C'est bientôt la fin de l'année et on peut déjà voir ici ou là quelques conclusions provisoires sur le positionnement de 2018 dans le classement des années les plus chaudes.
Avant de commencer disons tout de suite que 2018 sera très certainement considérée comme une année « sans Niño », comme nous le confirme la dernière mouture lisible sur le site de la NOAA
climate :
The surface of the tropical Pacific Ocean is nice and warm, but the atmosphere has yet to respond. Despite the waiting game, forecasters think there’s a 90% chance that El Niño will arrive soon and continue through the winter.
La surface de l'océan Pacifique tropical est agréable et chaude, mais l'atmosphère n'a pas encore réagi. Malgré l’attente, les prévisionnistes pensent qu’il y a 90% de chances que El Niño arrive bientôt et continue pendant l’hiver.
Plus de détail nous sont donnés
ici à la date du 13 décembre :
ENSO-neutral continued during November, despite the continuation of above-average sea surface temperatures (SSTs) across the equatorial Pacific Ocean [...] Despite the above-average ocean temperatures, the overall coupled ocean-atmosphere system remained ENSO-neutral.
La neutralité ENSO s'est poursuivie en novembre, malgré la persistance de températures de surface de la mer supérieures à la moyenne dans l'océan Pacifique équatorial [...] Malgré les températures supérieures à la moyenne, le système global couplé océan-atmosphère est resté neutre.
Bref, les températures de la surface de l'océan Pacifique équatorial sont au-dessus de la moyenne, mais nous sommes toujours en conditions « ENSO-neutre », donc si je comprends cela correctement il n'y a pas encore d'effet Niño sur les températures globales de la planète comme nous en avons eu en 1998 ou en 2016 ; l'année 2018 devrait par conséquent être une année plutôt « tiède » et ne battre aucun record, du moins planétaire, cependant, comme nous allons le voir, elle se comporte plutôt bien sur le plan des performances.
Tout d'abord, si nous considérons notre situation nationale, Météo France nous a donné quelques indications à deux reprises ; un premier article daté du 21 décembre intitulé
Climat France : bilan provisoire de l'année 2018 nous montrait l'évolution des températures en France depuis le 1er janvier jusqu'au 19 décembre dernier :
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Evolution de la température en France en 2018 et écarts par rapport à la moyenne 1981-2010. |
On remarque le début d'année très doux, voire « chaud » pour un mois de janvier, suivi d'un mois de février vraiment froid, nettement plus froid que la moyenne ; le reste de l'année nous avons été la plupart du temps très nettement au-dessus de la moyenne 1981-2010 (inutile de revenir sur cet été qui a été caniculaire, même s'il n'a pas battu les records de 2003)
Un deuxième article intitulé
2018 : l’année la plus chaude en France et daté lui-aussi du 21 décembre nous confirme que
La température moyennée sur l'année, proche de 14 °C, devrait se situer 1,4 °C au-dessus de la moyenne de référence 1981-2010. Un tel écart positionne 2018 au premier rang des années les plus chaudes depuis le début du XXe siècle, devant 2014 (+1,2 °C) et 2011 (+1,1 °C). On a aussi connu cette année une séquence de 9 mois consécutifs au-dessus des normales ; ce qui n'était non plus jamais arrivé depuis le début des mesures.
Mais la France n'est pas la seule à avoir « bénéficié » de conditions que certains (que je ne nommerai pas) qualifieraient de magnifiques en vertu de ce trait de caractère qui veut que l'optimisme soit en rapport avec la température, plus celle-ci est élevée et plus l'optimisme béat est de mise sachant que le déni de réalité est un facteur aggravant et amplificateur ; ainsi :
En Allemagne, en Autriche et en Suisse, 2018 est également l'année la plus chaude enregistrée depuis le début des relevés météorologiques. Il est possible que ce soit aussi le cas à l'échelle de l'Europe.
On se souvient effectivement des températures records enregistrées par les pays scandinaves, et c'est même un présentateur météo que
les climato-sceptico-irréalistes embauchent dans leur camp à l'insu de son plein gré, j'ai nommé Guillaume Séchet,
qui nous le disait en mai dernier :
Les deux stations météo principales d'Helsinki (capitale de la Finlande) ont battu leurs records mensuels le 15 mai avec :
- 27.2°C à Helsinki - Kaisaniemi battant les 26.3°C du 24/05/2014 et 30/05/1995 (mesures depuis la fin du XIXème siècle),
- 29.6°C à Helsinki - Vantaa battant les 29.3°C du 24/05/2014.
