comprendre pourquoi...

Bref si on ne se focalise pas sur les détails et qu'on regarde la vue d'ensemble, on ne peut pas s'empêcher de voir une certaine cohérence, voire une cohérence certaine entre les observations et les reconstitutions.

En tous cas les allégations de Tsih et de Benoit sont contredites par les propos mêmes de Judith Curry et ce qu'elle montre à ses lecteurs : le système climatique n'est pas complexe au point d'empêcher un modèle numérique de le reconstituer, même si c'est avec quelques imperfections, et la démonstration est faite qu'il n'y a aucune contrainte d'ordre mathématique qui ferait que les modèles calculeraient « un peu n’importe quoi » pour reprendre les mots de Benoit.

La simulation des états climatiques au 21e siècle selon différents scénarios d’émissions.

Si les modèles climatiques arrivent assez bien à reconstituer le passé, c'est qu'ils sont capables de nous donner des indications sur le futur à condition d'entrer des paramètres pertinents, or toute la difficulté réside dans le fait, notamment, qu'on ne sait pas ce qui va réellement se produire dans le futur, les scientifiques ne prétendant pas être des devins extra-lucides comme Benoit Rittaud (un autre Benoit, ce prénom ayant la même origine que benêt signifiant béni...) et n'ayant pas encore inventé la machine à voyager dans le temps permettant d'aller vérifier si les températures de 2100 seront bien celles annoncées.

Judith Curry, pour tenter de « démontrer » que les modèles sur-estiment très fortement le réchauffement climatique futur, nous montre ce graphique actualisé jusqu'en 2015 :


Comme 2016 a été apparemment plus chaude que 2015 on peut continuer les courbes qui entrent alors assez probablement dans la partie supérieure de la zone représentant les projections des modèles ; en tout cas chacun peut constater en regardant ce graphique aimablement fourni par Judith Curry que les températures observées se dirigent sans trop de difficultés vers la partie supérieure de la zone hachurée en rouge, alors comment peut-elle affirmer :
  • Jusqu’à présent au 21e siècle, les modèles GCM chauffent en moyenne deux fois plus vite que l’augmentation de température observée.
Si quelqu'un veut bien m'expliquer, parce que j'ai beau regarder attentivement la courbe des températures observées et les projections des modèles pour la période 2000-2016 je ne vois pas en quoi les « GCM chauffe[raie]nt en moyenne deux fois plus vite que l’augmentation de température observée...

Sensibilité du climat au CO2

Je terminerai par ce que je considère comme un argument de très mauvaise foi pour justifier de ne rien faire pour lutter contre le réchauffement climatique.

Judith Curry consacre de nombreuses lignes à la sensibilité du climat au CO2, appelée ECS ou equilibrium climate sensitivity.

Cette sensibilité fait l'objet de nombreuses recherches et est encore discutée, car il est vrai qu'en la matière le sujet est bien complexe tellement d'éléments entrant dans le calcul de cette sensibilité, pouvant soit s'amplifier soit s'annuler les uns les autres et rendant le calcul extrêmement compliqué.

D'après wikipedia :
  • Comme l'a estimé le cinquième rapport d'évaluation du GIEC (AR5), « il existe une grande confiance dans le fait que l'ECS est très peu probablement inférieure à 1 ° C et une confiance moyenne que l'ECS est probablement située entre 1,5 ° C et 4,5 ° C et très peu probablement supérieure à 6 ° C . » (As estimated by the IPCC Fifth Assessment Report (AR5) "there is high confidence that ECS is extremely unlikely less than 1°C and medium confidence that the ECS is likely between 1.5°C and 4.5°C and very unlikely greater than 6°C.")
 Le graphique suivant est proposé :


On voit donc qu'il y a d'assez fortes chances pour que l'ECS soit comprise entre 2 et 4 degrés et une chance non négligeable qu'elle atteigne même les 8 degrés !

Maintenant je me pose la question suivante : imaginons qu'un expert me dise que ma maison a des chances de brûler sur la base d'un tel graphique ; disons que ce graphique représente une échelle de 0 à 12, 0 étant le risque nul et 12 le risque maximum, et que je doive choisir d'assurer ma maison en fonction de ce graphique qui me dit qu'après tout j'ai relativement peu de risque qu'elle brûle, la majorité des hypothèses d'un tel scénario se situant dans la zone 2 à 4 ; un climatosceptique comme Judith Curry déciderait de ne pas s'assurer ou de prendre une assurance bas de gamme afin de ne pas dépenser d'argent pour un risque finalement jugé faible, si ce n'est inexistant...

Personnellement je m'assure au maximum des garanties, quel que soit le prix à payer qui sera de toute façon bien inférieur à ce que me coûterait la reconstruction de ma maison si elle venait à brûler en tout ou en partie.

Mais je ne dois pas être normal il faut croire.

En conclusion.


Beaucoup plus sérieux que ce qu'on peut lire chez Curry ou sur Skyfall, cet article intitulé Climate Models Versus Weather Models: Different Approaches for Different Needs écrit par une certaine Sarah Truebe.

Lire notamment :
  • Les modèles climatiques ne cherchent pas à prévoir ce qui va se passer à un endroit et à un point précis. Donc ils ne peuvent pas produire une prévision pour, par exemple, le 15 mars 2077, ou même demain! Au lieu de cela, les modèles climatiques sont utilisés pour déterminer comment les conditions moyennes vont changer - comme par exemple, fera-il en moyenne plus chaud ou plus frais, plus humide ou plus sec, à Tucson au cours des 50 prochaines années ? Et ce sont les informations dont nous avons besoin si nous voulons planifier des choses comme la pénurie d'eau, les incendies plus fréquents ou tout autre impact sur le Sud-Ouest qui pourrait résulter des effets locaux du changement climatique mondial. Pour gérer les opérations du réservoir dans le lac Mead, par exemple, le Bureau of Reclamation des États-Unis ne se soucie pas des conditions exactes le 15 mars 2077. Ils s'intéressent de savoir si sur une période de 5 à 10 ans il y aura assez d'eau pour répondre aux exigences de Usagers de l'eau du fleuve Colorado.(climate models aren't trying to predict what is going to happen at a specific place and point in time. So they can’t produce a forecast for, say, March 15, 2077, or even tomorrow! Instead, climate models are used to determine how the average conditions will change - as in, will it be on average warmer or cooler, wetter or drier, in Tucson over the next 50 years? And this is information we need if we're going to plan for things like water shortages, or more frequent fires, or any of the other impacts on the Southwest that might result from the local effects of global climate change. To manage reservoir operations in Lake Mead, for example, the U.S. Bureau of Reclamation doesn't care about the exact conditions on March 15, 2077. They care whether over a 5 to 10 year period there will be enough water to meet the demands of Colorado River water users.)
 Et pour vraiment s'informer plus en détail auprès de spécialistes, on a le CNRS, avec Hervé LeTreut,
pas moins :
  • Dans la démarche des modélisateurs on est ainsi passé d’une démarche purement académique destinée à bien comprendre le fonctionnement de notre environnement, à une approche plus large, nécessaire pour argumenter la prise de décisions. La complexité du monde naturel fixe des limites à cet exercice, mais elle indique aussi que nous ne serons probablement jamais en mesure de contrôler l’évolution de notre planète, si elle commence à nous échapper.
Eh oui, il est « nécessaire de prendre des décisions » et pour cela il faut des outils, par exemple les modèles climatiques, mais on peut comprendre que certains n'aiment pas les « prises de décisions » quand celles-ci ne vont pas dans le sens de leurs intérêts !




jeudi 23 mars 2017

Encore un sévère démenti pour Benoit Rittaud !

En septembre 2014 Benoit Rittaud, malencontreusement assisté de sa boule de cristal, nous prédisait dans un article mémorable intitulé L’Organisation météorologique mondiale enterre le réchauffement climatique :
  • Je ne pensais pas que ma boule de cristal était si efficace. [...] En bon promoteur du développement durable, l’OMM est donc en train de recycler le gaz carbonique : la Terre ne se réchauffant plus, l’OMM passe aussi discrètement que possible à autre chose. Les +6°C en 2100 dont on nous parlait encore il y a peu sont passés par pertes et profits : la « Pause » dans la hausse des températures qui dure depuis plus de 15 ans est passée par là.
  • Ainsi, qu’on se le dise : les carbocentristes ont désormais déserté le terrain du réchauffement climatique, au profit de l’acidification des océans. Et, je vous le disais en introduction, ma boule de cristal me l’avait prédit en janvier 2010.
Ah et qu'avait donc prédit, au fait, la boule de cristal de Benoit Rittaud en 2010 ? Je l'ai déjà dit mais cela va mieux en le répétant et en utilisant les mots mêmes du voyant extra-lucide mathématicien égaré dans le monde irréaliste des climatosceptiques :
  • [...] la température de la Terre a brutalement chuté depuis trois ans [...]
Je rappelle, le billet étant supposé écrit par anticipation le 12 octobre 2014, « depuis trois ans » signifie en 2012-2013-2014, trois des années parmi les plus chaudes depuis que les relevés de températures existent !

