Il y a parfois dans les commentaires de mes billets des choses intéressantes à tirer, ainsi de mon précédent article intitulé Moi non plus je ne crois pas à la science on a pu lire ceci :
Mais un autre commentateur lui faisait remarquer ceci :
Tout cela est bien joli mais par expérience je connais la propension qu'ont les climatosceptiques à reprendre à leur compte des propos ou des articles tenus ou écrits par des scientifiques et de les retourner comme des crêpes à leur avantage, bien évidemment sans le consentement de leurs auteurs !
Des exemples ?
J'ai déjà évoqué dans mon blog l'embauchage par Jacques Duran de Pierre-Gilles de Gennes, par Claude Allègre de Håkan Grudd et par Benoit Rittaud de...Blaise Pascal !
J'ai aussi dénoncé à plusieurs reprises le sieur Pierre Gosselin qui se permet de lister sur son site des études censées contredire ce que l'on appelle le consensus sur le climat, mais quand on y regarde de plus près on s'aperçoit qu'il s'agit de papiers qui ne remettent nullement en cause le réchauffement climatique d'origine humaine.
Aujourd'hui donc c'est au tour de Bjorn Stevens de se voir enrôlé de force et certainement à son insu par Judith Curry, laquelle ne fait aucun commentaire en laissant le soin à ses ador…, pardon à ses lecteurs de donner leur avis sur la question, par exemple avec le tout premier à livrer ses pensées profondes :
On peut par conséquent constater la haute tenue scientifique du blog de Judith Curry avec ce genre d'ineptie lâchée de manière quasi pavlovienne, les commentateurs habituels de ce site étant préprogrammés pour abonder dans le sens de la tenancière des lieux sans se poser de questions.
Evidemment le but de Judith Curry étant à double détente :
Le premier n'a retenu que l'incertitude sur les nuages en les qualifiant de « cauchemar » des climatologues (bane of all climate researchers), alors que le second, un habitué des lieux qui avait déjà démoli Jean-Pierre Bardinet, ce dont on lui sait infiniment gré, se contente de brocarder Stevens en se gaussant de son prétendu hubris parce qu'il assure que le réchauffement climatique est bien là, ce dont lui, Willis Eschenbach, doute fortement.
Mais revenons un peu en arrière quand Stevens avait publié en 2015 un papier intitulé Rethinking the Lower Bound on Aerosol Radiative Forcing (Repenser la limite inférieure du forçage radiatif des aérosols)
Petite parenthèse à l'attention de phi : on parle bien de forçage radiatif, ce concept soi-disant nébuleux et ne reposant sur rien bien qu'il soit utilisé couramment de nos jours, y compris par la majorité des climatosceptiques ayant quelques notions sommaires en climatologie ; je ferme la parenthèse.
Alors que pensez-vous qu'il advint de ce papier de Stevens à l'époque et comment il fut traité par une certaine « presse » ?
De nombreux sites conservateurs, voire ultra-conservateurs pour ne pas dire d'extrême-droite ont repris l'information avec le gros titre suivant :
Anonyme30 mars 2019 à 18:40
Excellent article publié sur le site de Curry .
Ce qui est écrit explique en grande partie ma position sur ce "grand" sujet ...
[blablabla]
Je suis ravi de l ínterview de ce scientifique ...BenHague faisait référence à l'article de Judith Curry intitulé Why climate predictions are so difficult dans lequel elle reprenait quelques extraits, traduits de l'allemand, d'une interview de Bjorn Stevens dans Der Spiegel.
https://judithcurry.com/2019/03/30/why-climate-predictions-are-so-difficult/
BenHague
Mais un autre commentateur lui faisait remarquer ceci :
Robert30 mars 2019 à 21:40Ce à quoi BenHague lui répond :
Ben Hague @
[…] quant à Curry elle déforme les dires de Stevens.. […]
Anonyme31 mars 2019 à 00:17Bon, comme je ne comprends pas l'allemand et que de plus l'article du Spiegel est derrière un paywall et que je n'ai pas l'intention de m'abonner à ce journal en ligne je ne peux ni confirmer ni infirmer ce que nous assure BenHague, il dit avoir vérifié (check) l'article en question et peut certifier que « le sens n'est pas déformé », soit…
[…]
"quant à Curry elle déforme les dires de Stevens.. "
Assertion numéro 2 de quelqu'un qui ne a lu ni l'article , ni ne parle allemand .
1) C'est une trqaduction d'un article de SPiegel
2) Apres check dudit article en allemand ( 5 ans d éxperience pro en Allemagne ca aide) , le sens n'est pas déformé ... Prenez vous en au Spiegel pas á Curry
[…]
Tout cela est bien joli mais par expérience je connais la propension qu'ont les climatosceptiques à reprendre à leur compte des propos ou des articles tenus ou écrits par des scientifiques et de les retourner comme des crêpes à leur avantage, bien évidemment sans le consentement de leurs auteurs !
Des exemples ?