Evidemment ce n'était que de la météo, et Guillaume Séchet précisait bien que « [l]a distribution des températures de cette mi-mai est très particulière. Ces dernières sont anormalement fraîches sur le Portugal, l'Espagne, la France mais aussi jusqu'en Italie, sur la Méditerranée Occidentale et sur le Maghreb » pour ajouter dans la foulée « mais anormalement chaudes sur le Nord de l'Europe, plus encore de la Scandinavie, en Estonie, en Lettonie sur le Nord de la Russie », cependant on voit bien en cette fin d'année que les températures européennes ont bien été dans l'ensemble nettement plus chaudes que d'« habitude », parfois (et à mon avis de plus en plus) la météo est un bon indicateur et précurseur de la situation climatique, après tout ne dit-on pas que le climat n'est que la météo moyennée sur une période suffisamment longue (en général une trentaine d'années)
Et si l'on s'attarde un instant sur le commentaire de Guillaume Séchet que constate-t-on ? Il écrit que les températures au 16 mai sont « anormalement fraîches sur […] la France […] » mais quand on regarde attentivement le graphique présenté par Météo France on s'aperçoit que le mois de mai était effectivement plutôt froid (le 13 mai est clairement en bleu à 4°C au-dessous de la moyenne 1981-2010) mais qu'il s'agissait d'une virgule très temporaire entourée par des mois d'avril et juin beaucoup plus chauds (entre 5 et 8°C au-dessus de la moyenne 1981-2010 !)
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Zoom sur les températures d'avril à juin en France en 2018 (5°C séparent chaque ligne horizontale) |
Guillaume Séchet n'avait donc pas tort et avait correctement résumé la situation à la date du 16 mai 2018, cependant mon petit doigt me dit que les climatosceptiques, qui aiment bien Séchet (à son insu bien entendu), auront retenu qu'il a fait anormalement froid en France en mai, ce qui est intolérable !
Mais le mois de mai n'était, pour les pays scandinaves, qu'un simple apéritif, et c'est
un autre site météo qui nous donne la situation au 19 juillet, soit deux mois plus tard :
Depuis le mois de mai, les conditions anticycloniques prédominent sur le nord de l'Europe. Il s'agit d'une situation de blocage anticyclonique particulièrement durable avec une masse d'air chaude associée à ces hautes pressions.
Accompagné de cette carte suffisamment explicite :
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Plusieurs records de chaleur absolus battus le 17 juillet (source lachainemeteo) |
Quoi d'étonnant à tout cela ? Je vous le demande (question toute rhétorique, pas la peine de répondre)
L'année 2018 aura donc été en Europe en général la détentrice du record des températures les plus chaudes depuis l'existence de relevés fiables, mais le même petit doigt que tout à l'heure me susurre à l'oreille que les
climato-irréalistes ne s'en laisseront pas compter et sauront réagir avec la pertinence que nous leur connaissons à ces informations issues d'un organisme d'Etat phagocyté par des environnementalistes de tout poil à la solde de Greenpeace et du WWF (sans oublier la Corée du Nord et Cuba)
Mais qu'en est-il de la situation mondiale ? L'Europe c'est bien joli, la France encore plus (et mon patelin bien davantage) mais il faudrait s'intéresser à la température globale de la planète, comment s'est-elle comportée cette année et mérite-t-elle de figurer sur le podium des JO du changement climatique ?