Mais l'objet du billet n'est pas la chute des températures fantasmée par Rittaud en 2010 dans un navrant exercice de pseudo-science-fiction, c'est la prophétie encore plus désolante du gourou concernant, selon ses propres mots, « l'enterrement du réchauffement climatique par l'OMM » et le recentrage exclusif de cette organisation sur l'acidification des océans.

Malheureusement pour Rittaud, et comme bien évidemment un esprit sain pouvait facilement s'en douter, la conjecture tombe à l'eau (acide ou basique ?) comme on peut le constater avec le dernier rapport de l'OMM sur l'état du climat en 2016.

Trois pages (dont deux seulement en partie) sont consacrées aux océans, et j'ai eu beau bien regarder je n'ai vu aucune mention faite à leur acidification, Benoit Rittaud a donc tout faux !

Cependant l'OMM parle bien du blanchiment des coraux mais en l'attribuant clairement aux températures trop élevées :
  •  The very warm ocean temperatures contributed to significant coral bleaching in some tropical waters. Among the areas significantly affected was the Great Barrier Reef off the east coast of Australia, where record high sea-surface temperatures occurred in March. Coral mortality of up to 50% was reported in northern parts of the reef north of Lizard Island. Later in the year, severe coral bleaching was also reported in the Okinawa region of Japan, with government surveys in November and December revealing coral mortality up to 70% in the Sekisei lagoon.
    Coral bleaching was also reported from Pacific island countries such as Fiji and Kiribati, with associated fish deaths reported in Fiji. Significantly higher sea-surface temperatures, as much as 3 °C above average in some areas, are implicated in dramatic changes to the physical, chemical and biological state of the marine environment with great impacts on food chains and marine ecosystems, as well as socioeconomically important fisheries.
On remarquera cependant ceci : « dramatic changes to the physical, chemical and biological state of the marine environment », et ce que je pense comprendre c'est qu'il s'agit en partie de l'acidification (chimique) mais qu'il y a bien d'autres conséquences (physiques et biologiques) à prendre en compte pour expliquer le blanchiment des coraux et la surmortalité des poissons.

Au sujet des océans il est intéressant d'ailleurs de comparer ces deux graphiques fournis par l'OMM :

Total global ocean heat content (in units of 10^22J) for the 0–700 m layer, compared with 1955–2006 reference period. Data averaged over periods of three months (red line), one year (black) and five
years (blue) (Source: prepared by WMO using data from the US NOAA National Centers for Environmental Information)

Global mean sea-level change 1993 to August 2016, with annual cycle removed from the data: monthly values shown in pale blue; three-month averages in dark blue and a simple linear trend in red
(Source: Commonwealth Scientific and Industrial Research Organization, Australia)

A rapprocher du graphique présenté au tout début concernant les anomalies de températures issues des trois organismes ayant fourni les données :

Global average temperature anomalies (1961–1990 reference period) for the three major datasets used in this Statement. The grey shading indicates the uncertainty in the HadCRU dataset. (Source: UK Met Office Hadley Centre)

Pour information et afin de bien voir que l'OMM ne suit pas exactement les « recommandations » de Benoit Rittaud qui lui « suggérait » de ne s'occuper que de l'acidification des océans, voici la table des matières :


Eh oui, comme le disait si bien notre amateur en divination :
  • Je ne pensais pas que ma boule de cristal était si efficace ;
  • la Terre ne se réchauffant plus, l’OMM passe aussi discrètement que possible à autre chose ;
  • les carbocentristes ont désormais déserté le terrain du réchauffement climatique, au profit de l’acidification des océans.
Oui je sais je remue le couteau dans la plaie, au cas où certains n'auraient pas bien compris...



mardi 21 mars 2017

Le Berruyer se rebiffe (les dialogues ne sont pas de Michel Audiard)

Olivier Berruyer n'est pas content, il est colère contre son pire ennemi, le tabloïd Le Monde qui fait rien qu'à l'embêter.

Un lecteur attentif  et attentionné me fait remarquer, suite à mon dernier billet sur le Berruyer :
C'était gentil de sa part mais pas très sympa, car il m'a obligé à me farcir la logorrhée berruyesque, ce que je m'étais juré d'éviter de faire afin de préserver mon temps de sommeil et de loisirs et de consacrer le reste à des choses utiles.

D'ailleurs le tout premier commentateur du billet de réponse aux diatribes du Monde ne s'y est pas trompé :
  • Garibaldi2 Le 18 mars 2017 à 09h13
    Votre loooooooong article est chiant et imbuvable ! [...]
Mais c'est pour enchainer avec :
  • [...] Quand donc cesserez-vous de perdre votre temps et votre énergie à répondre à des gens payés pour démolir votre réputation en pratiquant le système du pâté d’alouette (une vérité pour faire passer 10 mensonges). Tout le monde à compris quel est le but du Décodex et autre Conspiracy Watch.
Sauf que le Garibaldi en question résume en fait peut-être, par « une vérité pour faire passer 10 mensonges », ce qui fait le succès du blog Les Crises, et on pourrait le paraphraser en ajoutant « Tout le monde a compris quel est le but du blog d'Olivier Berruyer »...

Pour écrire mon billet j'ai avant toutes choses lu trois fois le billet « dénonçant l'Intox du Monde sur les soi-disant 600 articles erronés supprimés » (Intox avec un I majuscule s'il vous plait)
  1. en premier lieu dès connaissance du message de mon commentateur AlanP, j'ai suivi le lien qu'il me donnait et suis tombé sur le laïus que j'ai survolé puis abandonné, étant alors occupé à autre chose ;
  2. puis je l'ai repris, sur mon téléphone portable, dans un endroit où vous ne pouvez pas aller à ma place, et je dois avouer que ça m'a bien aidé sur le moment ;
  3. enfin je l'ai relu à tête reposée (sic) devant mon ordinateur de bureau, là où je pouvais bénéficier d'un écran me permettant de voir tous les détails sans avoir constamment à agrandir les images avec mon pouce et mon index.
Je ne prétendrai pas faire un résumé de ce que j'ai pu lire (qui pourrait être « Le Monde il est méchant et j'ai pas mérité ça ») mais à la place je vais faire du cherry-picking en sélectionnant les passages particulièrement intéressants et en les commentant brièvement (je ne veux surtout pas accabler mes rares lecteurs, que je tiens à conserver en bon état de marche, avec des considérations alambiquées tentant par exemple de trouver des causes psychologiques aux divagations de notre actuaire favori)

Je dois aussi préciser que je ne considère pas que tout chez Berruyer soit à jeter à la poubelle, il y a probablement des choses de vraies, le problème c'est de trier le bon grain de l'ivraie en arrivant à déceler ce vrai parmi tout ce qui est faux ou approximatif ; quand je repère du vrai je le dis, et si c'est plus flou itou.

On peut dire que ça commence fort avec :
  • Il est quand même intéressant de voir jusqu’où peut désormais aller une équipe non contrôlée dans ce qui est probablement le plus influent quotidien français.
Je ne sais pas ce qu'est « une équipe non contrôlée », peut-être que Berruyer pourrait nous expliquer le fonctionnement de son propre blog pour savoir de quoi il s'agit...

Suit une série de jolies images représentant notamment des tweets et retweets qui donnent mal à la tête et font davantage penser à une discussion de cour de récréation qu'à une véritable argumentation ; mais c'est ça la méthode Berruyer à laquelle il faut s'habituer, beaucoup d'images (et de vidéos) avec un peu de texte au milieu servant de liant et de transition, apparemment les lecteurs fans du site adorent et en redemandent.

Au passage on notera une explication brumeuse concernant Doctissimo qui aurait été « verdi » par les Décodeurs du Monde apparemment suite à un accord entre eux :
  • Le 21 février, j’ai sorti l’information sur le blanchissement “verdissement” du site Doctissimo le jour d’un accord Le Monde/Doctissimo (un hasard selon les Décodeurs). Plus intéressant, je montrais dans une mise à jour en fin d’article que, pris la main dans le pot de confiture, la première réaction de Samuel Laurent et d’Adrien Sénécat était de mentir se tromper [...] Je constate que c’est en réponse immédiate à mes démonstrations qu’ils ont commencé à lancer leurs rumeurs malveillantes – totalement non vérifiées (aucun journaliste du Monde ni aucun membre de l’équipe des Décodeurs ne m’ayant a priori contacté…) [...] (pour l’anecdote, on notera qu’un des rares retweets émane de Rudy Reichstadt, un des “copains de ce blog”, mais on en reparlera)
Tout cela est bien confus et un peu à côté de la plaque, il me semble que cela s'apparente à une tentative de diversion (red herring en anglais) du principal sujet qui porte plutôt sur les « 600 articles erronés supprimés » du blog Les Crises. Cependant je dois admettre que si Le Monde n'a pas contacté Berruyer il s'agit d'une erreur de leur part, il aurait quand même été bon de recueillir l'avis « de la défense » afin de ne pas accuser uniquement à charge.