J'ai déjà évoqué dans mon blog l'embauchage par Jacques Duran de Pierre-Gilles de Gennes, par Claude Allègre de Håkan Grudd et par Benoit Rittaud de...Blaise Pascal !
J'ai aussi dénoncé à plusieurs reprises le sieur Pierre Gosselin qui se permet de lister sur son site des études censées contredire ce que l'on appelle le consensus sur le climat, mais quand on y regarde de plus près on s'aperçoit qu'il s'agit de papiers qui ne remettent nullement en cause le réchauffement climatique d'origine humaine.
Aujourd'hui donc c'est au tour de Bjorn Stevens de se voir enrôlé de force et certainement à son insu par Judith Curry, laquelle ne fait aucun commentaire en laissant le soin à ses ador…, pardon à ses lecteurs de donner leur avis sur la question, par exemple avec le tout premier à livrer ses pensées profondes :
Bob Greene | March 30, 2019 at 11:19 am | Reply
Predictions are difficult, especially about the future.
Evidemment le but de Judith Curry étant à double détente :
- faire croire que Stevens ne fait pas confiance aux modèles climatiques
- se moquer de lui à l'occasion
Ces deux versions sont illustrées par les deux commentaires suivants qui font vraiment avancer le débat en l'élevant à des hauteurs stratosphériques :
Hifast | March 30, 2019 at 1:04 pm | Reply
Reblogged this on Climate Collections and commented:
“The difficulties [in climate modeling Bjorn Stevens of the Hamburg Max Planck Institute for Meteorology] and his fellow researchers face can be summed up in one word: clouds. The mountains of water vapor slowly moving across the sky are the bane of all climate researchers.”
Willis Eschenbach | March 30, 2019 at 1:04 pm | Reply
My vote for today’s winner for scientific hubris …
“The accuracy of the predictions has not improved, but our confidence in them has grown,” he says. The researchers have examined everything that might counteract global warming. “Now we are sure: she is coming.”
Man, I split my sides laughing at that one. It’s scientifically hilarious from about three different directions …
Le premier n'a retenu que l'incertitude sur les nuages en les qualifiant de « cauchemar » des climatologues (bane of all climate researchers), alors que le second, un habitué des lieux qui avait déjà démoli Jean-Pierre Bardinet, ce dont on lui sait infiniment gré, se contente de brocarder Stevens en se gaussant de son prétendu hubris parce qu'il assure que le réchauffement climatique est bien là, ce dont lui, Willis Eschenbach, doute fortement.
Mais revenons un peu en arrière quand Stevens avait publié en 2015 un papier intitulé Rethinking the Lower Bound on Aerosol Radiative Forcing (Repenser la limite inférieure du forçage radiatif des aérosols)
Petite parenthèse à l'attention de phi : on parle bien de forçage radiatif, ce concept soi-disant nébuleux et ne reposant sur rien bien qu'il soit utilisé couramment de nos jours, y compris par la majorité des climatosceptiques ayant quelques notions sommaires en climatologie ; je ferme la parenthèse.
Alors que pensez-vous qu'il advint de ce papier de Stevens à l'époque et comment il fut traité par une certaine « presse » ?
De nombreux sites conservateurs, voire ultra-conservateurs pour ne pas dire d'extrême-droite ont repris l'information avec le gros titre suivant :
New Climate Paper Gives Global Warming Alarmists ‘One Helluva Beating’
Ainsi quelques exemples :Un nouveau document sur le climat donne aux alarmistes du réchauffement climatique une sacrée raclée
- breitbart (vous savez, le site de Steve Bannon)
- teaparty
- floppingaces
- wnd
- johnvkaravitis
En fait tous ces sites de droite extrême ont repris en cœur une « information » publiée par le site de « désinformation » Bishop Hill qui reprenait lui-même cette même « information » d'un autre site de « désinformation » Climate Audit qui publiait un article de...Nick Lewis, bien connu ici, lequel se permettait, comme à son habitude aurait-on tendance à dire, de donner son analyse du papier de Bjorn Stevens (j'espère que vous avez suivi sans vous perdre en chemin)
Je ne me sens pas d'attaque pour critiquer le billet de Lewis, mais le seul fait qu'il le publie sur Climate Audit, le blog de Steve McIntyre, relayé par Bishop Hill d'Andrew Montford, puis par toute la clique facho américaine, fait immédiatement s'allumer un warning devant mes yeux, et j'entends dans mes oreilles une sirène comme celles qui évoquent l'arrivée imminente d'un cataclysme.
Mais heureusement qu'il existe des sites un peu plus sérieux que ceux mentionnés précédemment (vous me direz que ce n'est pas très compliqué) comme par exemple Scientific American (SA) qui démolit les constructions pseudo-scientifiques de Lewis, McIntyre et cie avec How to Misinterpret Climate Change Research (Comment mal interpréter la recherche sur le changement climatique) ; le sous-titre permet d'avoir une idée plus précise de ce qui va être évoqué dans l'article : Research into the cooling impact of aerosols sends climate contrarians into a tailspin (La recherche sur l’impact refroidissant des aérosols fait partir les climatosceptiques en vrille)
L'article explique en effet comment l'étude de Stevens a été récupérée par la faune climatosceptique en la déformant au point de faire dire à son auteur le contraire de ce qu'il pense vraiment (cela vous étonne ?)