Nos « amis » climato-irréalistes se contenteront bien entendu des informations que leur soumet régulièrement leur maitre à penser, j'ai nommé Roy Spencer, qui sur son blog classe 2018 en 6ème position...depuis 1979 (avant cette date il ne connait pas, ce qui est normal puisque son joujou préféré n'a pu être mis en orbite qu'à cette date) ; dans
2018 6th Warmest Year Globally of Last 40 il ne nous donne pas à voir son fameux graphique mais celui-ci représentant le classement de « ses » années à lui :
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[…] all of the years from warmest to coolest, with the ten warmest and ten coolest years indicated […] The first (1979) and last (2018) years in the record are indicated in purple. |
Les lecteurs assidus de mon blog savent ce que je pense, ou plutôt ce que pensent les spécialistes de la question,
notamment Carl Mears, au sujet de la « fiabilité » (on devrait plutôt dire du manque de fiabilité) des données satellitales, et en particulier celles issues de UAH, organisme géré par deux climatosceptiques notoires, Roy Spencer et John Christy, nous n'allons donc pas nous attarder sur le classement « personnel » de Roy Spencer qui n'engage que lui (ou plutôt ceux qui le croient naïvement sans se poser la moindre question, sur le modèle des
promesses politiques qui n'engagent que ceux qui les reçoivent)
Il est cependant assez comique de constater dans le classement de Spencer que 1998 serait en deuxième position derrière 2016 quand on regarde les statistiques des divers organismes avec l'aide de
woodfortree :
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Evolution des températures de surface de 1979 à 2018 (source woodfortrees) selon trois organismes. |
Les températures de surface, bien plus fiables que celles issues des satellites, ne sont pas tout à fait d'accord avec Roy Spencer, 1998 présente bien un pic exceptionnel, mais celui-ci a été dépassé à plusieurs reprises ; et tant que nous y sommes regardons les tendances calculées sur ces trois courbes :
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Tendances selon la Nasa, HadCRUT et BEST. |
On constate un certain parallélisme, pour ne pas dire un parallélisme certain, surtout entre la NASA et HadCRUT, BEST « chauffant » un peu plus que les deux autres.
Maintenant jetons un coup d'œil sur les données provenant des calculs alambiqués à partir des informations fournies par les satellites, nous obtenons ceci :
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Evolution de la température de la basse troposphère de 1979 à 2018 selon RSS et UAH. |
Et pour les tendances...
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Tendances selon RSS et UAH. |
Hum…
Si nous voulons y voir plus clair nous pouvons nous livrer à ce petit exercice de comparaisons :
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Comparaison de la tendance RSS avec les tendances de surface. |
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Comparaison de la tendance UAH avec les tendances de surface. |
Quelques remarques :
- les données de surface sont bien plus homogènes entre elles que ne le sont les données issues des satellites entre elles ;
- RSS présente un réchauffement nettement plus important que UAH ;
- RSS est l'organisme traitant des données satellitaires qui se rapproche le plus des données de surface.
De tout cela on tirera les conclusions que l'on veut (i.e. celles que l'on veut entendre) mais on comprend parfaitement pourquoi les climatosceptiques vouent un amour sans limite à Roy Spencer qui leur donne à voir ce qu'ils désirent voir par dessus tout.
Nous attendrons un peu avant de consulter les résultats finaux (ou finals, on peut dire les deux) des autres organismes, Spencer ayant l'habitude de tirer plus vite que son ombre pour maintenir ses fidèles lecteurs en état constant de catatonie mentale, cependant on peut quand même admirer la carte des anomalies de températures pour la période décembre 2017-novembre 2018 que nous propose la NASA :
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Anomalies de température de décembre 2017 à novembre 2018 par rapport à la période de référence 1951-1980 (source data.giss.nasa.gov) |
Mais en changeant la période de référence on obtient ceci :
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Anomalies de températures de décembre 2017 à novembre 2018 par rapport à la période de référence 1881-1910 (source data.giss.nasa.gov) |
J'ai choisi comme date de départ 1881 tout simplement parce que le site n'accepte pas de date antérieure à 1880 ! Et cette période 1881-1910 est plus en adéquation que 1951-1980 avec ce que l'on appelle familièrement l'« ère préindustrielle », même si la révolution industrielle avait commencé depuis longtemps déjà, mais pas avec l'intensité que nous lui connaissons aujourd'hui.
Nous avons donc actuellement une augmentation d'environ 1°C par rapport à cette ère préindustrielle et cela ne va pas s'arranger dans les décennies à venir.
Pour 2019 le
metoffice a déjà fait quelques prévisions :
The Met Office global temperature forecast suggests that 2019 will be close to record warmth due to climate change and the added effect of El Niño-related warming in the Pacific.
Les prévisions de température globale du Met Office suggèrent que 2019 sera proche d'une chaleur record en raison du changement climatique et de l'effet supplémentaire du réchauffement lié au phénomène El Niño dans le Pacifique.
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Graph showing global average temperature relative to the 1850–1900 baseline. The grey line and shading shows the 95% uncertainty range. The forecast value for 2019 and its uncertainty range are shown in black and green. |
Traduction de la légende :
Graphique illustrant la température moyenne mondiale par rapport au niveau de référence de 1850-1900. La ligne grise et l'ombrage indiquent la plage d'incertitude de 95%. La valeur prévue pour 2019 et sa plage d'incertitude sont indiquées en noir et en vert.
Nous voilà amplement rassurés.