Mais le plus intéressant est par la suite, notamment :
  • Au vu de la notoriété du Monde, du coup, plein de gens y croient, ce qui pourrit ma réputation sur les réseaux sociaux [...] 
Et de lister quelques critiques glanées sur Twitter, sur le mode « ils m'assassinent sur les réseaux sociaux », ne se rendant même pas compte qu'il est lui aussi un acteur de premier plan sur les réseaux sociaux qui relaient ses articles bidons sur la Syrie et l'Ukraine, et que beaucoup de gens se servent de ses billets « assassins » afin de cracher sur les médias mainstream comme Le Monde (souvent renommé en L'Immonde, comme Libération devient L'Hibernation...)

  • Ben oui, j’ai que ça à faire dans la vie, répondre aux Décodeurs du Monde, aux Décodeurs de Libération, et pourquoi pas bientôt aux Décodeurs du Figaro, aux Décodeurs de Ouest-France, aux Décodeurs du Bulletin municipal de La Bourboule... – il va falloir que j’embauche ? Je rappelle que j’analysais le patrimoine Macron à ce moment-là – j’avais prévu de faire une réponse argumentée à ces accusations juste après.
« il va falloir que j'embauche », Berruyer avoue qu'il travaille en sous-effectif, mais on s'en doutait un peu, car c'est le propre d'un amateur qui travaille dans son coin et prétend rivaliser avec les professionnels que sont les journalistes possesseurs d'une carte de presse, ceux qui ont une déontologie (qu'ils ne respectent peut-être pas tous tout le temps, mais bon...), car il faut rappeler que Berruyer n'est qu'actuaire et accessoirement blogueur (blogueur comme moi) sans aucune compétence pour parler de la situation géopolitique complexe de pays comme la Syrie ou l'Ukraine.

Et que dire de ses geignements sur le harcèlement des Décodeurs et, de manière générale, de tous ceux qui le critiquent (comme moi par exemple) alors qu'il se livre à un travail essentiel, celui d'analyser le patrimoine de Macron, monument auquel le Canard Enchainé ou Médiapart sont bien plus qualifiés que lui pour s'attaquer ?

  • Il s’est aussi trouvé des journalistes mainstream pour venir m’interroger sur la base de cette rumeur (comme quoi ils semblent plus intéressés par mes archives que par le comportement des Décodeurs, les erreurs du Monde ou les questions que je soulève régulièrement ici…)
« Comme quoi » il y a des journalistes mainstream qui font bien leur boulot !

Puis de citer une litanie de commentaires sur son propre blog émanant de fidèles lecteurs commençant à se poser des questions sur le sérieux de l'ami Berruyer, sur le mode « ils ont réussi à polluer mes lecteurs, les salauds ! »

  • En conséquence, je suis obligé de devoir me justifier auprès de mes propres lecteurs – temps qui est évidemment pris à la rédaction d’articles de fond (j’avais prévu de faire un billet sur le patrimoine de Fillon ce week-end, eh bien tant pis…)
Ah bon, parce qu'en plus de Macron il a prévu également Fillon, « comme si » le Canard n'avait pas suffisamment habillé l'individu pour les cinq prochains hivers, au moins !

Il en vient ensuite à l'article du Monde intitulé Les mille et une ruses de l’industrie de la désinformation, celui-là même qui m'avait été indiqué en commentaire :
  • Le Monde remet une couche sur lescrises.fr :
    http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/03/16/les-mille-et-une-ruses-de-l-industrie-de-la-desinformation_5095635_4355770.html

    Je suis du meme avis que vous pour ce site et son auteur.

    BenHague
Cet article du Monde était sous-titré « Enquête sur des méthodes employées par des sites trompeurs pour diffuser de fausses informations sans se faire prendre. » et je l'avais trouvé plutôt bien ficelé et argumenté, en tout cas il reflétait assez bien ce que je pensais des sites sur lesquels on peut tomber sur le net et dont il faut se méfier si l'on tient à s'informer correctement (et non je ne suis pas payé par Le Monde pour faire sa promotion)

Cet article n'a visiblement pas plu à Berruyer, il est même probablement à l'origine de sa réaction épidermique deux jours après.

Et de citer deux passages que je vais retranscrire ici plutôt que de faire comme Berruyer qui a choisi de montrer deux images qui disparaitront un jour ou l'autre :
  • Les fake news qui circulent massivement en ligne ne tombent pas du ciel. L’examen détaillé de certaines de ces rumeurs par Les Décodeurs à l’occasion du lancement du Décodex montre que les artisans de la propagande déploient des méthodes de plus en plus ingénieuses.
  • 5. Cacher ses erreurs

    Pour qui veut continuer de diffuser des informations trompeuses ou erronées tout en conservant une crédibilité intacte, il est fondamental de cacher ses erreurs.
    Le site les-crises.fr, alimenté par le blogueur Olivier Berruyer, est un cas d’école. Alors que plusieurs milliers d’articles y ont été publiés depuis sa création, il apparaît que des centaines d’entre eux ont été supprimés depuis leur publication d’origine. Nous avons pu le constater en consultant la « table des matières du site » (mise hors ligne depuis), qui renvoyait vers plus de 500 articles désormais inaccessibles (la liste est visible ici).
    A chaque fois, nous avons pu retrouver le titre des articles en question, sans toujours pouvoir les consulter en intégralité (certains le sont encore dans le cache de Google ou, lorsqu’il s’agit de reprises, sur le site qui les avait publiés en premier).
    Certains sont de banales reprises d’articles d’autres médias, dont on ne sait pourquoi ils ont été supprimés. D’autres, en revanche, sont plus contestables : on y trouve ainsi des références à des figures de la mouvance conspirationniste comme l’américain Paul Craig Roberts (17 articles supprimés), qui a notamment soutenu une théorie accusant le gouvernement américain d’avoir orchestré l’attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo.
Et je peux moi-même confirmer qu'ayant à plusieurs reprises voulu retrouver des articles sur la Syrie ou l'Ukraine à partir de la table des matières ou des tags du site Les Crises cela m'a été impossible.

C'est alors que Berruyer nous propose de
  • [...] mettre un peu les mains dans le cambouis du blog…
Et là il nous refait le coup de l'aveu d'amateurisme :
  • Le blog a été entièrement refondu en 2012, au bout d’un et demi d’existence (promis, c’était bien plus moche au début… ).
    Il y avait beaucoup de choses à faire, et le budget était limité.
Ben oui, quand on n'a pas les moyens on ne se lance pas dans des projets pharaoniques !

Suit une explication oiseuse sur ses difficultés pour gérer son blog
  • [...] avec près de 2 000 articles, c’était devenu un magma totalement inutilisable.
2 000 articles en quatre ans, faites le calcul, cela fait 500 par an, soit entre 1 et 1,5 article par jour en moyenne, pas étonnant que Berruyer n'ait pas le temps nécessaire à consacrer à la vérification de ses sources, c'est bien plus facile de copier/coller des informations glanées par-ci, par-là, d'ajouter des vidéos sorties d'on ne sait où et d'agrémenter le tout avec de jolis dessins qui apportent un peu de couleur et de distraction à l'ensemble.

Et là arrive un petit bijou :
  • Je demande à tout un chacun de bien analyser : on a des journalistes et des informaticiens, payés par le Monde, qui sont venus se servir sur ce blog et ont décidé que, durant la campagne présidentielle, l’urgence était d’analyser une table des matières viciée sur le petit blog d’Olivier Berruyer. Et après ils se sont dit : “Tiens, si on affichait sur Lemonde.fr la liste de ces articles supprimés !”
Le surlignage en jaune canari sert évidemment à attirer l'attention du lecteur sur le fait qu'il s'agit de quelque chose de primordial qui est dit.

Ainsi Berruyer reproche au Monde de payer des journalistes, aidés (peut-être) d'informaticiens, afin d'enquêter sur son blog qui, selon wikipedia, est quand même classé dans les « 40 000 sites les plus lus au monde et régulièrement classé premier blog français dans la catégorie économie » !

C'est vrai que si les journalistes du Monde commencent à faire le boulot pour lequel il sont payés où va-t-on ?

