samedi 24 novembre 2018

Philou interprête Jean Jouzel, mais avec beaucoup de fausses notes

Mardi dernier j'ai évoqué l'entretien de Jean Jouzel dans Télérama, ce vendredi c'est au tour d'un génial improvisateur en la personne du dénommé Phil de donner sa version toute personnelle de ce qu'il a lu et cru comprendre.

Dans Surprise du chef notre philou (prononcer comme filou bien entendu) se permet de prendre quelques libertés avec ce que Jean Jouzel a exprimé dans l'interview.

Je ne vais pas tout reprendre, mais le morceau suivant vaut son pesant de salade avariée que le tenancier du blog, un mathématicien hors-sol, laisse à la vue de tout le monde afin qu'on se rende bien compte du sérieux approximatif de son site :
Je cite :  « La cause première des cycles climatiques (…) ce n’est pas le CO2 c’est vrai, mais les variations de l’orbite terrestre qui modifient la quantité d’énergie solaire reçue par la terre » .
C’est pas un scoop çà ? Ca sent un peu le virage sur l’aile quand même. Je répète : « la cause première des cycles climatiques ce n’est pas le CO2 ». Donc le soleil est la cause première du chauffage en fonction, non pas du CO2, mais d’une cause tout aussi naturelle qui est l’inclinaison de la terre.
Un virage sur l'aile ? De toute évidence l'ami Phil n'est pas au courant des travaux de Jouzel et Lorius autrement il saurait qu'il y a toujours eu parfaite corrélation entre évolutions des températures et du CO2 et qu'avant la révolution industrielle c'était bien l'irradiation solaire qui était le déclencheur de la hausse des températures, entrainant entre autres choses un dégazage des océans qui émettaient du CO2, lequel agissait alors comme une rétroaction positive en amplifiant (Jouzel parle d'amplificateur)la hausse des températures.

Le site climat-en-questions donne de bonnes explications au phénomène en montrant ce graphique issu des travaux de Jouzel et Lorius :

Co-variation de la température et du CO2 durant les 800 000 dernières années.

Ce graphique concerne l'Antarctique, puisque c'est là-bas que les carottes de glace ont été prélevées (au Sahara ça aurait moins bien marché) mais bien sûr il est également valable pour l'ensemble de la planète, le CO2 se mélangeant très vite dans l'atmosphère avec les autres gaz et recouvrant donc l'ensemble du globe de façon homogène.

L'auteur, Frédéric Parrenin, explique :
Dès les années 1980, les carottes prélevées dans les glaces de l'Antarctique ont permis de mettre en évidence la corrélation très étroite, qui a prévalu par le passé, entre la concentration en CO2 et la température en Antarctique. Cette observation semble ainsi confirmer la théorie de l'effet de serre.
Le fait que l'observation de cette co-variation confirme la théorie de l'effet de serre est maintenant acquis, et Jean Jouzel, dans son entretien dans Télérama, n'effectue aucun « virage sur l'aile » sur le sujet.

Mais la nuance qui a échappé à Phil est la suivante :
Cependant il faut rester prudent et précis : cette corrélation entre CO2 et température ne signifie pas que le CO2 est la cause des variations de température. On sait qu’une part majeure de ces fluctuations est liée à des processus astronomiques. Et la température peut également être la cause des variations de CO2 via les échanges de CO2 entre l’atmosphère, l’océan et la végétation. Dans ces conditions, il n’est pas anormal que les changements de température aient pu précéder ceux du CO2, à certains moments dans le passé, et ce n’est en aucun cas un argument à l’encontre du rôle de l’augmentation du CO2 dans le réchauffement actuel de la planète.
Dans ce passage les points importants sont les suivants :
  • une part majeure des fluctuations de la température est liée à des processus astronomiques
  • la température peut entrainer des variations de CO2 via les échanges de CO2 entre l’atmosphère, l’océan et la végétation
  • tout cela était valable à certains moments du passé !

Cependant il faut prendre des pincettes car 
La dernière déglaciation est survenue il y a entre 20 000 et 10 000 ans dans le passé. Les études les plus récentes1 à son sujet contredisent les premières études - qui montraient un retard du CO2 - et elles suggèrent que le CO2 et la température en Antarctique ont commencé à augmenter en même temps. Le CO2 apparaît donc comme une cause potentielle des déglaciations passées.
Donc même « à certains moments du passé » on n'est pas absolument sûr que la température précédait bien le CO2, les deux ont pu augmenter en même temps, et dans ce cas c'est essentiellement le CO2 avec son pouvoir de gaz à effet de serre qui serait le principal responsable de la hausse des températures ; si je comprends bien, tout au plus le changement d'irradiation solaire agirait comme l'allume-feu qui nous sert à faire « partir » la cheminée.

Et la conclusion est sans appel :
Les données du passé ne remettent pas en cause le fait que la Terre se réchauffe actuellement à cause des émissions anthropiques de CO2. Mais elles devraient permettre de mieux anticiper l’ampleur du réchauffement futur et sa répartition spatiale qui feront encore l'objet de nombreuses recherches dans les années à venir.
Donc, à supposer que dans le lointain passé ce soit bien la température qui ait initié le processus, le CO2 suivant et amplifiant le phénomène, il ne fait aucun doute qu'actuellement c'est bien le CO2 d'origine humaine qui est la cause de l'augmentation des températures que nous connaissons.

Bref Phil a tout faux, il n'a pas compris ce qu'a dit Jouzel ou bien se fait un plaisir de déformer ses propos, dans les deux cas cela n'est pas très positif pour l'image de marque de notre mathématicien de comptoir qui laisse dire de telles âneries sur son blog.

Le reste de l'article est à l'avenant et je ne perdrai pas davantage de temps pour le démolir, comme dans Mission Impossible toute cela s'auto-détruira assez rapidement.

Au fait, pour ceux qui seraient intéressés pour voir un passage correctement cité, pas la peine d'aller très loin :
La cause première des cycles climatiques […] ce n'est pas le CO2 […] mais les variations de l'orbite terrestre […] [le] CO2 […] ne joue qu'un rôle d'amplificateur […] La nouveauté, c'est que depuis un siècle et demi on a envoyé dans l'atmosphère […] des centaines de milliards de tonnes de CO2. Nous faisons donc à l'échelle terrestre, et à grande vitesse, une expérience chimique inédite ! »

Ne me remerciez pas, c'est gratuit.



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