On remarquera tout d'abord que le papier de Stevens se réfère aux particules en suspension et leurs interactions avec les nuages, un domaine toujours largement discuté aujourd'hui.
L'article de SA commence par expliquer que les particules par endroits chauffent la planète et en d'autres endroits la refroidissent par réfraction des rayons du soleil ; ainsi les particules sont qualifiées par SA d'« électron libre » (wild card) dans le climat de la Terre, avec comme principaux concurrents en terme de complexité...les nuages !
Et SA de nous avertir que ce papier de Stevens a été décrit par des médias et des blogs conservateurs comme « ébranlant la théorie du réchauffement climatique d'origine humaine ».
Il suffit de lire le reste et notamment les propos de Stevens lui-même, cette fois en anglais en non en allemand, pour se faire une idée de ce qu'il pense vraiment ; voici tous les passages où il est cité :
I was touched that they'd write me and double-check that my study was being interpreted correctly.
J'ai été touché qu'ils m'écrivent et vérifient que mon étude a été interprétée correctement.
Là il faisait référence non pas aux médias et blogs susmentionnés, mais aux professeurs et aux profanes qui lui avaient écrit en lui demandant si l'on devait s'inquiéter du changement climatique.
The fear has always been ... that the warming that we do feel is the tip of the iceberg.
La peur a toujours été ... que le réchauffement que nous ressentons ne soit que la partie émergée de l'iceberg.
Car en effet les particules en suspension agissent comme un retardant du réchauffement climatique, et si l'on parvient à les diminuer ou à les supprimer cela ne fera qu'accroitre la hausse des températures !
We've been doing that for 20-odd years, and what you find is that you get all sorts of answers and you really don't get anywhere.
Nous le faisons depuis une vingtaine d'années et vous constatez que vous obtenez toutes sortes de réponses et que vous n'allez nulle part.
Il évoque ici l'incertitude qui existe sur le forçage négatif des particules, le GIEC reportant une fourchette de 0,1 à 1,9 W/M² d'effet refroidissant.
All sorts of schoolteachers were contacting me, and they were all worried that everything they'd learned was wrong.
Toutes sortes d'enseignants me contactaient et craignaient que tout ce qu'ils avaient appris ne soit faux.
Cela faisait suite à l'article de Nick Lewis jetant le doute (et le trouble, ce qui était l'objectif réel) sur la sensibilité climatique, avançant une ECS de 1,2 à 1,8°C là où le GIEC reporte de 1,5 à 4,5 avec une médiane à 3°C.
A ce stade SA paraphrase Stevens avec ce passage :
Soon after, he took the unusual step, for a climate scientist, of issuing a press release to correct the misconceptions. Lewis had used an extremely rudimentary, some would even say flawed, climate model to derive his estimates.
Peu de temps après, [Stevens] a pris la décision inhabituelle, pour un climatologue, de publier un communiqué de presse pour corriger les idées fausses. Lewis avait utilisé un modèle climatique extrêmement rudimentaire, voire imparfait, pour calculer ses estimations.
Mais aussi :
Stevens said his study is something to be mulled over, but it does not call into question man-made global warming.
Stevens a déclaré que son étude était une chose à considérer, mais elle ne remet pas en question le réchauffement climatique provoqué par l'homme.
Et il termine ainsi :
I continue to believe that warming of Earth's surface temperatures from rising concentrations of greenhouse gases carries risks that society must take seriously, even if we are lucky and (as my work seems to suggest) the most catastrophic warming scenarios are a bit less likely.
Je continue de croire (sic) que le réchauffement de la température de la surface de la Terre dû à la concentration croissante de gaz à effet de serre comporte des risques que la société doit prendre au sérieux, même si nous avons de la chance et (comme le suggère mon travail) les scénarios de réchauffement les plus catastrophiques sont un peu moins probables.
Ainsi pour résumer:
- Stevens ne remet en aucune façon en cause la réalité du réchauffement climatique d'origine humaine ;
- Il admet, mais ce n'est pas un scoop, qu'il existe des incertitudes concernant les particules et les nuages ainsi que leurs interactions ;
- Il estime que l'ECS est dans la limite basse de la fourchette (dixit Andrew Dessler) ce qui explique son relatif « optimisme »
Pour le dernier point Stevens est loin de faire l'unanimité, voila un thème, la sensibilité climatique, qui ne fait pas (encore) consensus mais nous avons déjà vu quand même que la majorité des papiers récents donnaient une ECS proche des 3°C...Nous verrons bien ce que dira le prochain rapport du GIEC qui reprendra à mon avis exactement les mêmes valeurs que dans les précédentes éditions (c'est mon petit doigt qui me l'a dit)