Et on admirera le passage « ont décidé que, durant la campagne présidentielle » qui montre bien qu'il y a un complot du Monde contre Berruyer afin de l'empêcher de crier la vérité sur les agissements de Macron ou de Fillon !

Puis viennent des explications, ou plutôt des tentatives de justification sur les liens supprimés :
  • Et il y a une bonne raison à leur suppression : [les miscellanées et revues de presse de 2014] sont obsolètes !
Ben voyons, ces liens sont obsolètes parce que :
  • Les miscellanées comprennent des interventions vidéos dont beaucoup ont été supprimées, ou qui, de technologie Flash, ne vont bientôt plus marcher, cette technologie étant mourante :
Voilà le problème avec les vidéos jetées en pâture aux lecteurs afin de les « informer », elles deviennent un jour inaccessibles ce qui somme toute est plutôt une bonne chose quand elles sont en réalité douteuses et peuvent éventuellement se retourner contre celui qui les a publiées ; mieux vaut les faire disparaitre en renvoyant la faute sur « Google qui programme la fin du Flash sous Chrome pour début 2017 ».

Je ferai à cette occasion remarquer que personnellement je ne supprime aucun article ni lien publié sur mon blog, pourtant il y a certains articles que je trouve mauvais et certains liens qui ne marchent peut-être plus si la source a disparu entretemps, mais je considère que tout ce qui a été publié doit rester en l'état, les seules corrections que je m'autorise étant celles liées à des fautes d'orthographe ou des mauvaises constructions de phrase qui m'auraient échappées, et je m'assure de ne jamais altérer le sens de ce que je voulais dire initialement. Mais Berruyer et moi ne devons pas avoir la même définition du respect dû aux lecteurs, c'est peut-être pourquoi mon blog ne figure pas dans les 40 000 sites les plus lus dans le monde...

  • Soucieux de la qualité offerte aux lecteurs du blog, ayant constaté que ces articles avaient quasiment tous reçu ZÉRO visite dans l’année précédente, et comme ils ne présentent plus guère d’intérêt (sauf pour la famille d’Olivier Delamarche pour l’entendre parler de Ben Bernanke lors de la réunion de la Fed de fin 2013 ou celle de Philippe Béchade pour l’évolution de la Bourse en mai 2014) ils ont été supprimés
Donc Berruyer estime qu'un article qui n'est plus lu durant une année doit disparaitre, curieuse conception de l'archivage de l'information et, surtout, étonnant aveu que ces articles « ne présentent plus guère d’intérêt », et on se demande selon quels critères il décide qu'un article présente ou non de l'intérêt, car si c'est celui du nombre de visites cela me parait plutôt léger comme explication...En effet un article polémique sans intérêt autre que la polémique pourra attirer de très nombreux commentaires et sera également diffusé un peu partout, alors qu'un article plus « technique » n'intéressera pas grand monde et sera donc, selon les critères berruyéens, à jeter à la poubelle...

Mais le plus comique arrive avec ceci :
  • Le reste des liens du Monde est très intéressant. Car je repère dans la liste des Décodeurs à vue d’oeil une majorité d’articles n’ont JAMAIS ÉTÉ PUBLIÉS, car ils sont toujours en mode BROUILLON et d’autres, je ne sais pas ce que c’est – beaucoup d’articles brouillon n’étant même pas terminés, voire même pas commencés, il n’y avait que le titre. Et encore, parfois c’est un titre pour me faire rire qu’a mis une des personnes qui reprend les articles, à évidemment ne jamais publier tel quel. Donc, c’est sûr que les Décodeurs ont eu du mal à retrouver la trace d’articles jamais publiés sur le blog… (quand je pense au temps qu’ils ont dû perdre là-dessus). Je me demande surtout d’où ils sortent ceci – ont-il piraté mon blog ? est-ce aurait eu un gros bug dans la Table des Matières qui m’avait totalement échappé (je n’en sais rien, je l’ai supprimée), ont-il récupéré ceux-ci d’une autre matière, je n’en sais rien…
 Ainsi Berruyer mettrait dans sa table des matières des articles « jamais publiés » ? Étonnant, non ?

Car enfin, Le Monde n'a pas inventé cette table des matières de laquelle il a extrait des liens qui ne marchent pas, et je rappelle que moi-même j'ai pu constater à plusieurs reprises que des liens ne fonctionnaient pas ou plus, donc Berruyer confirme bien son amateurisme en la matière (sic) !

Et d'enfoncer son clou dans ses propres chairs avec :
  • [...] il y a trop d’articles sur ce blog (plus de 3 000 désormais), et les lecteurs ont parfois des soucis pour retrouver certains articles. Cela signifie que bon nombre d’articles ont vu leur adresse modifiée ; et comme la “table des matières” n’est plus mise à jour depuis 2015, vous voyez le souci ?  [...]
Et de lister une litanie qui commence ainsi :
Ah oui tout s'explique, secrase est devenu s-ecrase et c'est pourquoi c’est du poumon que vous êtes malade comme dirait Toinette !

Et je comprends mieux pourquoi je suis fautif ne n'avoir pas su retrouver les liens que je cherchais désespérément.

Mais qu'on se rassure :
  • au vu de l’audience du blog, à peu près tous les articles qui ont bien marché sont repris quelque part !
Maintenant reste à savoir ce que Berruyer entend par « articles qui ont bien marché », sont-ce des articles reflétant la réalité (ou la vérité) ou bien des articles ayant attiré un maximum de lecteurs et de commentaires ?

Mais peut-être que Berruyer pense vraiment qu'un article lu par un très grand nombre de personnes est forcément la preuve de son authenticité ?  Dans ce cas je connais beaucoup d'articles qui reflètent la vérité sur des sites comme WUWT ou Contrepoints... pour ne citer que ces deux-là.

Et que dire quand Berruyer tente ceci :
  • Mais à quoi Samuel Laurent fait-il allusion avec ses “publications conspirationnistes sur le MH-17 en Ukraine” ? Quelle conspiration y aurait-il là ??
On croit rêver, mais non, Berruyer nie avoir essayé d'expliquer que le MH-17 avait été abattu par l'Ukraine et non par les pro-Russes, je dois effectivement avoir imaginé cela (mais il est vrai que parfois la mémoire peut faire défaut...)

Vient ensuite un passage sur Paul Craig Robert dont Berruyer nous fait l'éloge :
  • [...] je rappelle qui est Paul Craig Roberts : c’est un économiste et journaliste américain, né en 1939.  Il est sous-secrétaire du Trésor dans l’administration Reagan, et se fait connaître comme l’un des pères fondateurs de la Reaganomics. Le ministre français de l’Économie et des Finances, Édouard Balladur, reconnaissant ses compétences, lui décerne la Légion d’honneur en mars 1987 pour son « renouvellement de la science économique et politique après un demi-siècle d’interventionnisme ». Il a témoigné devant des Commission du Congrès à 30 occasions. Mais c’est aussi un journaliste. Il a été Rédacteur en chef adjoint du Wall Street Journal, et éditorialiste à : The New York Times, The Washington Post, The Los Angeles Times, The Financial Times, Fortune, Business Week, Commentary, The Public Interest, The National Interest, Policy Review, National Review, The Independent Review, Harper’s,  London Times, TLS, The Spectator, The International Economy, Il Sole 24 Ore, et le Nihon Keizai Shimbun. En 1992, il a reçu le prestigieux Prix Warren Brookes d’excellence dans le journalisme, et en 1993 le Forbes Media Guide l’a classé dans les 7 meilleurs journalistes des États-Unis.
Pour un peu plus loin le dézinguer :
  • Maintenant, il a en effet dit des trucs très contestables en 2015 sur Charlie Hebdo (même si je n’ai pas plus creusé que ça). Peut-être gatouille-t-il maintenant – la vieillesse est parfois un naufrage…
« Comme si » le naufrage datait seulement de l'année 2015, voici ce qu'écrivait l'animal en 2007, soit avant que Berruyer ne crée son blog :
  •  NPR [National Public Radio]`s assumption that the official 9-11 story is the final word is uninformed. Polls show that 36 percent of Americans and more than 50 percent of New Yorkers lack confidence in the 9-11 commission report. Many 9-11 families who lost relatives in the attacks are unsatisfied with the official story.
  •  Why are the U.S. media untroubled that there has been no independent investigation of 9-11? 
  •  Over the past six years, the ranks of distinguished skeptics of the 9-11 storyline have grown enormously.
  • Dr. Andreas von Buelow, former West German minister of research and technology and former state secretary of the federal ministry of defense, said: "The planning of the attacks was technically and organizationally a master achievement. To hijack four airliners within a few minutes and within one hour to drive them into their targets with complicated flight maneuvers! This is unthinkable, without years-long support from secret apparatuses of the state and industry."
  • Gen. Leonid Ivashov, chief of staff of the Russian armed forces, said: "Only secret services and their current chiefs — or those retired but still having influence inside the state organizations — have the ability to plan, organize and conduct an operation of such magnitude. … Osama bin Laden and al-Qaida cannot be the organizers nor the performers of the Sept. 11 attacks. They do not have the necessary organization, resources or leaders."  
  • The greatest benefactors of 9-11 are the authoritarian personalities that John Dean says have taken over the Republican Party. 
Bref les services secrets américains (la CIA) ont planifié les attentats pour le compte du parti Républicain, ni plus ni moins ; et c'est à cet individu que Berruyer accorde sa confiance pour publier sur son blog des articles sur l'Ukraine...

  • Mais en quoi en suis-je responsable ? [...] Sachant que j’ai dénoncé sans ambiguïté toute les théories conspirationnistes sur Charlie Hebdo, dans ce billet par exemple.
Seulement voilà, le conspirationnisme concernant les attentats du 11 septembre ou Charlie Hebdo sont indéfendables, et Berruyer se garde bien de tremper là-dedans, par contre pour ce qui est de la Syrie et encore plus de l'Ukraine...là on peut sans grand danger affirmer ou laisser fortement supposer que la CIA soit derrière les révolutions tentant de renverser des régimes qui, comme par hasard, sont tous les deux soutenus par Moscou (Jacques Sapir sors du corps d'Olivier Berruyer s'il te plait !)

Je ne vais pas m'éterniser et je terminerai par ceci :
  • Cela veut dire qu’à présent, quand je partage un auteur, il me faut prier pour que, dans 5 ans, il ne tienne pas un propos délirant ? Je dois anticiper, deviner ? Et vous, au Monde, avec vos milliers de contributeurs publiés, comment faites-vous  je suis très curieux ? Avez-vous un service dédié qui contrôle ce qu’ils disent des années après, et qui intervient pour supprimer des vieux billets ? Sans doute irai-je investiguer un jour…
Oui effectivement, il serait bon que Berruyer fasse une école de journalisme avant de se prendre pour Tintin reporter.

Donc en conclusion je n'ai pas été convaincu par l'« argumentation » berruyesque et en cela je rejoins l'un de mes commentateurs :
  • Personnellement je n'ai pas été convaincu par cet argumentaire plaidant l' incompétence informatique et la persécution . C' est très très leger ... D' autant plus que Beruyer fait une allusion bien perverse sur le fait que cette histoire est menée pour l' empecher d écrire un article sur Macron ( il dit bien 4 ou 5 fois que répondre à cette "caballe" lui prend le temps necessqire pour ecrire sur Macron) Or comme tout le monde le sait , le Decodex , c'est Le Monde , dont l ' actionnaire principal est Pierre Berger ... qui est un des principaux soutien de ... Macron ...
    Beruyer donne donc dans la paranoia et le complotisme ... en ligne avec ce que je pense de lui ....

    L'argument selon lequel il ne comprenait cet acharnement contre un petit blog qui n 'est pas un site d'information m ' a fait sourire ....

    BenHague
Je suis d'accord, mieux vaut en (sous)rire.



mercredi 15 mars 2017

La vérité sur l'Ukraine ?

En février j'ai publié un article sur Olivier Berruyer qui m'a apporté son lot de commentaires, en particulier concernant la crise actuelle en Ukraine.

J'ai retenu notamment le commentaire suivant :
  • [...] mes sources pour mes articles n etaient que tres rarement russe, mais dans la grande majorite ukrainienne.
    Car avant le coup d etat, plus precisement avant la mise en place d un ministere de la verite par Porochenko, il y avait une grande liberte d expression en ukraine.
    Depuis, ce n est plus le cas, et la liste des journalistes abbatus est tres longue.

    Quand au coup d etat il a ete completement organise par Andrei Parubiy, il le dit lui meme, il etait le "commandant de maidan".
    Il avait deja joue un role important dans la revolution orange, et il avait fait la promesse que les erreurs de la revolution orange ne se reproduirait pas. Resultat : il est le chef du parlement, et l'interlocuteur principal avec l'OTAN.
    Beau parcours pour le fondateur du parti national socialiste ukrainien.
    Yarosh, chef de pravy sektor, avait, et ce tres tot dans les evenements, prevenu qu'il avait assez d'armes en stock pour faire plusieurs revolutions, pour faire tomber plusieurs gouvernements.
    Nulland avait dit que les USAs travaillaient et financaient depuis des annees.
    Toutes ces informations ne viennent pas des russes, mais de ces personnes eux memes, et donc viennent de la presse occidentale.

    J'ai passe des centaines d heures a investiguer, recouper les informations, je sais que c'est solide, et clairement pas de la propagande russe.

    mes principales sources etaient :
    korrespondant, ITAR TASS, toute la presse ukrainienne en general, tous les sites d'activites ukrainiens (euromaidan, uno, pravy sektor, svoboda, azov, etc), le plus de forum possible afin de suivre les differents points de vue, et en international : la presse francophone souvent belge ou suisse, la presse US (FT NYT WP), la presse UK, la presse israelienne, la presse russe, la presse iranienne, etc
    mais bien sur, vous, lecteur du monde ou liberation, donc lecteur de sites qui ne font que reprendre des depeches de l AFP ou l AP, vous savez mieux.
    Saviez vous qu il y a une forte communaute ukrainienne au canada ? suite a la seconde GM
    ils sont tres actifs, et tres nationalistes, souvent d origine de l ouest ukrainien
    saviez vous que le pen, le pere, etait un soutien et un exemple pour l actuel president du parlement ukrainien ? qu il avait signe un accord avec le parti svoboda ?
    saviez vous que la milice Azov, qui s appelait avant les patriotes d ukraine, fondee par l actuel president du parlement, ouvertement neonazi, meme dans son blason, fait la police a Kiev, Odessa, Kharkiv, et a le controle d une des principales villes Mariupol ?

    La russie a clairement dit que l'est de l'ukraine ne serait jamais russe, cela a ete dit tres tot dans le conflit, juste pour rappel car apparament vous ne le savez pas. Je pense que vous confondez avec la crimee.[...]
Si l'on résume le point de vue de ce commentateur :
  • avant le coup d’État la presse aurait été libre, depuis elle ne le serait plus et les journalistes craindraient pour leur vie ;
  • le coup d’État aurait été organisé par un seul homme, Andrei Parubiy ;
  • les USA auraient depuis des années organisé et financé le coup d'Etat ;
  • la Russie n'aurait aucune prétention sur l'est de l'Ukraine.
Intrigué par ces affirmations (péremptoires) j'avais promis à ce commentateur que je me documenterai sur le sujet :
  • [...] si je vous résume ce sont les Américains et les Canadiens qui ont porté au pouvoir en Ukraine un parti d'extrême droite, et d'un autre côté nous avons Poutine qui a tout fait pour calmer le jeu, c'est bien cela n'est-ce pas ?

    J'ai évidemment simplifié à l'extrême (droite) votre vision des choses que vous avez sûrement pu consolider grâce à toutes vos sources, cependant j'ai un problème avec vous, c'est que je ne sais pas qui vous êtes... Êtes-vous un journaliste qui a couvert les événements et a une bonne connaissance du pays ? Ou bien un diplomate qui a été en fonction durant toute la période allant de la révolution orange jusqu'aux derniers bouleversements ? Ou bien un géopolitologue reconnu et expert dans les pays de l'est ? Ou bien un simple quidam qui donne son avis sur la question après avoir ingurgité des tonnes d'informations de toutes origines sans les avoir correctement digérées ?

    Bref tout ce que vous me dites est intéressant mais n'apporte pas grand chose au débat et surtout ne prouve rien.

    Mais votre intervention a au moins un mérite, c'est que j'envisage de me procurer un ou deux livres écrits par des gens sérieux afin d'approfondir ma connaissance sur ce sujet ; je l'avais déjà fait pour la Syrie quand Berruyer s'était laissé aller à raconter un peu n'importe quoi et cela avait été très profitable (pour moi et mon impression d'avoir été berné par cet individu)

    Enfin non je ne confonds pas avec la Crimée, je vous ferai remarquer que la Crimée fait toujours partie de l'Ukraine et qu'elle a été annexée illégalement par la Russie pour des motifs stratégiques déguisés sous un vernis de patriotisme ; et si la Russie ne veut pas annexer l'est de l'Ukraine alors il va falloir m'expliquer ce qu'elle y fait et pourquoi elle soutient les insurgés.
 Ayant relativement peu de temps en ce moment (mais cela pourrait s'améliorer dans le futur) mon choix de lecture s'est porté sur un livre dans la collection Que sais-je? intitulé Géopolitique de l'Ukraine, écrit par Emmanuelle Armandon, qui est, on nous dit, « politologue, spécialiste de l’Ukraine et des relations ukraino-russes. Elle a notamment enseigné à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) et travaille actuellement au sein du réseau international du groupe des Écoles centrales.

Le CV d'Emmanuelle Armendon m'incline à penser qu'elle est cent fois plus compétente qu'un Olivier Berruyer ou qu'un amateur prétendant avoir « passé des centaines d'heures à investiguer, recouper les informations, et qui sait que c'est solide, et clairement pas de la propagande russe » selon ses propres mots ; on ne s'improvise pas géopoliticien en ayant quelques opinions sur un sujet qu'on tente de confirmer en lisant un peu par ci par là tout ce qui peut aller dans le sens qui va bien...

Alors vérifions avec les données du livre d'Emmanuelle Armendon tout ce qu'a avancé notre commentateur « éclairé ».

Tout d'abord j'ai besoin de refaire un bref historique de la période post-soviétique, car j'ai tendance à m'embrouiller dans les noms et la chronologie :
  • 24/08/1991 : indépendance de l'Ukraine, confirmée par référendum du 1/12/1991 (90,5% en faveur de l'indépendance) ;
  • de 1990 à 1994 : Leonid Kravtchouk est président (de transition entre l'ère soviétique et l'indépendance) ;
  • de 1994 à 2005 : Leonid Koutchma (ancien apparatchik du PC) est président ;
  • Fin 2004 : Révolution Orange ;
  • de 2005 à 2010 : Viktor Iouchtchenko est président ;
  • de 2010 à 2014 : Viktor Ianoukovytch (pro-Russe) est président ;
  • du 21/11/2013 au 22/02/2014 : Euromaïdan ;
  • 18/03/2014 : la Russie annexe la Crimée ;
  • 2/05/2014 : autoproclamation d'indépendance des « Républiques populaires » de Donesk et Louhansk ;
  • depuis le 25/05/2014 : Petro Porochenko est président ;
  • Août 2014 : intervention directe de l'armée russe dans le conflit ;
  • 12/02/2015 : Accords de Minsk II.
Cette chronologie est forcément incomplète et a pour objectif de se fixer les idées sur les grandes lignes ; en fait les raisons de la crise ukrainienne sont à la fois simples et complexes.

Raisons simples si l'on considère que les frontières de l'Ukraine sont artificielles (tout comme celles de la Syrie...) comme le précise E. Armendon :
  • page 12 : [...] l'Ukraine appartient historiquement et géographiquement à l'Europe, elle en a été artificiellement séparée pendant la période soviétique.
  • page 66 : [...] l’État ukrainien n'a jamais existé dans ses frontières actuelles en tant qu’État indépendant avant 1991.
  • page 67 : [...] les régions qui composent l'Ukraine post-soviétique ont donc un passé, une population, des caractéristiques linguistiques, des repères culturels qui diffèrent les unes des autres.
  • page 70 : La présence d'une importante minorité russe dans l'Est et le Sud du pays a également des répercussions sur les relations entre Kiev et Moscou.
  • page 77 : [...] la Crimée est la seule région ukrainienne peuplée majoritairement de Russes ethniques.
  • page 80 : Le retour massif des Tatars de Crimée réveille de multiples appréhensions. [entre 1989 et 2001 les Tatars sont passés de 1,6% à 12,1% de la population...)
  • page 112 : L'intégration des régions occidentales du pays à l'Ukraine soviétique n'est intervenue [...] qu'au moment de la Seconde Guerre mondiale.
Tout cela explique très facilement beaucoup des difficultés rencontrées dans le conflit actuel, mais à cela s'ajoutent de multiples raisons complexes détaillées dans le livre, notamment dans les sous-chapitres :
  • page 40 : L'intégration européenne de l'Ukraine : un parcours semé d'embuches.
  • page 70 : Des tensions chroniques [avec la Russie] depuis 1991.
  • page 101 : De fortes dépendances [avec la Russie].
Parmi ces raisons complexes on peut par exemple citer :
  • pages 41-42 : [...] les dérives autoritaires du pouvoir [avec] l'assassinat du journaliste Gueorgui Gongadzé [dont] le commanditaire du meurtre ne serait autre que Leonid Koutchma en personne.
  • page 43 : [...] grandes entreprises étatiques que l'entourage de l'ancien président Koutchma avait acquises à des prix avantageux.
  • page 46 : Sous la présidence Ianoukovitch (2010-2013), c'est le recul démocratique observé dans le pays qui a conduit à une inéluctable détérioration des relations entre Kiev et Bruxelles.
  • page 47 : [...] en octobre 2010 [...] atteintes régulières à la liberté de la presse, [...] discriminations à l'encontre de certaines minorités ethniques (Roms et Tatars de Crimée notamment), [...] niveau élevé de corruption ou encore [...] défaillances observées lors du déroulement des élections locales fin octobre 2010.
  • page 57 : [...] la France, l'Allemagne et l'Italie, sont très attachés à voir se renforcer les liens avec Moscou, notamment pour des questions de sécurité et d'approvisionnement énergétique. [...] Les nouveaux pays membres estiment, pour leur part [qu']offrir une perspective d'adhésion à l'Ukraine permettrait de freiner les « ambitions impériales » de la Russie qu'ils continuent de considérer comme une menace potentielle à leur sécurité.
  • page 70 : [...] l'Ukraine vise un autre objectif [...] depuis 1991: prendre des distances avec la Russie tout en conservant avec elle des relations privilégiées.
  • page 71 : [...] pour de nombreux Russes [...] les Ukrainiens [...] forment [...] une composante de la nation russe, « une variation régionale d'une seule et même entité collective avec laquelle ils partagent plus de mille ans d'histoire ».
  • page 73 : « Des millions de Russes sont convaincus du fait que, sans l'Ukraine, il est non seulement impossible de parler d'une Grande Russie, mais d'une Russie tout court. »
  • page 79 : En 1989, la décision prise par les dirigeants de Kiev de proclamer l'ukrainien unique langue d’État provoque des réactions négatives.
  • page 83 : Conquise sous Catherine II en 1783, la Crimée a permis à la Russie d'accéder aux mers chaudes et d'affirmer ainsi son statut de puissance navale.
  • page 90 : Depuis lors (2013], la Russie pèse de tout son poids dans les évolutions de l'Ukraine et dans la grave crise qui l'affecte. [...] le vote du Conseil de la Fédération (Chambre haute du Parlement russe) autorisant le recours à la force en Ukraine, l'annexion de la Crimée, le soutien apporté aux séparatistes des régions de l'Est, les discours sur les « nationalistes, néonazis, russophobes et antisémites » au pouvoir à Kiev ont entrainé une détérioration sans doute durable des relations ukraino-russes.
  • page 91 : Depuis le début des années 1990, la question des rapports que l'Ukraine entretient avec l'OTAN a été à l'origine de profondes crises diplomatiques.
  • page 93 : [...] les relations entre Kiev et Washington se sont renforcées (soutien américain à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, aide financière américaine conséquente, etc.). C'est ce qui a amené le président Koutchma, en 1995, à soutenir officiellement l'élargissement à l'est de l'Alliance atlantique. Par la suite, il n'a pas hésité à affirmer que l'OTAN était un facteur de sécurité en Europe [...]
  • page 95 : [...] Vladimir Poutine [a] affirmé, en février 2008, que la Russie serait contrainte de pointer ses missiles vers l'Ukraine si cette dernière rejoignait l'OTAN [...]
  • page 101 : [en 2010] Si les rapports entre Kiev et Moscou se sont alors améliorés, c'est essentiellement en raison de la volonté de l'Ukraine de renouer un dialogue plus apaisé avec la Russie.
  • page 102 : Toutefois, c'est dans le domaine énergétique que la dépendance de l'Ukraine se fait le plus sentir.
  • pages 106-107 : [...] une grande partie [de la population russe d'Ukraine] ont voté en faveur de l'indépendance ukrainienne lors du référendum organisé en 1991. [environ 70%]
Voilà, je n'ai pas tout noté et certains autres points ajoutent encore à la complexité s'il en était besoin.

Et comme par hasard je reçois hier mon Télérama dans lequel je vois que deux reportages sont prévus dans le cadre de la Thema d'Arte mardi prochain 21 mars :
Inutile de dire que je vais essayer de ne pas les manquer.

En attendant Télérama propose une entrevue avec la chercheuse Ioulia Shukan, dont le CV, comparable à celui d'Emmanuelle Armandon, me rassure sur le sérieux de ce que je vais lire et dont voici quelques morceaux choisis :
  • A la question «  Le conflit actuel est-il un nouveau signe de l’écartèlement de l'Ukraine entre la Russie et l'Occident ? » la chercheuse répond : « Je n'ai pas l'impression qu'aujourd'hui l'Ukraine cherche sa place. C'est un État européen, dans le concert des nations européennes. La révolution de Maïdan a, entre autres, pris sa source dans le refus du président Ianoukovitch de poursuivre le processus d'association avec l'Union européenne. C'était pourtant le souhait de la majorité des citoyens ukrainiens. L'annexion de la Crimée par la Russie et la guerre au Dombas ont conduit l’État ukrainien à s'affirmer, à se projeter en tant qu'acteur sur la scène internationale, en s'affranchissant complètement de la tutelle de Moscou. »
    • Cela correspond à ce qu'écrit en conclusion Emmanuelle Armandon, page 119 : [...] l'annexion de la Crimée par la Russie et l'intervention militaire de cette dernière dans les hostilités qui ont éclaté dans la région du Dombas ont conduit l'Ukraine à confirmer le positionnement international qu'elle souhaitait adopter. 
    • E. Armandon avait d'ailleurs écrit dans son introduction, page 7 : C'est la volte-face du président Ianoukovitch après cinq années de négociations avec l'UE qui est à l'origine des contestations.
  • Nous apprenons plus loin que Moscou (i.e. Poutine) a pris l'habitude de jeter de l'huile sur le feu en «  reconnaissant les documents administratifs émis par les deux zones séparatistes, les « Républiques populaires » de Donesk et de Louhansk : L'administration russe avait adopté une position identique lors des conflits séparatistes en Géorgie ou en Moldavie. »
  • Ioulia Shukan nous informe également qu'« en 2014 et 2015, les bénévoles ont joué un rôle déterminant pour aider les populations civiles qui fuyaient les combats (1,7 million de personnes) [...] Depuis, l’État assume mieux son rôle. [...] Lors des récents bombardements sur la ligne de front, les populations locales ont rapidement reçu un soutien des services ukrainiens, notamment pour se restaurer, se réchauffer ou encore pour évacuer les zones de combat. Cette mobilisation prouve que l'annexion de la Crimée et le conflit avec les zones séparatistes du Dombas ont poussé les Ukrainiens à se positionner et à construire leur identité nationale. »
    • Et comme le précise E. Armandon, pages 116-117 : Andreï Gratchev, ancien conseiller de Mikhaïl Gorbatchev, [souligne que] « en annexant la Crimée, la Russie a porté un coup de massue aux relations proches, réellement fraternelles qui lient les deux peuples depuis des siècles » : elle a « perdu l'Ukraine pour longtemps, pour des générations ».
  • L'entrevue se termine avec la question « Trois ans après la mobilisation de 2014, la société civile est-elle déçue en ce qui concerne la corruption ? » à laquelle la chercheuse répond : « Oui et non. Certes on constate une continuité des pratiques de l'oligarchie précédente sous la présidence de Petro Porochenko.[...] En même temps,les membres de la société civile qui se sont engagés en politique, notamment des journalistes, tentent, au Parlement, de faire avancer les réformes.[...] Malheureusement, ces avancées ne sont pas aussi rapides et aussi importantes que les participants au mouvement de Maïdan l'espéraient. »
Je laisse à chacun le soin de comparer ce qui est dit par ces deux spécialistes de l'Ukraine avec ce que prétend notre informateur amateur qui se targue d'avoir publié des articles sur le site Les Crises :
  • cela n a jamais ete ecris que poutine est quelqu un de bien.
    le but du site [Les Crises] est de donner des informations qui ne sont pas publiees dans la presse francaise.

    personnellement j ai ecris les articles Actu'Ukraine en pleine crise du maiden.

    il n y a pas de complotisme dans le fait de dire que le maiden est un coup d etat aide par les USA, et le Canada. Ces pays s en vantent ouvertement, etaient present physiquement.
Pour les inconscients qui pensent pouvoir s'informer correctement avec le site Les Crises les articles concernant l'Ukraine sont consultables ici, pour la Syrie c'est . Évidemment c'est à vos risques et périls.

N'étant pas moi-même un spécialiste en géopolitique de quelque pays que ce soit, si je veux m'informer je commande quelques ouvrages sur le sujet, écrits par des personnes compétentes. Pour la Syrie mon choix s'était porté sur les deux livres suivants :
Le premier, écrit par un ancien directeur de l'AFP pour le Proche-Orient, est plus abordable que le second, rédigé par un docteur de l'Institut d'études politiques de Paris et donc plus « pointu ».

Maintenant il est beaucoup plus facile de se contenter de lire des articles de blogs écrits à la hâte avec force images et vidéos plus ou moins sorties de leur contexte, ce qui est apparemment devenu la spécialité d'Olivier Berruyer.

Je terminerai simplement avec cette carte de l'Ukraine qui permet de mieux voir les « forces » en présence :

Source https://expeditions.younglife.org/Pages/Ukraine.aspx






samedi 11 mars 2017

Jean Tirole et l'économie du bien commun

Je viens de terminer, avec soulagement, la lecture du dernier livre de Jean Tirole, l’Économie du bien commun.

Je dis « avec soulagement » car je dois bien l'avouer, ce livre m'est parfois tombé des mains tellement sa lecture peut s'avérer ennuyeuse ; mais il sera certainement très apprécié des étudiants en économie voulant apprendre quelque chose de notre « prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel » autrement appelé par simplification (ou par fainéantise) prix « Nobel d'économie ».

Certains passages sont parfaitement abordables et compréhensibles du commun (sic) des mortels, par contre d'autres se révèlent abscons et exigent du lecteur courageux d'être complètement éveillé et en possession de tous ses moyens intellectuels afin de comprendre quoi que ce soit, ce qui explique peut-être que le relecteur en charge de la correction orthographique ait laissé passé quelques bourdes vers la fin du livre du genre de celles-ci :
  • [...] les réseaux base tension [...] (page 622)
  • La première solution qui vient à l'esprit, dites des droits physiques sur les transports [...] (page 622)
  • Cette incitation a incité le gestionnaire [...] (page 606)
Et que dire des « goulots d'étranglement » qui par contre se retrouvent tout au long du livre et pas uniquement à sa fin (comme page 617) et montrent que Jean Tirole ainsi que son correcteur ne savent pas faire la différence entre un goulot, qui n'a aucun rapport avec un étranglement quelconque, et un goulet qui, lui, en est justement l'illustration ?

Mais ces fautes d'inattention ou mauvaises connaissances du sens d'un mot, même si dans le second cas on peut trouver cela étonnant de la part de quelqu'un d'aussi érudit que Jean Tirole, n'enlèvent rien à la pertinence (ou la non-pertinence...) des propos de l'économiste qu'il est.

Il m'est impossible de faire un résumé de ce livre tellement il est touffu, touffu dans le sens où il n'y a pas beaucoup d'« air » dans sa rédaction, c'est-à-dire que non seulement il manque de l'originalité qui permettrait au lecteur de rester attentif et de ne pas s'endormir, mais il y a également une telle densité d'informations que cela s'apparenterait presque davantage à du bourrage de crâne qu'à une dissertation sur ce que représente l'économie du bien commun, titre du livre et sujet apparemment paradoxal quand il est traité par un économiste plutôt catalogué (étiqueté ?) comme libéral que comme hétérodoxe...

Cependant, même si Jean Tirole ne fait pas partie des Économistes Atterrés, on ne peut pas dire qu'il soit un extrémiste du libéralisme, autrement dit un néo (ou ultra) libéral ; quelques passages suffisent à se convaincre aisément qu'il est assez modéré et réaliste (et lucide) dans ses positions :
  • Le marché a de nombreuses défaillances, qui doivent être corrigées (titre d'un sous-chapitre page 209)
  • Le défi climatique (titre d'un chapitre page 263)
  • Mais, au fait, pourquoi régule-t-on ? (titre d'un sous-chapitre page 422)
  • Dans beaucoup de domaines, nous sommes dépendants de l'avis d'experts beaucoup mieux informés que nous [...] La confiance est non seulement liée à la compétence, mais aussi à l'absence de conflits d'intérêt [...] (page 529)
  • La dérégulation et l'ouverture à la concurrence n'allaient cependant pas de soi, sauf peut-être chez les idéologues du laissez-faire. (page 597)
On peut pourtant ne pas partager tous ses points de vue, notamment sur le caractère scientifique de la discipline économique qu'à mon avis il sur-évalue tels les économistes Pierre Cahuc et André Zylberberg qui considèrent comme négationnistes tous ceux qui ne prennent pas pour argent comptant « les résultats de travaux publiés dans les revues scientifiques ».

Je ne prendrai qu'un seul exemple tiré du livre de Jean Tirole, dans lequel on est en droit de se poser des questions...

Dans le sous-chapitre sur les tarifs des entreprises régulées (page 611) Jean Tirole nous dit ceci, qui apparemment dans son esprit ne s'applique pas uniquement aux entreprises régulées mais a un caractère général :
  • [...] l'efficacité économique requiert que le prix d'un bien ou d'un service soit égal au coût marginal de ce bien ou de ce service. Le coût marginal est le coût de production d'une unité supplémentaire du produit et ne reflète donc en rien l'existence de charges fixes [...] Ces coûts fixes [...] doivent être soit ventilés entre les différents produits et les différents consommateurs qui collectivement justifient ces charges fixes, soit couverts par un financement séparé [...] Le raisonnement derrière ce principe de tarification au coût marginal est simple (sic) : si un bien coûte 10€ à produire, le consommateur que je suis internalisera le coût pour la société de la production de ce bien seulement s'il est tarifé à 10€ [...] (suivent plusieurs exemples de tarifications avec les comportements du consommateur y afférents)
Je suis désolé mais personnellement je ne vois pas comment je pourrais « internaliser » un coût de production que même les comptables sont souvent bien en peine de calculer eux-mêmes alors qu'ils ont à leur disposition toutes les données financières de leur entreprise !

En tant que consommateur je me vois essentiellement confronté à deux situations :
  1. dans l'urgence : je suis par exemple dans un magasin ou une grande surface et je n'ai pas la possibilité de comparer le prix d'un article avec ceux de la concurrence ; en fonction de mes moyens financiers et de mon désir d'acheter cet article je serais éventuellement prêt à dépenser bien plus que le prix affiché, alors que mon voisin, lui, ne mettrait sa main à la poche que si l'article en question était bradé avec une décote de 80%, et encore...
  2. dans le calme : je suis devant mon ordinateur et j'ai tout le temps de comparer les prix d'un bien ou d'un service afin de choisir le moins cher tout en respectant certains critères de qualité (ou pas)
Dans aucun de ces deux exemples je ne prends en considération le coût de production de l'article pour l'entreprise qui le commercialise, c'est quelque chose dont je me contrefiche complètement, c'est pourquoi je trouve les explications de Jean Tirole incompréhensibles.

Et que dire quand il se lance dans des explications de ce genre ?
  • page 621 : Pour une structure aval concurrentielle, il faut que le tarif d'accès soit linéaire et que son prix unitaire excède le coût marginal de l'activité amont afin de pouvoir couvrir les coûts fixes de l'infrastructure.
Il y a plus simple comme démonstration, même si ça s'éclaircit un chouia un peu plus loin :
  •  [...] on ne peut pas à la fois avoir une situation de monopole et réguler le secteur comme s'il était concurrentiel.
On comprend bien l'idée générale qui est assez intuitive, même si  le processus employé pour en arriver là est plutôt obscur...

Jean Tirole est beaucoup plus convaincant sur le sujet du climat pour lequel il consacre plus de quarante pages (263 à 310) avec en plus quelques références parsemées tout au long de son ouvrage ; ainsi :
  • page 32 : [...] de nombreux républicains se voyaient confortés dans leur posture climatosceptique. (en référence à des recherches de Dan Kahan)
  • page 33 : Nous ne voulons pas entendre que la lutte contre le réchauffement climatique sera coûteuse. [...] les messages qui écornent l'image de ce conte de fées et de Bisounours [à savoir un monde « dans lequel les acteurs n'auraient pas besoin d'être incités par la loi à se comporter vertueusement »] sont perçus au mieux comme anxiogènes, au pire comme émanant de suppôts, selon les cas, des fanatiques du réchauffement climatique, des idéologues de l'austérité ou des ennemis du genre humain.
  • page 38 : Toute solution sérieuse au problème du réchauffement climatique ne peut être que mondiale.
  • page 61 : [...] il faut bien s'assurer que ceux qui peuvent réduire leur pollution à bas coût le fassent ;  c'est exactement ce qu'assure un prix du carbone.
  • page 156 : Un [...] exemple du dilemme du prisonnier est offert par la lutte contre le réchauffement climatique [...] Individuellement, chaque pays a intérêt à ne pas réduire ses émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, mais les conséquences collectives de cette attitude égoïste sont désastreuses.
  • page 481 : La taxation du carbone est une politique qui ne fausse pas la concurrence entre les diverses solutions qu'on peut apporter au réchauffement climatique.
  • page 485 : [...] il semble acquis qu'une innovation technologique substantielle sera nécessaire si l'on veut contenir le réchauffement climatique à un niveau tolérable.
  • page 628 : [...] veut-on financer les renouvelables pour combattre le réchauffement climatique (si oui, une tarification directe du carbone serait une manière beaucoup plus efficace d'encourager le renouvelable [...] 
  • page 629, en note de bas de page : Une tarification du carbone est vraiment plus simple et plus logique en même temps.
Comme on le voit le réchauffement climatique n'est pas qu'à l'honneur uniquement dans le chapitre qui lui est spécialement consacré, dans lequel il expose successivement 7 sous-chapitres :
  1. L'enjeu climatique
    • Limiter l'augmentation à 1,5 à 2° C représente [...] un défi énorme, surtout dans un contexte mondial de croissance démographique forte et de désir légitime d'un nombre important de pays d'accéder au niveau de vie occidental.
  2. Les raisons du surplace
    • [...] notre politique commune [...] est le fruit de  deux facteurs : l’égoïsme vis-à-vis des générations futures et le problème du passager clandestin.
      • Chaque pays agit d'abord dans son propre intérêt [...] La majorité des bénéfices liés aux mesures d'atténuation prises par un pays donné profite en réalité à d'autres pays.
      • [...] le phénomène du passager clandestin est aggravé par l'idée que chacun obtiendra plus dans une négociation future s'il en fait moins aujourd'hui.
  3. Des négociations qui ne sont pas à la hauteur des enjeux
    • En prenant des années de haute pollution comme référence, les pays gonflent artificiellement l'ambition des objectifs qu'ils s'assignent.
    • [...] le constat scellé par l'accord de la COP 21 est le bon.
    • L'accord repousse [...] à une date ultérieure l'engagement concret des pays à réduire leurs émissions.
    • L'accord est un succès diplomatique incontestable[...] mais ce consensus a été acquis en cédant à différentes exigences [...] et donc au prix d'un manque d'ambition [...]
  4. Responsabiliser les acteurs face au réchauffement climatique
    • Pour résoudre [le] problème du passager clandestin, les économistes ont depuis longtemps proposé [...] le principe du « pollueur-payeur ».
    • La justification des subventions aux énergies renouvelables (EnR) est la «  courbe d'apprentissage », c'est-à-dire l'idée selon laquelle les coûts baissent au fur et à mesure que les entreprises produisent.
  5. Les inégalités et la tarification du carbone
    • Les pays pauvres et émergents font remarquer à juste titre que les pays riches ont financé leur industrialisation en polluant la planète et qu'eux aussi voudraient accéder à un niveau de vie comparable.
    • [...] un prix du carbone élevé dans les pays développés n'aurait qu'un effet limité du fait de la délocalisation de la production vers les pays à bas prix du carbone.
    • [...] la réalité des inégalités internationales nous amène à poser la question du partage du fardeau climatique.
    • Lors des conférences internationales, les hommes politiques ont l'habitude de promettre des contributions financières, mais une fois la conférence terminée, ils réduisent ces promesses ou reviennent dessus.
  6. Crédibilité d'un accord international
    • l'OMC pourrait considérer que le non-respect d'un accord international sur le climat équivaut à un dumping environnemental et devrait à ce titre imposer des sanctions.
    • [...] le non-respect  d'un accord sur le climat devrait être considéré comme [...] de la dette souveraine.
  7. En conclusion : remettre les négociations sur la bonne voie
    • Malgré l'accumulation des preuves scientifiques du rôle anthropique dans le réchauffement climatique, la mobilisation internationale sur ce sujet reste en pratique décevante.
    • [...] ne [...] pas occulter les motifs d'optimisme.
      • [...] la prise de conscience dans les opinions publiques a progressé depuis quelque temps.
      • [...] plus de quarante pays [...] ont institué des marchés de droits d'émission négociables [...]
      • [...] la baisse substantielle du coût de l'énergie solaire fait entrevoir des solutions économiques au problème des émissions de l'Afrique et d'autres pays en développement et émergents.
Pour clore ce chapitre Jean Tirole conclut sobrement :
  • Dans le contexte actuel, il n'y a pas d'issue alternative.
Bref, nous n'avons pas de choix autre que « retrouver le chemin du bon sens » comme il le dit un peu avant de lister trois priorités :
  1. [...] établissement d'un prix universel du carbone compatible avec l'objectif des 1,5 à 2°
  2. [...] une infrastructure de contrôle indépendante [...] ainsi qu['] un mécanisme de gouvernance 
  3. [attaquer] de front la question épineuse de l'équité
Rien que ça...